[Tragica farrago]
Daniel Gaietanus

Présentation du paratexte

Après l’« Apologie » de Daniele Gaietano figure un très bref commentaire sur le matériau tragique et les poètes tragiques, grecs et latins, au sein desquels l’accent est mis sur Sénèque. Ces lignes ne sont pas signées, mais elles sont bien du même : elles apparaissent déjà, intégrées à l’in tragoedias Senecae interpretatio de Marmitta dans l’édition vénitienne de Matteo Capcasa, 1493, précédées de l’abréviation DAN. qui le désigne et que nous retrouvons dans les éditions compilant plusieurs commentaires.

Bibliographie :
  • Paré-Rey, Pascale, "Les éditions des tragédies de Sénèque conservées à la Bibliothèque nationale de France (XVe-XIXe s.)", in L’Antiquité à la BnF, 17/01/2018, https://antiquitebnf.hypotheses.org/1643
  • Paré-Rey, Pascale, Histoire culturelle des éditions latines des tragédies de Sénèque, 1478-1878, Paris, Classiques Garnier, « Histoire culturelle » 20, 2023
Traduction : Pascale PARE-REY

[Tragica farrago]

[Matériau tragique]

[Tragica farrago] Tragici poematis subiectum et materia: dolor, lacrimae, odium, insanae caedes, propterea iambica rabie feruescit carmen tragicum ;

[Matériau tragique]1 Sujet et matière du poème tragique : douleur, larmes, haine, meurtres insensés, outre que le chant tragique bouillonne d’une rage iambique,

[Tragici] in quo primas obtinet Sophocles et Euripides, qui Sophoclem imitatur, et multa carmina de Sophocle in suum transtulit poema, ut illud γέρων γέροντα παιδαγωγήσως᾽ ἐγώ 2, de comoedia quae scribitur Αἴας ὃ Λοκρός ; nec Euripide inferior Aeschylus qui inuenit personam et pallam. 3

[Les tragiques] dans lequel tiennent la première place Sophocle et Euripide, qui imite Sophocle, et qui a transposé beaucoup de vers de Sophocle dans sa poésie, comme ce « moi vieillard, je te conduirai comme un vieillard », tiré de la comédie intitulée Ajax le Locrien4 ; et Eschyle, qui a inventé le masque et le manteau de scène, n’est pas inférieur à Euripide.

Sophocles, Euripides, et Hippocrates medicus floruerunt circa annum fere post conditam urbem Romam CCCXXIIII, qua tempestate Aulus Postumius dictator fuit ; qui filium suum securi necauit, quod contra suum edictum in hostem pugnauerat.

Sophocle, Euripide, et le médecin Hippocrate ont fleuri autour de 324 après la fondation de Rome, à l’époque où Aulus Postumius était dictateur5 ; lui qui tua son propre fils à la hache, parce qu’il avait combattu contre l’ennemi sans respecter son édit.

Nos gloriamur solo Seneca, qui qualem cothurnum gesserit, prae aliis qui latinam tragoediam cudere haud cognoscitur.

Nous, nous nous glorifions du seul Sénèque qui, quel que soit le cothurne qu’il a chaussé, en comparaison des autres auteurs qui ont forgé la tragédie latine, n’est pas connu.


1. Après la formule d’adieu et la mention du lieu d’écriture, on peut se demander qui est l’auteur de la suite. Est-ce que Bade prend la parole ? il serait curieux qu’il continue à imprimer dans ce cas une marginale résumant le contenu de ce qu’il écrit. Il semble qu’il faille plutôt considérer que c’est encore Gaetano qui écrit : il poursuit son approche de la tragédie, cite du grec comme il l’a déjà fait dans la première partie de son « Apologie », et termine sur une note d’incertitude qui fait écho à ses lignes expliquant pourquoi nous ne savons que peu de choses à propos de la tragédie [cur pauca sciantur].
2. Soph., Frag. 695*.. Il est écrit τέρων τέρονξα παιδαγωμυσως ἐγώ, mais nous nous fions au vers d’Euripide pour donner un texte qui fait sens.
3. Hor., P. 278-279.
4. De cette pièce, nous n’avons en effet qu’un seul fragment, qui ne forme pas même un vers complet, conservé par Zénobius. Proverbe VI, 14 : Fragment 695* de Sophocle :  γέρων γέροντα παιδαγωγήσω σ’ ἐγώ (Fragmenta {0011.008} Satyr., Trag. S. Radt, Tragicorum Graecorum fragmenta, vol. 4, Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht, 1977: 99-120, 122-324, 326-338, 340-353, 355-380, 382-390, 392-435, 437-445, 447-484, 486-656. Repris dans les Bacch. 193, dans la bouche de Cadmos s’adressant à Tirésias.
5. C'est-à-dire en 431.