De Senecae tragoediis Martino Antonio Delrio Restitutis et Commentario Illustratis, Francisci Nansii Isembergensis societatis Jesu.Christi.
Franciscus Nansius

Présentation du paratexte

François Nans (1525-1595), humaniste et philologue flamand, a entretenu une correspondance avec nombre d’érudits et se préoccupait de l’étude des langues anciennes. Il signe ici un poème en distiques élégiaques à la louange de l’éditeur Martín Antonio Delrio, qui a restauré et éclairé les tragédies par son talent.

Bibliographie : Traduction : Pascale PARÉ-REY

De Senecae tragoediis Martino Antonio Delrio Restitutis et Commentario Illustratis, Francisci Nansii Isembergensis, iuris consulti

Des tragédies de Sénèque, restaurées et éclairées par le commentaire de Martín Antonio Delrio, par François Nans, d’Isemberg, jurisconsulte1

Heroum uarios casus tragico ore canendo Annaeus, tragica primus in historia, Vicerat inuidiam, et liuoris nubila plena Ruperat, Eois notus et Hesperiis.

En chantant d’une bouche tragique les vicissitudes variées des héros Annaeus, le premier dans l’histoire tragique, avait vaincu la jalousie, et avait rompu les nuages remplis d’envie, lui qui était connu chez les habitants de l’Orient et d’Hespérie.

Iamque, satis passim lecto sermone placebat, Verborum pascens illecebris animos, In uatum morem, uaria sub imagine uocum Ni tegeret docti diuitias animi.

Et désormais, grâce à son expression choisie, il plaisait assez en tous lieux, nourrissant les esprits par les charmes de ses mots, selon la coutume des chantres, sous les aspects variés de ses paroles à condition de ne pas cacher les richesses de son savant esprit.

Obscurus sed erat, noctique, immersus opaca, Et praelucentes dignus habere faces.

Mais il était obscur, plongé dans une nuit opaque, quoique digne d’avoir des faisceaux étincelants.

Multi igitur capti puri sermonis amore, Damnabant rerum difficiles tenebras.

Beaucoup donc, épris d’amour pour la pureté de son expression, blâmaient les difficiles ténèbres des pensées.

Vtque suaues dictorum mollesque lepores, In causa Annaeus cur legeretur, erant : Sic res abstrusa uerborum in parte latentes, In causa Annaeus ne legeretur, erant.

Et de même qu’il y avait des douceurs suaves et tendres dans son verbe, raison pour lire Annaeus, de même il y avait des pensées se cachant dans la partie absconse des mots, raison pour ne pas lire Annaeus.

DELRIUS prohibes uatem sine honore iacere, Vtilitas ex quo tanta uenire potest.

Mais Delrio interdit que ce chantre repose sans honneur, duquel une si grande utilité peut découler.

DELRIUS dico, quo Belgica gaudet dumno ; Quem docti indoctis fertis Iberioculis.

Delrio, dis-je, rejeton dont la Belgique se félicite, que vous, Ibères cultivés, apportez à nos regards incultes ;

Ius quem enodantem Baetis miratur et Indus, Et delibatae flos iuuenum Ausoniae.

Lui que le Bétis2 et l’Indus regardent avec admiration dénouer le droit, ainsi que la fine fleur de la jeunesse d’Ausonie ;

Hic, inquam, DELRIUS, tam neglecta doleret Tam docti uatis scripta teri padibus, Indignatus ait : « non sunt haec carmina blattas Pascere digna : aliquem quaerite cis Bauium 3 ». 4

Ici, dis-je, Delrio, comme il souffrait que les écrits négligés d’un si savant chantre soient foulés aux pieds, dit avec indignation : « Ces poèmes ne sont pas dignes de nourrir les cafards ; cherchez quelque sous-Bavius 5  ».

Nec mora, deterget maculas, quas tempus, et error Indoctorum hominum, uersibus addiderant : Quaque, a communi studio semota iacebant, Illustrat uiuis ingenii igniculis.

Et sans attendre, il nettoie les taches, que le temps et l’incurie des ignorants avaient ajoutées aux vers ; et tout ce qui reposait, éloigné de l'attention commune, il l’éclaire6 par les vives étincelles de son talent.

Pro quibus officiis, bene si qua est gratia facti, Doctorum semper uiuet in ore uirum.

Et pour ces bons offices, s’il est quelque reconnaissance pour le travail bien fait, il demeurera toujours vivant dans la bouche des doctes.


1. François Nans (1525-1590) : humaniste et philologue flamand. Après avoir étudié à l'Université de Louvain, puis à celle de Paris, il se réfugia à Leyde où il rencontra Juste Lipse. Très préoccupé de l'étude des langues anciennes, il entretint une correspondance suivie avec nombre d'érudits de son temps, dont François Raphelengius, Juste Lipse et Jacques-Augustin de Thou ; auteur de Ad Nonni paraphrasin evangelii Johannis graece & latine editam curae secundae, In quibus quaedam à nemine hactenus observata notantur in alios etiam auctores, parue en 1593 chez Plantin (notice IdRef ; source : Biographie nationale / publiée par l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1899, tome 15, col. 425-427). Le comté d’Isemberg appartenait au Saint-Empire romain germanique.
2. Fleuve de Bétique, Guadalquivir aujourd’hui.
3. Virg., B. 3.90.
4. Mart., Ep. 6.61.
5. Mauvais poète, ennemi de Virgile et d’Horace.
6. Le verbe illustrat fait écho au titre de ce poème.