Présentation du paratexte
Clarissimo Viro Stephano Stratio Biturigibus legum antecessori, Georgius Rotallerus.
Au très illustre Stephanus Stratius, professeur de droit à Bourges, Georg Rataller.
Puisse la Muse te détourner des eaux de Pégase et Apollon des hauteurs du Parnasse, puisses-tu ne jamais couronner tes tempes de laurier vierge, de même que, tranquille, tu t’élances où il te plaît et tu couvres de ton bruit sans charme les études de tous, oublieuse de la pudeur et gaspillant ton illustre réputation.
Portes-tu quelque part les reliques du vieillard tragique ? Car c’est à lui, parmi les Grecs éminents, que le docte Phébus a toujours attribué le plus grand honneur et la plus grande gloire.
Et lui, depuis la terre de Cécrops, il entre aussi dans les villes du Latium en hôte agréable, éclatant dans son habit grec et dans son manteau doré.
N’a-t-il pas honte, dans sa toge déchirée, privé du nectar ausonien et parlant dans un mauvais latin, de supporter ça sous la clarté de l’éther ?
Hélas quels affronts tu souffriras également ! Tous t’attaqueront de leurs ongles sévères et à l’envi roueront de coups ton visage taché de sang.
C’est trop tardivement qu’alors tu voudras n’avoir pas quitté tes Lares paternels, qu’alors tu chercheras au hasard et en vain un gîte obscur pour t’y cacher.
Mais si, aveugle, tu brûles et t’impatientes du désir stupide et fou de la lumière de ne pas être une pièce pour le commun des hommes et de ne pas faire naître les rires de tous, toi, à qui la terre belge a donné jadis la première source de la lumière éthérée, aborde le célèbre poète Stratius et l’honneur du double droit.
Lui, en effet, les déesses de Castalie l’ont d’abord nourri dans son enfance sous leurs sommets verdoyants et l’ont plongé, consacré, dans les gués de la source de la Gorgone.
Lui, en effet, Thémis l’a transporté dans son temple et l’a placé à la tête des livres sacrés de la justice pour qu’il soit le ministre des Muses et de la divine Thémis.
Si tu lui es agréable, va d’un pied libre par les terres, par les mers, là où ta course te porte, et dédaigne les folles morsures du persifleur Zoile.
Bravo docte Stratius, la race du célèbre Agamemnon, descendante d’ancêtres royaux, Électre, entre maintenant dans tes pénates !
Ce n’est pas un cheval qui la porte ni un char qui l’emmène, elle n’étale pas ses vêtements d’or brillants de la rouge ou de la pourpre de Tyr et les gemmes ne décorent pas sa chevelure.
Au contraire, affublée de vêtements de deuil et le visage baigné de larmes, portant maintenant l’habit qui sied à son sort, elle a été revêtue de la robe latine qui convient peu à son corps.
Hélas, où la fureur ne précipite-t-elle pas les hommes ?
Où l’amour aveugle ne les emporte-t-il pas ?
Non contente d’avoir souillé les torches nuptiales par une couche honteuse, la Reine impie, ajoutant le crime au crime, a souillé une main adultère du meurtre de son innocent époux.
Ainsi se pensant à l’abri de la crainte, elle réchauffe Égisthe dans son giron encore tiède et les baisers volés qui étaient donnés en cachette sont maintenant donnés ouvertement ; elle ourdit les funérailles et la mort de ses propres enfants, mais s’indigne qu’Oreste coule ses jours au loin dans des villes étrangères.
L’inquiétude persistante qu’il ne vienne, vengeur de son père, arrachant au tyran le sceptre usurpé en même temps que la vie, étouffe et oppresse le fond de son cœur.
De là cette femme, emportée par les terribles Érinyes, ne vomit rien que des furies et affirme qu’Électre est la source et la cause de tous ses maux.
Mais finalement, une fois rendu à la ville de son père et après avoir consulté la divinité de Delphes, Oreste infligea un châtiment mérité aux meurtriers impies.
Mais celui qui, depuis les hauteurs de l’éther, observe toutes les actions humaines, Jupiter, ne laisse aucun acte impuni : le châtiment est compagnon du crime.
Accueille donc avec bienveillance cette >Électre qui vient enveloppée dans la robe œnotrienne et paraît sous les auspices illustres de ton nom.
Ce n’est pas notre enfant, mais bel et bien le tien, toi qui avais déjà rendu à une nouvelle vie celui qui s’était ajouté aux mânes du Styx et avait été voué à Pluton.
Mais tu accepteras avec bonté (je le sais bien) ces cadeaux que nous t’offrons sans proportion de tes mérites, mais qui sont trop minces à mon avis, tels qu’ils sont aujourd’hui.
Et celui qui donne avec plaisir ce qu’il peut donner, malgré la petitesse du présent, recevra un bon accueil : un dieu reçoit l’odeur de l’encens comme les grasses offrandes.
À Bourges, le 3 avril, an de grâce 1549.