Bonorum Puerorum Chorus
Aegidius Maserius

Présentation du paratexte

Ce poème en distiques élégiaques a été composé par Gilles de Maizières, l’éditeur, en l’honneur de Jacques du Moulin, professeur au Collège des Bons Enfants, à qui il avait aussi adressé sa dédicace. Ce « chœur » chante les louanges du professeur qui prend ses fonctions (et dont Gilles de Maizières semble avoir été le collègue, à l’Université dont il sera recteur en 1514) en jouant sur son nom de famille (Molendinus), et en le comparant au moulin (mola), zélé, régulier, nourricier ; les efforts du personnage et de la machine (moles) sont tous deux mis au service des étudiants devant entonner le poème. Après la mention des diverses qualités du destinataire (constance, instruction, prévoyance, savoir-faire) et intervient celle d’autres personnages du Collège – qui deviendront aussi ses collègues – assez difficiles à identifier : un certain Charles, un Jean de Bressuire ( ?). Le poème se clôt sur un hommage appuyé à du Moulin, qui passe par la mise en avant des liens entre destinateur et destinataire, faits d’affection et de respect.

Bibliographie :
  • Berauld, Nicolas, Perrine Galand-Hallyn, Georges André Bergère, Anne Bouscharain, et Olivier Pédeflous. « Praelectio » et commentaire à la « Silve rusticus » d’Ange Politien (1518). Genève: Droz, 2015.
  • Claire, Lucie. « LA PRAELECTIO, UNE FORME DE TRANSMISSION DU SAVOIR À LA RENAISSANCE : L’EXEMPLE DE LA LEÇON D’INTRODUCTION AUX ANNALES DE TACITE DE MARC-ANTOINE MURET (1580) », 2009, 13.
  • Galand-Hallyn, Perrine. « Les Miscellanées de Pietro Crinito: une philologie de l’engagement et du lyrisme », 2003, 57‑77.
  • Marchiaro, Michaelangiola. La biblioteca di Pietro Crinito: manoscritti e libri a stampa della raccolta libraria di un umanista fiorentino. Porto: Fédération internationale des instituts d’études médiévales, 2013.
  • Compère, Marie-Madeleine, et Dominique Julia. Les collèges français: 16e-18e siècles : répertoire 3, 3,. Paris: INRP, 2004.
  • Paré-Rey, Pascale, "Les éditions des tragédies de Sénèque conservées à la Bibliothèque nationale de France (XVe-XIXe s.)", in L’Antiquité à la BnF, 17/01/2018, https://antiquitebnf.hypotheses.org/1643
  • Paré-Rey, Pascale, Histoire culturelle des éditions latines des tragédies de Sénèque, 1478-1878, Paris, Classiques Garnier, « Histoire culturelle » 20, 2023
Traduction : Christian NICOLAS

Bonorum Puerorum Chorus

Chœur des Bons Enfants1

Ex quo se tenues pluuiae bene flantibus austris demisere molae, prospera cuncta fluunt. Quippe molendinum celeri uertigine semper uoluitur ut nostrae consulet usque rei.

Depuis que les fines pluies se sont dissipées sous le souffle bienfaiteur des vents que font les ailes hi, tout s'écoule pour le mieux. Car le tourbillon rapide hi ne cesse de tourner, pour s’occuper jusqu’au bout de notre affaire.

Eius tanta tamen uolucris constantia motus, ipsam ut certa ferat regula more poli. Quicquid alit corpus, quicquid bona mentis adauget, ubertim confert haec mola nostra mihi.

Pourtant si grande est la constance de son mouvement ailé qu’elle est portée par une régularité parfaite, à la manière d’un axe. Tout ce qui nourrit le corps, tout ce qui augmente les biens de l’esprit, me vient en abondance hi qui est nôtre.

Nulla domus tota nunc est instructior urbe, tanta molendino prouida sedulitas. nostri cura gregis grauibus commissa magistris qui nos socraticis artibus instituant.

Aucune maison, par toute la ville, n’est aujourd'hui mieux instruite, tant est grand le zèle prévoyant hi, tant aussi le travail de notre troupe, confiée à des maîtres sérieux capables de nous éduquer dans les arts socratiques.

