Τῷ λαμπροτάτῳ προέδρῳ Αἰμάρῳ Ραγκωνήτῳ Αδριανὸς Τούρνεβος εὖ πράττειν
Adrianus Turnebus

Présentation du paratexte

Le manuscrit qui a servi de base à cette édition est le Parisinus Græcus 2711 .

Cette édition est violemment critiquée par Henri II Estienne dans son édition de Sophocle de 1568 : Turnebum certe, licet eorum typographum, typographicae διορθώσεως operam illis non impendisse "Turnèbe, quoiqu’étant le typographe de ces [scholies], n’a pas épuisé son travail d’emendatio typographique pour elles."

Cette édition est en deux parties qui ont chacune leur page de titre et leur pagination. Les variantes textuelles qui figurent à la fin de la deuxième partie portent aussi sur le texte de Sophocle, ce qui nous permet de dire qu'il s'agit bien d'une seule édition. Aymar de Ranconet possède de nombreux manuscrits dont le BnF de Sophocle.

Bibliographie :
  • E. de Ranconnet-Viller, Notice sur Aymar de Ranconnet et sa famille, Périgueux (1910)
Traduction : Philippine AZADIAN

Τῷ λαμπροτάτῳ προέδρῳ Αἰμάρῳ Ραγκωνήτῳ Αδριανὸς Τούρνεβος εὖ πράττειν.

Adrien Turnèbe salue le très illustre président Aymar de Ranconnet1.

Σοφοκλὴν ἁπάντων τῶν μελικτῶν ἥδιστον, καὶ τῆς Ἀττικῆς θυμέλης κλέος, ᾧπερ ἀγάλλεται καὶ γαυριᾷ, οἵαις ποτὲ καινοῖς τραγῳδοῖς ἐδίδασκε καὶ ἐχόρευε, τοιαύταις νῦν στροφῶν καὶ ἀντιστροφῶν ἀναβολαῖς καὶ ᾠδαις παραβαίνοντα, καὶ τῇ ἀρχαίᾳ ἐποχούμενον στιχοποιΐᾳ, ἧς τὰς βάσεις πολλαχῆ τῆς ποιήσεως πεπήρωτο, τῶν σῶν ἀπολαύσαντες ἀντιγράφων τῇ νεολαίᾳ παρέχομεν.

Après avoir profité de ton manuscrit, nous offrons à la jeunesse Sophocle, le plus agréable de tous en matière de parties chantées, la gloire du théâtre de l’Attique, dont elle s’honore et s’enorgueillit, qui s’avance accompagné des préludes et des chants que jadis il enseignait aux nouveaux tragédiens et qu’il faisait entendre dans ses chœurs, à présent organisés en strophes et antistrophes ; il se meut au milieu de son antique versification, dont souvent on a mutilé les pieds de sa poésie.

οἰόμεθα μὲν οὖν καὶ τῆς ἄλλης ἧς συγκροτεῖς βιβλιοθήκης εἰς μουσῶν ἐπίδοσιν, ἅπαντας τοὺς παιδείας ἐραστὰς, εἰς τὸ ἐπιὸν χάριν εἴσεσθαί σοι· οὐχ ἥκιστα δὲ καὶ τοῦ παρόντος ποιητοῦ.

Et oui, nous pensons que tous les amoureux de la culture lettrée te sauront gré à l’avenir aussi des autres collections de livres que tu collectes pour le progrès des Muses ; mais surtout du poète présent.

βιβλίον γὰρ παρὰ σοῦ εὐτυχήσαντες Δημητρίου τοῦ Τρικλινίου σημειώσεσι, στιχογραφίαις, ἐξηγήσεσι, διορθώσεσιν εἰς εὔρυθμον καὶ ἐμμελὲς εὖ μάλα διηκριβωμένον, καὶ τῷ ὄντι τιμαλφέστατόν τι χρῆμα, καὶ ὅμοια τοῖς πολυτέλέσι κειμηλίοις ἀξιάγαστον, Σοφοκλῆν παρεχόμεθα, οἷος οὐκ ἂν ὀκνοίην ἰσχυρίσασθαι, οὐδείς πω τῶν τραγικῶν μέχρι τῆς τήμερον ἡμέρας ἐξεδόθη.

Car ayant par bonheur obtenu de ta part le livre de Démétrius Triclinius2 parfaitement achevé par des notes, des indications de versification, des explications, des corrections en vue de l’harmonie et de la mesure, outil à la vérité très précieux et admirable comme les trésors somptueux, nous donnons Sophocle, tel que, je n’hésiterais pas à l’affirmer, aucun des tragiques n’a de quelque façon été publié jusqu’au jour d’aujourd’hui.

