De carmine Iambico trimetro
Hieronymus Avantius

Présentation du paratexte

Reprise d'un traité métrique d'Avanzi sur le trimètre iambique, paru chez Alde en 1517. Fabricius publie dans son édition le traité métrique d’Avantius sur le trimètre iambique, où le vers est étudié de façon théorique – à chaque position sont mentionnés les pieds possibles – et pratique, puisque des exemples viennent illustrer les règles énoncées.

Bibliographie :
  • Billerbeck, Margarethe, Mario Somazzi, Helen Kaufmann, et L. Annaeus Seneca. Repertorium der Konjekturen in den Seneca-Tragödien. Leiden: Brill, 2009.
  • Popelková, Eva, Virginie Leroux, Martin B̆až̆il, Jiří Pelán, Jean-Frédéric Chevalier, Magdaléna Jacková, Université de Recherche Paris Sciences et Lettres, et al. Les tragédies de Sénèque et leur réception dans le théâtre jésuite scolaire de la province tchèque aux XVIIe et XVIIIe siècles (1623-1773), 2019.
  • Paré-Rey, Pascale, "Les éditions des tragédies de Sénèque conservées à la Bibliothèque nationale de France (XVe-XIXe s.)", in L’Antiquité à la BnF, 17/01/2018, https://antiquitebnf.hypotheses.org/1643
  • Paré-Rey, Pascale, Histoire culturelle des éditions latines des tragédies de Sénèque, 1478-1878, Paris, Classiques Garnier, « Histoire culturelle » 20, 2023
Traduction : Pascale PARE-REY

Hieronymus Avantius Veronensis De carmine Iambico Trimetro

Jérôme Avanzi de Vérone sur le trimètre iambique

Prima sedes ultra iambum et tribrachym recipit spondeum, et spondei dissolutiones, anapaestum et proceleusmaticum, et ipsum dactylum saepissime, licet hoc neget interpres, in fine sextae tragoediae.

La première position, outre l’iambe et le tribraque, accepte le spondée, et les résolutions du spondée – l’anapeste et le procéleusmatique – et le dactyle lui-même très souvent, quoiqu’un commentateur le nie1, à la fin de la sixième tragédie2.

Secunda et quarta sedes iambo et tribrachy tantum seruiunt : ideo contra interpretes iam constantissime affero, apud Senecam in iambicis trimetris nunquam inueniri anapaestum, neque in secunda neque in quarta sede.

La deuxième et la quatrième positions sont soumises à l’iambe et au tribraque : c’est pourquoi j’avance désormais constamment, contre les commentateurs, que chez Sénèque on ne trouve jamais d’anapeste dans les trimètres iambiques, ni à la deuxième ni à la quatrième position.

Tertia sedes admittit iambum, spondeum, dactylum et tribrachym.

La troisième position admet l’iambe, le spondée, le dactyle et le tribraque.

Anapaestum uero in loco tertio nunquam inuenies : nisi dictio ipsa fuerit quatuor syllabarum, quod accidit uersibus uiginti, hoc uno prope Œdipeo uersu excepto : Inter senem iuuenemque, sed propior seni. 3

Mais on ne trouve jamais l’anapeste à la troisième place, sauf s’il s’agit d'un mot de quatre syllabes, comme c’est le cas dans vingt vers, à l’exception de ce seul vers, à peu près, d’Œdipe4 : Īntēr / sĕnēm / jŭvĕnēm / quĕ, sēd / prŏpĭōr / sĕnī.

Quintus locus uti saepissime, imo semper habet aut spondeum, aut anapaestum : ita iambum et dactylum nunquam assumit, nisi in nouem uersibus, quorum ultimae dictiones sunt quattuor syllabarum : “nepotibus”, “cacumine”, “Prometheus”, “Capharides”, “Polyxena”, “facinorum”, et ter : “memoria”.

La cinquième place, très souvent, ou plutôt toujours, comporte un spondée ou un anapeste ; elle ne comporte ainsi jamais d’iambe ou de dactyle, si ce n’est dans neuf vers, dont les derniers mots sont de quatre syllabes : nepotibus, cacumine, Prometheus, Capharides, Polyxena, facinorum, et trois fois : memoria.

Tribrachym quoque ter tantum usurpat in hac sede quinta, dictionibus itidem quadrisyllabis, scilicet « Luctifica negat 5 » in Hippolyto, « Pestifera mouent 6 » in Hercule furente, « Luctifera gerens 7 » in Œdipo.