Longa ministrorum series famulatur honeste, dedita continuo principis arbitrio. De locuplete penu sollerti prouidet arte Carolus, hinc nobis nulla deesse queunt.

Une longue suite de serviteurs travaille honorablement, attachée à la ferme volonté du premier d'entre eux. De son riche garde-manger, avec un art consommé, Charles2 y pourvoit; partant, rien ne peut nous faire défaut.

Et tu (cui pulchrum praestat constantia nomen), nostram ornas mentem moribus ingenuis. Surgit Ioannes, stephanon <qui> Bresseyus3 aptat : Claret hyanteis4 gens studiosa logis.

Et toi (à qui la constance prête un joli nom), tu pares notre esprit de nobles usages. Mais voici venir Jean de Bressuire, qui pose une couronne : la gente estudiantine brille de mots poétiques.

Libera niliacis circumfluit agmina uinclis fons petrae Mosen quam tutudisse putes.5 Tingit Palladio puerilia membra liquore 6, maura meduseis pectora tinctus aquis.

Autour du peuple libéré de ses chaînes égyptiennes coule la source jaillie du rocher que frappa Moïse, croit-on. Il baigne le corps des enfants avec la liqueur de Pallas, lui qui a baigné son torse brun dans les eaux de Méduse.

Illic dirceas depastus ruminat herbas, grex multus foueis tutus Apollineis, atque molae studiosus equi te, Pegase, nutrit ; est prope Pierio gramine laetus ager.

Là, au pâturage des herbes de Dircé, le troupeau nombreux rumine, protégé par le fossé d’Apollon et, soucieux du cheval hi, il te donne à manger, Pégase ; il est, non loin, un champ fertile en gazon de Piérius7.

Hic matutino fecundus rore uirescit ; succedis fidus quis Iacobe comes. Nostrae tene molae, faber o germane, tacebo, quem uigilare mihi solus adegit amor ?

C’est là qu’il verdit, fécondé par la rosée du matin ; c’est en compagnon fidèle, ô combien !, que tu prends sa places, Jacques. Ne dirai-je rien de toi, ô pur artisan hi, toi que l’affection seule a poussé à veiller sur moi ?

Denique nemo suam mihi non accommodat artem, sicque molendinum uult fierique iubet. Et quod ab architypo nunc prodeat iste poeta tota molendino gratia lausque uenit.

Finalement, chacun me communique son art : c’est la volonté, c’est l’ordre hi. Et si ce poète s’avance d’après ce modèle, c’est entièrement le mérite et la gloire hi.

Hoc namque orbe molae fultus uelut Aegide nostro, cuncta molendino destinat Aegidius. Quod superest pia uota deo soluamus ut istam adseruet nobis tempus in omne molam.

Car fortifié par notre cercle comme par l’égide hi, Egidius8 rapporte tout au domaine hi. Pour le reste faisons à Dieu de pieuses prières pour qu’il nous laisse à tout jamais profiter hi.


1. Il s’agit sans doute du collège des Bons Enfants de Saint-Victor, en plein cœur de l'Université parisienne.
2. Ce Carolus appartient au groupe des ministri dont il vient d’être question, mais il est difficile de l’identifier.
3. Le mot Bresseyus est problématique. Il se trouve tel quel chez Robert Gaguin, Compendium de origine et gestis Francorum, Paris, 1499, comme un nom propre, toponyme/anthroponyme. Gaguin y fait mention d’un « Pictauensis senescallus Petrus Bresseyus », que le Comte de Dunois (comes dunensis) a mis à la tête de la ville du Mans (pendant la Guerre de 100 ans). Le toponyme le plus probable, dans ce contexte poitevin, est Bressuire, dans les Deux-Sèvres. Le personnage dont il est question pourrait s’appeler Jean de Bressuire.
4. Yanneis = Hyanteis. L’adjectif hyanteus se trouve chez Ovide (Ov., M. 8. 310) et signifie « béotien », c’est-à-dire « des Muses ».
5. Nombres 20.11.
6. Cassiod., Var. 12.12.14.
7. Piérus, père des Piérides, les Muses.
8. Jeu de mots entre le prénom (Aegidius) de l’auteur du poème et l’égide (aegide) protectrice.