Présentation du paratexte
Nicolaus Nicolai Grudius Georgio Ratallero S. P. Dolam.
Nicolas Grudius fils de Nicolas adresse son salut à Georg Rataller à Dole.
Exhibuit mihi, Georgi Ratallere, superioribus diebus a te litteras Dominus Stephanus Stratius ; quibus in extremis salutem mihi adscripseras, non obscurum quidem testimonium animi erga me tui, quod gratissimum mihi sane, ut debuit, fuit ; hoc ipso uero die tragoedias tres, Aiacem, Antigonen, Electram, quas de Graecis Sophoclis ita conuertisti, ut uicturas esse dubitare non debeas.
Le seigneur Stephanus Stratius m’a montré, Georg Rataller, ta lettre il y a quelques jours : à la fin tu m’y avais adressé ton salut, un témoignage éclatant de ta disposition à mon égard, ce qui me fut tout à fait agréable, comme il se doit ; ce même jour, il m’a montré Ajax, Antigone, Électre, trois tragédies que tu as si bien traduites depuis le grec de Sophocle que tu ne dois pas douter qu’elles remporteront du succès.
Ego certe, Latina ista tua postquam legere coepi, ita sum admiratus, iisque ita uehementer delector, inducere animum ut nequeam credere, iisdem unquam Graecis delectatum peraeque fuisse Quintum illum, Marci Tullii Ciceronis fratrem, maximum Sophoclis admiratorem, de quo magnificum non ignoras atque praeclarum illud elogium in 5 de Finibus.
Pour ma part, après que j’ai entrepris de lire tes tragédies en latin, je suis si admiratif et j’en tire un si grand plaisir que je ne pourrais être porté à croire que ce sont les mêmes qui, en grec, ont un jour charmé le fameux Quintus, frère de Marcus Tullius Cicéron, très grand admirateur de Sophocle, dont tu n’ignores pas non plus le célèbre éloge dans le cinquième livre du De Finibus.
Ipsum etiam Marcum
Tullium, est quod credam, atque Licinium, si reuiuiscant, aliter longe de Electra
ista tua quam de Atilii, scriptoris ferrei
1
Et à mon avis, Marcus Tullius lui-même et Licinius, s’ils ressuscitaient, jugeraient tout autrement ton Électre que celle d’Atilius, un écrivain de fer.
Quod utinam sapientissimi hominis ac diuini poetae
2
Et puissions-nous, nous qui ne connaissons pas le grec à la perfection, posséder également, traduites à ta manière, les autres tragédies du plus sage des hommes et du plus divin des poètes (car c’est ainsi que l’appelle Cicéron), vers l’écriture desquelles il se tourna, dit-on, jusqu'à la fin de sa vie.
Sed frustra optantur quae interciderunt.
Mais c’est en vain qu’on désire des écrits aujourd’hui perdus.
De iis quidem, quae etiamnum exstant, in spem uenio atque confido, esse te aliquando perfecturum ut frui similiter possimus.
Pour celles qui nous restent en tout cas, j’en viens à l’espoir et je crois fermement que tu parviendras un jour à ce que nous en profitions pareillement.
Equidem te hortari non dubito, mi Ratallere, ut, quamquam iurisprudentiae praecipuam esse nauandam operam prudenter iudicas, aliquid tamen quotidie studii, et temporis in eo genere litterarum ponere ne desinas, quae, quemadmodum nominantur, sic et humanissimae sunt et ad celebritatem nominis illustrissimae atque aeternae.
Pour ma part, je n’hésite pas à t’exhorter, mon cher Rataller, bien que tu penses à juste titre qu’il te faut en premier lieu servir la jurisprudence, à ne pas cesser de consacrer chaque jour ton étude et ton temps aux belles lettres qui sont, comme leur nom l’indique, tout à fait humaines, tout à fait brillantes pour l’éclat de ton nom et éternelles.
Vale meque tuum esse plane puta, atque Arnoldum fratris mei filium ad praeclara ista studia frequenter hortare.
Adieu, pense que je suis tout à fait tien et ne cesse pas d’encourager Arnoldus, mon neveu, à entreprendre ces illustres études.
Bruxella, V Octobris MDL.
À Bruxelles, le 5 octobre 1550.