Aussi un tribraque les remplace seulement trois fois à cette cinquième place, également dans des mots quadrisyllabiques, à savoir : lūctĭ / fĭcăm nĕ / gāt (« elle rejette la <parole> douloureuse ») dans Hippolyte, pēstĭ / fĕră mŏ / uēnt (« ils agitent leurs armes funestes ») dans Hercule Furieux, lūctĭ / fĕră gĕ / rēns (« et la lumière portant à la flamme funèbre ») dans Œdipe.8

Sexta sedes semper habet unicum iambum : licet Massarius affirmans tribrachym inueniri in hoc ultime pede, non modo adducat illum uersum primae tragoediae, Vt saepe puppes aestus inuitas recipit. 9

La sixième position comporte toujours uniquement un iambe ; Massarius affirmant qu’on trouve un tribraque dans ce dernier pied, peut bien non seulement amener ce vers de la première tragédie10 : Vt saepe puppes aestus inuitas recipit.11 (« comme bien souvent le courant entraine contre leur gré des navires »)

Vbi profecto, si uetusta exemplaria consuleris, rapit, non recipit est legendum : sed etiam citet illum uersum, Et fata uici : morte contempta redii 12 ubi per synaeresin est iambus, non anapaestus.

– où certainement, si l’on consulte les exemplaires anciens, il faut lire rapit et non recipit – mais il peut bien encore citer ce vers : Et fata uici : morte contempta redii.13 (« j’ai bravé les destins et ayant vaincu la mort je suis revenu »), où, par synérèse il y a un iambe, non un anapeste.

Sic Ascensius Massario consentiens, non modo super dictione « Capharides 14 » scribit esse spondeum in eodem sexto pede, uerum etiam in fine tragoediae sextae dicit legendum esse Virginibus teneris ut sit anapaestus in ultima trimetri.

Ainsi Ascensius, d’accord avec Massarius, écrit non seulement, sur le mot Capharides, que c’est un spondée dans ce même sixième pied, mais il dit même qu’à la fin de la sixième tragédie15 il faut lire Virginibus teneris, pour qu’il y ait un anapeste à la dernière position du trimètre.16

Ego autem iamdiu scripsi, omnes uersus trimetros undequaque probabiles et sinceros inueniri apud Senecam, penes quem nullus est uersus scazon, nullus exlex, seu κακόμετρος, nullus hypermeter, nullus hypercatalectus, sed omnes meri acatalecti, etiam non constat ullus e iambis omnibus, quod grauium tragicorum lex decernit.

Quant à moi, j’ai depuis longtemps écrit qu’on trouve partout chez Sénèque des trimètres recommandables et impeccables, lui chez qui il n’y a aucun scazon, aucun mètre qui sort des règles, ou κακόμετρος (« mal mesuré »), aucun vers hypermètre, aucun hypercatalecte, mais tous sont de purs vers acatalectiques ; même aucun ne se compose que d’iambes, ce que la loi des nobles tragiques décrète.

Imo Seneca noster sic fuit metrorum ac syllabarum obseruantissimus, ut cum Hieronymo Aleandro litterarum et religionis cultura uiro uenerando libeat consentire, omnem Senecae uersum procul dubio deprauatum esse, quem receptas scansionis normas transgredi offenderis.

Bien plus, notre Sénèque fut très respectueux des mètres et des syllabes, de sorte qu’il nous agrée d’avoir le même avis qu’Aleandro Gerolamo17, homme à qui on doit le respect en raison de sa connaissance des lettres et de la religion, à savoir que toute la versification de Sénèque a sans doute été corrompue, quand on le voit transgresser les normes de scansion admises.