τοῦτο δὲ προῳδοπεποίηται τοῖς εἰς Εὐρπίδην καὶ Αἰσχύλον ὁμοίαν διασκευὴν καὶ διακόσμησιν ἐπιβαλουμένοις.

Et cela constitue un prélude pour ceux qui se chargeront d’une semblable révision et mise en ordre pour les textes d’Euripide et d’Eschyle.

παράδειγμα γὰρ ἕξουσιν, οὗ στοχαζόμενοι ῥᾳδίως τῆς προαιρέσεως ἐφίξονται, βοηθὸν Ἡφαιστίωνα παραλαβόντες.

Ils auront en effet un exemple, à partir duquel ils déduiront facilement les principes, grâce au secours d’Héphestion3.

προτοῦ μὲν οὖν τοὺς χοροὺς ἐφαντάζοντο ῥῆσίν τινα λελυμένην μᾶλλον καὶ καταλογάδην ἤπερ ἔμμετρον, τρία ἐκεῖνα τὰ Στησιχόρου4 ἐν παροιμίαις κατημαξευμένα κατανοεῖν καὶ ἐνορᾶν αὐτοῖς οὐ δυνάμενοι·

Auparavant certes ils s’imaginaient que les chants des chœurs étaient des paroles libres et en prose plutôt qu’en vers, n’étant pas capables d’y percevoir ni d’y voir ces trois parties des poèmes de Stésichore pourtant rebattues dans les proverbes.

νῦν δὲ τούτους τῶν μελικῶν περιόδων οὐδοτιοῦν ἀπᾴδοντας εὑρήσουσι.

Mais à présent ils découvriront que ceux-là ne s’accordent en rien avec les périodes lyriques.

πρὸς τούτοις δὲ συστημάτων περικοπαῖς μεσολαβούσαις, ὧν τὰ μέλη ἐστέρηται, διαπεποικιλμένην ὄψονται τὴν τραγωδίαν.

Et en outre, grâce aux coupes qui interrompent les vers, dont les chants étaient privés, ils verront la tragédie se parer de nuances.

τὰ δὲ ἄλλα πάντα σχεδὸν τὸ ὑγιὲς ἀνακτησάμενα ἐπιγνώσονται, οἷς τῶν ἐπιλεγομένων ἀνακοπτομένη προτοῦ σπουδὴ ἐπείχετο εἰς ἔφυλον καὶ νόθον διεφθαρμένοις.

Et ils liront tous les autres passages restaurés presque dans leur santé originelle, passages que l’ancien zèle mutilateur de ceux qui les ont rassemblés a repoussés comme étrangers et bâtards parce qu’ils étaient corrompus.

Σοφοκλέους δὲ πέρι λέγειν μεῖζον ἤ καθ’ ἡμετέραν δύναμιν, οὐδὲ πολλοστῷ μέρει τῶν αὐτῷ προσόντων ἀγαθῶν καὶ καλῶν ἐνάμιλλον καὶ παρισούμενον ἔπαινον κατασκευάσαι δυνησομένην, καὶ ἄλλως αὐτὸν τοῖς ἐντευξομένοις συστῆσαι ζητεῖν ἠλίθιον καὶ περιττὸν, οἷος τὴν ποίησίν ἐστιν, ὑπὸ πάντων ὑπειλημμένον.

Mais parler de Sophocle est trop grand pour notre force, elle qui ne pourra même pas produire un éloge comparable ni analogue en un point infime à tous ces discours bons et beaux qui sont attachés à lui, et du reste il est stupide et vaniteux de chercher à en produire un pour les lecteurs, lui qui a été considéré par tous comme l’incarnation de la poésie.

οὐδεὶς μὲν γάρ ἐστιν ἁπάντων, ὅστις οὐκ εἰ καὶ ποιήσεως πέρι οὐδὲν ἐπαΐει, τοῦ τραγικοῦ κοθόρνου Σοφοκλεῖ τὰ πρωτεῖα ἀκοῇ γοῦν ἐπύθετο νέμεσθαι·

Car il n’y a personne entre tous, qui, même s’il n’entend rien à la création poétique, ne serait informé au moins par ouï-dire que la première place de l’art tragique est attribuée à Sophocle.

