Ad candidum lectorem Georgius Rotaller
Georgius Ratallerus

Présentation du paratexte

Ce poème en distiques élégiaques au lecteur de Georg Rataller recommande la traduction latine de Sophocle tout en l'invitant à l'indulgence. Le traducteur est présenté comme le cultivateur du champ sophocléen, adaptant son ouvrage à la terre de Sophocle et priant d'être excusé pour sa jeunesse.

Traduction : Christian NICOLAS

Ad candidum lectorem Georgius Rotaller

Au brillant lecteur, Georg Rataller.

Si uacat urgenteis lector seponere curas, Et dare nunc tragicis tempora parua libris, Excipe non duro iuuenilia carmina uultu, Hocque cothurnati perlege uatis opus.

Si tu as la possibilité, lecteur, de mettre de côté tes tâches urgentes et de consacrer maintenant quelque temps aux tragédies, reçois ces poèmes de jeunesse sans trop de sévérité et parcours jusqu’au bout cette œuvre d’un poète à cothurne.

Quem nos, dum cupimus linguae monimenta Latinae Scrutari, et Graios perdidicisse sonos, Iussimus Ausonia redimitum exire lacerna, Et trepidum uultus ante uenire tuos.

Nous, dans notre souhait d’examiner les monuments de la langue latine tout en apprenant les sons du grec, nous l’avons sommé de sortir ceint du manteau romain et d’oser venir braver votre regard.

Verba Sophocleis si non satis apta cothurnis Forte leges, tragicis atque minora sonis, Pone supercilium, placidam neque contrahe frontem, Scriptaque cum uenia qualiacunque lege.

Au cas où tu lises des mots inadaptés au cothurne sophocléen et trop petits pour des sons tragiques, ne sois pas trop sourcilleux, garde un front placide et lis tout ce que j’ai écrit avec indulgence.

Non ea libertas alieno offertur in agro, Quam quis habet propria quando laborat humo.

On n’a pas dans le champ d’autrui les libertés qu’on a quand on cultive sa propre terre.

Carcere conclusus certis cohibetur habenis, Praescriptaque sibi cogitur ire uia.

Enfermé dans le box, on est tenu par des rênes serrées et obligé de suivre le chemin prescrit.

Sed quem nulla premit rigidae custodia legis, Per loca non aliis peruia, liber abit.

Au contraire, celui que ne presse pas le gardien d’une loi rigide, a la liberté d’aller par des lieux non praticables aux autres.

Per iuga, per saltus, per amoena uireta uagatur : Iam thyma, iam teneras subsecat ungue rosas.

On se promène par les crêtes, les ravins, les vertes prairies : ici on foule du sabot du thym, là de tendres roses.

Iam graditur lente, cursu iam fertur anhelo, Iam duro, molli iam pede calcat humum.

Là on va au pas, là on galope en haletant, là on frappe la terre d’un pied dur, là délicat.

Denique diuersas assumit dictio formas Materiae eloquio conueniente suae.

Enfin le discours prend des formes diverses, la parole s’adaptant à la matière.

Quod si haec non poterunt uenia tibi digna uideri, Quae sunt praecipuo digna fauore tamen, Et tyrocinium, ueniamque merebitur aetas, Quae nondum quintam clausit Olympiadem.

Si tu ne sembles pas pouvoir accorder ton pardon à ce qui mérite pourtant une grande faveur, mon inexpérience et ma jeunesse mériteront le pardon, moi qui n’ai pas encore achevé mon cinquième lustre.

Praemia non aufert fulua gladiator arena, Saeua rudi primum qui capit arma manu.

On ne donne pas la palme, dans l’arène fauve, au gladiateur qui prend pour la première fois de sa main malhabile ses armes cruelles.

Nec quae nunc late uiridantem proiicit umbram Quo posita est arbor tempore, talis erat.

Et cet arbre, qui aujourd’hui projette au loin l’ombre de sa verte frondaison, n’était pas tel quand on l’a planté.

Nostraque adhuc edet meliores tibia cantus, Tempora si uitae sint diuturna meae.

Et notre pipeau chantera un jour de plus jolis airs pour peu qu’une longue vie me soit réservée.