Nego praeterea collocari trochaeum in aliqua sede uersus trimetri, unde demiror improbam quorundam audaciam, clamantium trochaeum esse in quinta sede horum trium uersuum, quorum primus est in secunda tragoedia, Leue est miserias ferre : perferre, graue 18 ubi syllaba -re, in perferre producitur, ui consonantium sequentis dictionis, ut etiam Frigida spatio refert 19 , et : Vndique scopuli astrepunt. 20

En outre, je ne pense pas qu’on place un trochée en quelque position dans ce vers, d’où je m’étonne de l’audace inconvenante de certains, proclamant qu’il y a un trochée à la cinquième position de ces trois vers, dont le premier appartient à la deuxième tragédie : lĕv(e) ēst / mĭsĕrĭ / ās fēr / rĕ : pēr/ fērrē / grăvē21 (« ce n’est pas supporter des misères qui est pénible mais les supporter en permanence ») où la syllabe -re est allongée dans « perferre », par l’effet des consonnes du mot suivant, comme encore : (hĭēms / quĕ gĕlĭ / dō) frī / gĭdā / spătĭō / rĕfērt, (« il ramène de froids éléments dans un espace [gelé] ») Et : (īmmū / gĭt ōm / nēs) ūn / dĭquē / scŏpŭl(i) ād / strĕpūnt (« et de toute part les rochers frémissent en écho »).

Vide quae scripsi apud Catullum in dictione « Propontida ».

Regarde ce que j’ai écrit chez Catulle pour son « Propontida ».22

Non tamen semper producitur huiusmodi syllaba, ut : Vnda flammas opprimat. 23

Cependant une syllabe de la sorte n’est pas toujours allongée, comme dans : [ūrbī / tĭmē / tŭr] ūn / dă flām / mās ōp / prĭmāt (« que l’eau étouffe les flammes»)24

Et saepius omnes poetae hanc finalem syllabam sequentibus constantibus pro suo commodo recipiunt.

Et tous les poètes traitent assez souvent cette syllabe finale suivie d’un groupe de consonnes selon leurs besoins.

Secundus uersus est in septima tragoedia, in qua legitur, Perfidi sanguis inest 25 ubi dico, spondeum esse in quinta sede, non trochaeum, ut apud Tibullum canentem : Sanguis est tamen ille meus. 26

Il y a un second vers de ce genre dans la septième tragédie, où l’on peut lire : [Vēctō / rĭs īs / tĭc] pēr / fĭdī / sāngụīs / ĭnēst (« voici le sang du perfide passeur ») où je dis qu’il y a un spondée en cinquième position – et non un trochée – comme chez Tibulle chantant : [Quīcquĭd ă / gīt,] sān / gụīs // ēst tă mĕn/ īll / ĕ mĕ / ŭs27 (« ce sang est aussi le mien »).

Quin alias Catullus, Tibullus, Propertius, Ouidius, Ausonius, et alii poetae usurpant de industria eam pentemimerim, sed Lucanus, Senecae affinis, utrasque easdem dictiones mutuatus, scribit : Dum sanguis inerat, dum uis materna. 28

Bien plus, d’ailleurs, Catulle, Tibulle, Properce, Ovide, Ausone et d’autres poètes pratiquent volontairement cette penthémimère, mais Lucain, proche de Sénèque, change ces deux mêmes façons de prononcer et écrit : dūm sān / gụīs ĭnĕ / rāt, dūm / vīs mā / tērnă, [pĕ / rēgī]29

Quin semel Maro, semel Valerius Flaccus, bis Lucretius, et bis Silius producit ultimam in sanguis, et legitur de Lucretia in antiquo Epigrammate : Sanguis ante uirum, spiritus ante Deum. 30

Bien plus, une fois Maro, une fois Valerius Flaccus, deux fois Lucrèce, et deux fois Silius Italicus allongent la dernière syllabe dans sanguis et on lit à propos de Lucrèce, dans une ancienne épitaphe : Sāngụīs / āntĕ vĭ / rūm, // spīrĭtŭs / āntĕ Dĕ / ūm

Tertius uersus est in decima tragoedia, ubi scriptum erat : Si mille gemunt urbes 31 ubi legendum docui nullae, non mille, ut et in Ouidiana Sappho legendum praemonstraui : Et nullae dulce queruntur aues, 32 non mille, ut passim legebatur.

Le troisième vers se trouve dans la dixième tragédie, où il était écrit : [Sī pā / cĕ tēl / lūs plē / nă] ; sī / mīllĕ / gĕmūnt (ūrbēs)33 mais où j’ai préconisé de lire nullae et non mille, comme j’ai montré également qu’il fallait lire dans l’Héroïde de Sappho chez Ovide : frōndĭbŭs / ēt nūl / lāe // dūlcĕ quĕ / rūntŭr ă / vēs et non mille, comme on le lisait partout.