οἱ δὲ καὶ ὁτιοῦν τῆς ἑλλάδος γλώσσης γευσάμενοι οἴδασιν ὅτι διὰ τὸ γλυκὺ καὶ γλαφυρὸν τῆς λέξεως, ὡς ἡδείας ἐπιλείβων σταγόνας μέλιτος, μέλισσα ὑπὸ τῶν κωμικῶν ἐκαλεῖτο, ὥστε μᾶλλον ἐπὶ τούτου λέγεσθαι πρέπειν, ἢ ἐπὶ τοῦ πυλίου ἀγορητοῦ·

Et ceux qui ont goûté quoi que ce soit de la langue grecque savent que, du fait de la douceur et de la délicatesse de sa langue, comme s’il versait des gouttes agréables de miel, il était surnommé abeille par les poètes comiques, de sorte qu’il convient davantage de dire à son sujet qu’à celui de l’orateur de Pylos :

Τοῦ γὰρ ἀπὸ στόματος μέλιτος γλυκίων ῥέεν αὐδή. 5

« La voix coule de sa bouche plus douce que le miel. »

οὐδένα δὲ λέληθε καὶ τῶν αὐτοῦ τί ποτ’ ἀναγνόντων, ὅτι σεμνός τις ὄγκος καὶ ἀξιωμα γεναῖον καὶ ὑψηγόρον αὐτοῦ τοῖς ὅλοις ἐπιτρέχει δράμασιν·

Et aussi il n’a échappé à aucun de ceux qui ont un jour lu quelque chose de lui qu’une auguste majesté, qu’un noble et sublime renom suivent l’ensemble de ses pièces.

οὗ χάριν καὶ ὑπὸ τῶν κριτικωτάτων τῆς τραγῳδίας, οἷον ἀρχέτυπον ἐνομίσθη.

Grâce à quoi, même par ceux qui sont les plus aptes à juger de la tragédie, il a été considéré comme un modèle.

ταύτης μὲν οὖν τῆς ἀττικῆς καὶ ξουθῆς μελίσσης τῶν σῶν ἐκπτάσης σίμβλων λαμπρότατε Ραγκώνητε, τοῦτο τὸ κηρίον ὥσπερ ἀπαρχόμενοι ἀγαθῇ τύχῃ ἐπιφημίζομέν σοι.

Donc ce rayon de miel de cette abeille attique et dorée, envolée de tes ruches, très illustre Ranconnet, nous le mettons sous ta protection, comme offrant des prémices à la bonne fortune.

ἀναδέχομαι δὲ πάντας ὅσοιπερ αὐτοῦ γεύσονται, οὐδὲν ἐλλείψειν τοῦ καὶ λόγῳ καὶ ἔργῳ δεῖξαι, ὅτι μεγάλης σοὶ χάριτος ὑπόχρεῳ διὰ τὴν παροῦσαν ἔκδοσιν ὑπάρχουσιν.

Et je promets que tous ceux qui goûteront à lui ne négligeront rien pour prouver en parole et en acte qu’ils sont, grâce à la présente édition, dans une immense dette à ton égard.

Εῤῥωσο

Salut.


1. Aymar de Ranconnet (1499-1559) est juriste et Conseiller au parlement de Paris dont il devient Président de la chambre des Requêtes à partir de 1549. Érudit, il possède des manuscrits grecs qu’il met à disposition de Turnèbe (un manuscrit de Sophocle et un manuscrit d’Eschyle, en particulier).
2. Démétrius Triclinius (vers 1280 – vers 1340), élève de Thomas Magister, est un philologue byzantin qui a travaillé sur les textes de théâtre et sur la métrique grecque. Voir : R. Aubreton, Démétrius Triclinius et les recensions médiévales de Sophocle, Paris, 1949.
3. Héphestion d’Alexandrie est un grammairien grec du IIe siècle, dont un Manuel de métrique nous est parvenu. Turnèbe en donne une édition en 1553.
4. Erasme, Adagia 1894, .Poète lyrique grec du Vie siècle avant J.C., il composait des poèmes en trois mouvements (strophe, antistrophe puis épode). Le proverbe auquel il est fait référence ici est a pour titre Ne tria quidem Stesichori nosti : « tu ne connais même pas même les triades de Stésichore » (cité et traduit dans J. E. Girot, Pindare avant Ronsard : de l’émergence du grec à la publication des Quatre premiers livres des Odes de Ronsard, Genève, 2002, p. 77).
5. Hom., Il. 1.249.