Itidem in tragoedia tertia est ille uersus : Ionidesue, uel Myceneae nurus 34 in quo credunt esse trochaeum in prima sede, cum certe sit iambus, quod et fatebuntur qui praeter caeteros legerint Ouidium, Propertium, Horatium, et Martialem, sic scribentes : Non Latium norat, quam praebet Ionia diues. 35 At tu seu mollis qua tendit Ionia : seu qua. 36 Non attagen Ionicus iucundior. 37 Ionicarum gustus attagenarum. 38

Pareillement, dans la troisième tragédie, il y a ce vers : Ĭō / nĭdēs / vĕ, vēl / Mўcē / nĕāe / nŭrūs dans lequel on croit qu’il y a un trochée en première position, alors que c’est certainement un iambe, ce que diront aussi ceux qui auront lu Ovide, Properce, Horace, et Martial, qui écrivent ceci : Nōn Lătĭ / ūm nō / rāt, quām / prāe bĕt Ĭ / ōnĭă / dīvĕs Āt tū / sēu mōl / līs quā / tēndĭt Ĭ / ōnĭă : / sēu quă Nōn āt / tăgēn / Ĭō / nĭcūs / jūcūn / dĭŏr Ĭō / nĭcā / rūm gūs / tŭs āt / tăgē / nārŭm

Et ipsi et alii uates saepius eas primas syllabas in Ionia uariant.

Eux-mêmes et d’autres poètes font varier ces premières syllabes sur Ionia.

Quin peritorum gratia dixerim : apud Virgilium in eo celebri uersu Insulae Ionio in magno 39 excluditur et abiicitur in scansione diphtongus primae dictionis ; non autem adimitur ultima uocalis in sequente dictione Ionio, ut a plerisque omnibus est hactenus praeceptum.

Bien plus, j’aurais dit grâce aux savants : chez Virgile, dans ce fameux vers Insulae Ionio in magno, la diphtongue du premier mot est exclue et rejetée dans la scansion ; mais on n’ajoute pas une dernière voyelle dans le mot suivant Ionio, comme cela a été préconisé par tous en général jusqu’ici.

Sic igitur scandatur iste uersus : Insul’ I oni’ in ma. ut, Posthabita coluisse Samo. 40 Quem Dardanio Anchisae 41 Sub Ilio alto. 42

C’est ainsi qu’on doit scander donc ce vers : īnsŭl<ae> Ĭ/ōnĭŏ/ īn māg/nō (quās / dīră Cĕ / lāenō)43 comme : Pōsthăbĭ/tā cŏlŭ/īssĕ Să/mō44 (…) Quēm/ Dārdănĭ/ō Ān/chīsāe (…) sŭb/ Īlĭ ŏ/ āltō.

Et alibi saepissime.

Et ailleurs très souvent.

Non tamen hoc recenseo, quod nesciam diphtongum saepe retineri, sequente uocali, ut : Castaneae hirsutae 45 Ante tibi Eoae Atlantides 46 et ipse Seneca in principio sextae : Aeacidae armis, 47 sed ut primas syllabas in Ionio lubricas attester, neque unquam inueniri trochaeum in Senecae trimetris, nisi in uersibus plane deprauatis.

Je ne recense pas cependant ce cas de figure au motif que j’ignorerais qu’on conserve souvent la diphtongue devant initiale vocalique, comme : Stānt ēt / jūnĭpĕ / rī ēt/ cāstănĕ / āe hīr / sūtāe āntĕ tĭ / b[i] Ēō / āe Āt/lăntĭdĕs / ābscōn/dāntŭr et Sénèque lui-même au début de la sixième tragédie : Āeăcĭ/dāe ār/mīs cūm/ fĕrōx/, sāevā/ mănū mais pour que j’atteste que les premières syllabes sont ambiguës dans Ionio, et qu’on ne trouve jamais de trochée dans les trimètres chez Sénèque, sauf dans les vers vraiment corrompus.

Pyrrhichius quoque nullibi admittitur in hoc iambico, licet alii contendant esse pyrrhichium in fronte horum hemistichiorum Petiit ab ipsis. 48 Abiit harenas. 49 Rediit Achilles. 50 sed mirisice decipiuntur.

Le pyrrhique n’est admis nulle part non plus dans le vers iambique, quoique certains soutiennent qu’il y a un pyrrhique au début de ces hémistiches : Pĕtĭ / ĭt ăb īp / sīs Ăbĭ / ĭt hărē / nās Rĕdĭ / ĭt Ăchīl / lēs mais ils se fourvoient admirablement.51

Possem dicere inibi tribrachym esse, ut in secunda tragoedia, Quod ratio nequiit. 52

Je pourrais dire qu’il y a un tribraque au même endroit, comme dans la deuxième tragédie : Quŏd rătĭ / ō nĕ quĭ / īt (sāe / pĕ sā / nāvīt / mŏrā)

ut milles alias, potius tamen dicam in illis tribus esse iambum, quia -t littera finalis saepe producitur, Ouidius : Vt monuit, cum uoce abiit 53 sed maxime in his dictionibus per synaeresin coactis, unde non exploderem alteram uocalem, quam demunt alii in ipsis infra scriptis uerbis, in quibus plane est iambus, non pyrrhichius : Complexus abiit 54 Euersa periit. 55 Petiitque supplex 56 saltem ut in temporibus sensus sit magis obuius.

Comme cent fois ailleurs, je dirais cependant plutôt qu’il y a un iambe dans ces trois vers, puisque la finale est souvent allongée par la lettre -t ; Ovide : Ūt mŏnŭ / īt, cūm / vōc[e] ăbĭ / īt. (ĕgŏ / frīgĭdă / sūrgō̆)57 mais surtout, dans ces mots condensés par une synérèse, où je ne rejetterais pas la seconde voyelle, que retranchent les autres dans les vers écrits ci-dessous, dans lesquels il y a clairement un iambe, non un pyrrhique : Cōm / plēxūs /ăbiīt Ē / vērsā / pĕriīt58 Pĕtĭ / ītquĕ / sūpplēx au moins pour que le sens soit plus évident dans les mesures.

Ille quoque fallitur, qui in secundo actu octauae tragoediae legens, Et qui redire (cum periit) nescit pudor. 59 Et in secundo nonae legens, Aliena telis : aut petiit 60 credit esse anapaestum in quarta sede, qui tamen inibi nunquam inuenitur, licet adolescentior cum caeteris omnibus deceptus fuerim.

Il se trompe également, celui qui, au deuxième acte de la huitième tragédie, en lisant : Ēt quī / rĕdī / rĕ (cūm / pĕriīt) / nēscīt / pŭdŏr et au deuxième de la neuvième, en lisant : Ălĭē / nă tē / līs : āut / pĕtiĭt croit qu’il y a un anapeste au quatrième pied61, qu’on ne trouve cependant jamais à cet endroit, quoique dans ma jeunesse, avec tous les autres, je m’y sois trompé.

Vt praeterea, quod sentio, exprimam, quando prima producitur, in Obiice, scriberem potius quam Obice, ut uerbum a nomine statim dignoscatur.

Pour exprimer encore ce que je pense, quand la première est allongée dans Obiice, je l’écrirais ainsi plutôt que Obice, pour qu’on distingue d’emblée le verbe du nom.62

Legerem tamen et scriberem : Per decem mensum graues, 63 pro mensium, nam ut apud alios latinos auctores, sic et apud Senecam scribuntur et leguntur hae dictiones, ut metra deposcunt.

Je lirais cependant, et j’écrirais : (quōd pāe / nĕ vī / dī) Pēr / dĕcēm / mēnsūm / grăvēs à la place de mensium, car chez d’autres auteurs latins, et chez Sénèque c’est ainsi qu’on écrit et qu’on lit ces mots, comme les mètres l’exigent.64

Vt cum in Seneca legitur pro caelestium, in eodem, Tuque caelestum arbiter. 65

Comme quand dans Sénèque on lit au lieu de coelestium, dans ce même vers : (ārcā / nă mūn / dī) tū / quĕ cāe / lēst(um) ār / bĭtĕr

Et apud Catullum, pro Veronensium, Flos Veronensum. 66

Et chez Catulle, au lieu de Veronensium : flōs Vē / rōnēn / sūm // (dēpĕrĕ / ūnt jŭvĕ / nūm)

In huiusmodi ego ectasi aut molossum aut creticum pedem exhorreo, ad quem confestim absque necessitate plerique concurrunt, tamquam ad solidissimam anchoram.

Dans une ectase67 de la sorte, je rejette personnellement le molosse, ou le crétique, vers lequel se précipitent la plupart, sans aucune nécessité, comme pour s’arrimer à une ancre rassurante.

Interim haec sit nostra sententia, licet nuper secus scripserit uir eruditissimus et amicissimus, at non semper idem est unius iudicium.

En attendant, que ce soit notre position, même si récemment un homme très savant et très aimable a écrit autre chose… mais on change parfois d’avis.

Vnde quamuis haec studia (quae humanitatis appellant) rarissime, nec nisi coactus, reuisam, multas tamen inuentiunculas nostras alacriter damnaui, et (si acciderit) meipsum redarguens, scriptorum meorum ingenuus ero exactor.

Par conséquent, quoique je révise très rarement ces ouvrages (qu’on appelle « humanités ») sauf si l’on m’y force, j’ai condamné vivement cependant beaucoup de mes petites inventions, et le cas échéant, me contredisant moi-même, je serai le censeur ingénu de mes propres écrits.

Igitur repeto, in his, ut uersui conuenit, ita scribendum, nunc legentium, nunc legentum, ut annotaui in meo codice impresso in aedibus Aldi Anno 1517.

Je le répète donc, il faut écrire comme il convient selon le vers tantôt legentium, tantôt legentum, comme je l’ai noté dans mon livre imprimé chez Alde en 1517.68


1. Il s’agit vraisemblablement de Maserius, c'est-à-dire de De Maizières, qui a aussi développé un traité sur les types de mètres chez Sénèque, et parle de la possibilité du dactyle en première position dans le vers iambique en cas de résolution de la brève initiale du spondée traditionnel.
2. C'est-à-dire dans les Troyennes.
3. Sen., Oed. 776. Īntēr / sĕnēm / iŭvĕnēm / quĕ, sēd / prŏpĭŏr / sĕnī. Le vers obéit à toutes les lois énoncées par Avanzi, et admet au troisième pied un anapeste.
4. Le passage n’est pas très clair parce qu’il y a une exception (uno… uersu excepto) à l’exception (nisi…). Fabricius, en inversant l’ordre des propositions du traité d’Avanzi (qui écrivait : Numquam in hoc tertio loco inuenies anapestum, praeter hunc uersum sequentem inter senem iuuenemque; sed propior seni ; nisi dictio insit quatuor syllabarum; quod accidit uersibus uiginti) signale peut-être que l’exemple choisi par Avanzi pour illustrer le phénomène est bancal. Car iuuenemque n’est pas tout à fait un mot de quatre syllabes mais un trisyllabe auquel s’ajoute l’enclitique -que ; ce vers serait alors le seul permettant un anapeste au troisième pied sur un mot non quadrisyllabique (on aurait bien aimé avoir les vingt autres exemples signalés pour verifier notre comprehension). À moins qu’il ne faille comprendre différemment excepto et traduire “dont je tire sans aller loin ce seul vers d’Œdipe”, mais prope n’est pas facile à comprendre dans ce cas.
5. Sen., Hipp. 995. Vocem dolori lingua luctificam negat dans l’édition de référence (correction de Gronov).
6. Sen., Herc. F. 976. Quid hoc ? Gigantes arma pestiferi mouent dans l’édition moderne de référence.
7. Sen., Oed. 3. lumenque flamma triste luctifica gerens dans l’édition moderne de référence.
8. Dans ces trois exemples composés de la séquence iambe / tribraque / iambe, une brève précède le premier pied qui peut ainsi être iambique.
9. Sen., Herc. F. 676. ut saepe puppes aestus inuitas rapit > variante de manuscrit car on a ici recipit.
10. Il s’agit-il vraisemblablement de Maserius, c'est-à-dire de Gilles de Maizières. Dans les traités de ce dernier, que ce soit dans l’édition de 1511 ou de 1514, ce vers est cité mais pour dire qu’au dernier pied on trouve un iambe ou un anapeste, et non un tribraque. Enfin, pour la théorie, c’est dans une citation de Ter. Maur., De Litteris, De Syllabis, De Metris, 2209-2212 que l’on trouve la possibilité du tribraque au dernier pied, et non dans le texte de De Maizières lui-même.
11. ŭt sǣpĕ pūppēs ǣstŭs īnuītās rĕcĭpĭt : iambe/iambe/spondée/iambe/spondée/tribraque
12. Sen., Herc. F. 612. et fata uici : morte contempta redi
13. ĕt fātă uīcī: mōrtĕ cōntēmptā rĕdĭĭ : iambe/iambe/spondée/iambe/spondée/tribraque
14. Sen., Herc. Œ. 804. Capherides dans l’édition de référence.
15. Dans l’ordre des tragédies des éditions d’Avanzi et de De Maizières, il s’agit des Troyennes, où l’édition d’Érasme – de Vercel – de Maizières, où figurent les trois commentaires de Marmita, Caietani et de Bade, porte le texte virginibus venis.
16. On lit dans le commentaire de Bade à ce vers, dans l’édition d’Érasme – de Vercel – de Maizières de 1514 : legerem virginibusque ut sit anapaestus etiam in ultimo, mais il ne mentionne pas l’adjectif teneris. Avec le texte édité, la scansion est la suivante : vīr / gĭnĭbūs / vĕnīs, mais avec la proposition de correction, cela donnerait vīr / gĭnĭbūs / quĕ vĕnīs avec en effet un dernier pied anapestique.
17. Humaniste 1480-1542. - Recteur de l'Université de Paris (1512), puis bibliothécaire du Vatican (1516), archevêque de Brindes (1523), cardinal (1538). - Enseigna à partir de 1508 à Paris le grec, le latin, l'hébreu et la cosmographie. - Lié à Aldo Manuzio et à Gilles de Gourmont, chez lequel il fait imprimer Plutarque, Isocrate, Stace et Salluste, etc.
18. Sen., Thyest. 307.
19. Sen., Herc. F. 950. hiemsque gelido frigida spatio refert
20. Sen., Hipp. 1026. immugit, omnes undique scopuli adstrepunt
21. Avantius préfère donc voir un spondée au cinquième pied, et non un trochée.
22. Voir sa récente édition Catullus, Tibullus, Propetius [sic], Venetiis, in aedibus Aldi et Andreae soceri, 1515, où Avanzi annote le vers 9 (Propontida trucemve Ponticum sinum) du poème IV, De phasello, de Catulle, à propos de Propontida : sic habent exemplaria. Ego autem emendo Propontidem. Nam si aliter legas, uersus non stat : cum in secunda sede non ponatur nisi iambus. Il y propose l’émendation Propontidem afin qu’il y ait un iambe au P2 : Prŏpōn / tĭdēm / trŭcēm / vĕ Pōn / tĭcūm / sĭnŭm, ce qui ne serait pas le cas avec Propontida, qui imposerait deux brèves.
23. Sen., Med. 887.
24. C’est la règle de la muta cum liquida, qui joue sur la finale de unda, restant brève avant flammas.
25. Sen., Med. 775. Le vers complet est : Vectoris istic perfidi sanguis inest, et Avanzi scande sănguīs et non sāngụĭs.
26. Tib., El. 66. Le texte dans l’édition de référence moderne (CUF, M. Ponchont, 1961) est : Quīcquĭd ă / gīt, sān / gụĭs // ēst tămĕn / īllă tŭ / ŭs. L’apparat critique ne comporte aucune remarque sur ce vers.
27. On a là un pentamètre au sein d’un distique élégiaque, incomparable avec un trimètre iambique, mais Avanzi commente seulement la forme de sanguis, à travers l’exemple de Tibulle étaye l’interprétation spondaïque.
28. Luc., Phars. 2.338.
29. On attendrait sāngụĭs, mais on trouve couramment sāngụīs chez Lucrèce (comme Avanzi le remarque d’ailleurs dans la phrase suivante), dans un mètre certes différent, l’hexamètre. Le mot sanguis est spondaïque, mais à cheval entre le P1 et le P2, alors qu’il occupait le P5 de Médée, v. 775. Chez Lucain, on pourra souligner le travail stylistique du vers avec la répétition de dum, suivi des mots sanguis et uis puis inerat et materna, dessinant des lignes phoniques nettes, et enfin l’hétérométrie portant sur la quantité du e dans les deux formes verbales ĭnĕrāt et pĕrēgī, tout à fait dans la manière sénéquienne.
30. On trouve ce vers sous la forme ante uirum sanguis, spiritus ante Deum dans Pantheon sive Universitatis libri qui chronici appellantur XX, omnes omnium... de Godefroi de Viterbe, 1559 (ainsi que dans le Sermon XIII Sur la parabole de l’enfant prodigue de Philippe Bosquier, 1612, donc plus tardif que le traité). Ici le mot sanguis spondaïque ouvre un pentamètre, forme classique dans une épitaphe.On trouve ce vers sous la forme ante uirum sanguis, spiritus ante Deum dans Pantheon sive Universitatis libri qui chronici appellantur XX, omnes omnium... de Godefroi de Viterbe, 1559 (ainsi que dans le Sermon XIII Sur la parabole de l’enfant prodigue de Philippe Bosquier, 1612, donc plus tardif que le traité). Ici le mot sanguis spondaïque ouvre un pentamètre, forme classique dans une épitaphe.
31. Ps-Sen., Herc. Œ. 1701-1702. si pace tellus plena, si nullae gemunt / urbes nec aras impias quisquam inquinat.
32. Ov., H. 15.152.
33. Avantius édite en effet en 1511 le vers avec nullae (Sī pā / cĕ tēl / lūs plē / nă ; si nūl / lāe gĕmūnt), mais urbes appartient au vers suivant.
34. Sen., Troad. 363.
35. Ov., F. 6.175. Nec Latium norat quam praebet Ionia diues dans l’édition de référence.
36. Prop., El. 1.6.31.
37. Hor., Epo. 2.54-55. non attagen Ionicus/ iucundior dans l’édition moderne de référence.
38. Mart., Ep. 13.61.3.
39. Virg., En. 3.211. insulae Ionio in magno quas dira Celaeno.
40. Virg., En. 1.16.
41. Virg., En. 1.617. Dans ce vers spondaïque, il faut conserver la longue finale de Dardanio en hiatus.
42. Virg., En. 5.261. La longue d’Ilio au temps faible s’abrège au lieu de s’élider en hiatus : - u sub/ Īlĭ ŏ/ āltō.
43. La scansion se règle à la grecque : la longue finale de Ionio, au temps faible, s’abrège en hiatus au lieu de s’élider : īnsŭl<ae> Ĭ/ōnĭŏ/ īn māg/nō.
44. C’est dans la suite que vient la particularité de scansion évoquée : le o final de Samo, à la coupe, reste long malgré la suite, qui commence par hic et devrait produire une élision.
45. Virg., B. 7.53.
46. Virg., G. 1.221.
47. Sen., Troad. 46. Aeacius armis cum ferox, saeua manu dans l’édition moderne de référence.
48. Sen., Herc. F. 244.
49. Sen., Herc. F. 321. adit harenas dans l’édition de référence.
50. Sen., Troad. 806.
51. Il est en effet aisé d’envisager plutôt la séquence tribraque / iambe dans chacun de ces trois exemples.
52. Sen., Ag. 130. quod ratio non quit dans l’édition de référence.
53. Ov., H. 15.173.
54. Sen., Troad. 460. complexus abit dans l’édition de référence.
55. Sen., Troad. 493. euersa perit dans l’édition de référence.
56. Sen., Troad. 733. supplice supplex uitamque petit dans l’édition de référence.
57. Allongement de la finale de abiit, normalement tribraque.
58. Avanzi scande abiit et periit en deux syllabes par synérèse (ce sont les iambes sixièmes de ces trimètres iambiques) mais préconise de conserver l’orthographe à double i, au contraire de ceux qui corrigent metri causa en abit et perit ; il préserve ainsi le sens et la morphologie du verbe.
59. Sen., Ag. 113.
60. Ps.-Sen., Oct. 422.
61. On pourrait en effet scander pĕrĭīt et pĕtĭĭt mais Avanzi voit là des synérèses et continue pourtant d’écrire les deux voyelles, comme il vient de le dire qu’il tient à le faire.
62. Avanzi préconise donc d’écrire obiice pour l’impératif d’obicio, pour le distinguer d’obice, ablatif d’obex.
63. Sen., Phoen. 535.
64. Ici et dans les deux exemples suivants, Avantius préfère voir des variantes imparisyllabiques de ces génitifs ordinairement parisyllabiques.
65. Sen., Herc. F. 597.
66. Catul., Ep. 100.2.
67. Allongement d’une voyelle brève.
68. Nous n'avons pas trouvé cette référence dans l'édition des tragédies intitulée Scenecae [sic] Tragoediae, parue en effet à Venise chez Alde en 1517, ni dans le bref traité métrique, ni ailleurs.