Présentation du paratexte
François Nans (1525-1595), humaniste et philologue flamand, a entretenu une
correspondance avec nombre d’érudits et se préoccupait de l’étude des langues anciennes.
Il signe ici un poème en distiques élégiaques à la louange de l’éditeur Martín Antonio
Delrio, qui a restauré et éclairé les tragédies par son talent.
Bibliographie :
-
Biographie Nationale, vol. 15, coL. 425-427, en ligne :
https://www.yumpu.com/fr/document/read/9887989/nouvelle-biographie-nationale-academie-royale-de-belgique.
-
De Gulden Passer, date, f. 34 vhi, en ligne : https://www.dbnl.org/tekst/_gul005196801_01/_gul005196801_01_0043.php
-
Allgemeine Deutsche Biographie,
pubPlace, publisher,
date, vol. XXIII, p. 245.
-
J. Aa, Biographisch woordenboek der
Nederlanden, pubPlace, publisher, date, vol. 13,
p. 65-70.
- Paré-Rey, Pascale, "Les éditions des tragédies de Sénèque conservées à la
Bibliothèque nationale de France (XVe-XIXe s.)", in L’Antiquité à la BnF, 17/01/2018,
https://antiquitebnf.hypotheses.org/1643
- Paré-Rey, Pascale, Histoire culturelle des éditions latines des tragédies de Sénèque, 1478-1878, Paris, Classiques Garnier, « Histoire culturelle » 20, 2023
Traduction : Pascale PARÉ-REY
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De Senecae
tragoediis Martino Antonio Delrio Restitutis et
Commentario Illustratis, Francisci Nansii
Isembergensis, iuris consulti
Des tragédies de Sénèque, restaurées et
éclairées par le commentaire de Martín Antonio Delrio, par François Nans, d’Isemberg,
jurisconsulte1
Heroum uarios casus tragico ore canendo
Annaeus, tragica primus in historia,
Vicerat inuidiam, et liuoris nubila plena
Ruperat, Eois notus et Hesperiis.
En chantant d’une bouche tragique les vicissitudes variées des héros
Annaeus, le premier dans l’histoire tragique,
avait vaincu la jalousie, et avait rompu
les nuages remplis d’envie, lui qui était connu chez les habitants de l’Orient et
d’Hespérie.
Iamque, satis passim lecto sermone placebat,
Verborum pascens illecebris animos,
In uatum morem, uaria sub imagine uocum
Ni tegeret docti diuitias animi.
Et désormais, grâce à son expression choisie, il plaisait assez en tous lieux,
nourrissant les esprits par les charmes de ses mots,
selon la coutume des chantres, sous les aspects variés de ses paroles
à condition de ne pas cacher les richesses de son savant esprit.
Obscurus sed erat, noctique, immersus opaca,
Et praelucentes dignus habere faces.
Mais il était obscur, plongé dans une nuit opaque,
quoique digne d’avoir des faisceaux étincelants.
Multi igitur capti puri sermonis amore,
Damnabant rerum difficiles tenebras.
Beaucoup donc, épris d’amour pour la pureté de son expression,
blâmaient les difficiles ténèbres des pensées.
Vtque suaues dictorum mollesque lepores,
In causa Annaeus cur legeretur, erant :
Sic res abstrusa uerborum in parte latentes,
In causa Annaeus ne legeretur, erant.
Et de même qu’il y avait des douceurs suaves et tendres dans son verbe,
raison pour lire Annaeus,
de même il y avait des pensées se cachant dans la partie absconse des mots,
raison pour ne pas lire Annaeus.
DELRIUS prohibes uatem sine honore
iacere,
Vtilitas ex quo tanta uenire potest.
Mais Delrio interdit que ce chantre repose sans honneur,
duquel une si grande utilité peut découler.
DELRIUS dico, quo Belgica gaudet dumno ;
Quem docti indoctis fertis Iberioculis.
Delrio, dis-je, rejeton dont la Belgique se félicite,
que vous, Ibères cultivés, apportez à nos regards incultes ;
Ius quem enodantem Baetis miratur et Indus,
Et delibatae flos iuuenum Ausoniae.
Lui que le Bétis2 et
l’Indus regardent avec admiration dénouer le droit,
ainsi que la fine fleur de la jeunesse d’Ausonie ;
Hic, inquam, DELRIUS, tam neglecta
doleret
Tam docti uatis scripta teri padibus,
Indignatus ait : « non sunt haec carmina blattas
Pascere digna : aliquem quaerite cis Bauium
3 ».
4
Ici, dis-je, Delrio, comme il souffrait que les écrits
négligés d’un si savant chantre soient foulés aux pieds,
dit avec indignation : « Ces poèmes ne sont pas dignes
de nourrir les cafards ; cherchez quelque sous-Bavius 5
».
Nec mora, deterget maculas, quas tempus, et error
Indoctorum hominum, uersibus addiderant :
Quaque, a communi studio semota iacebant,
Illustrat uiuis ingenii igniculis.
Et sans attendre, il nettoie les taches, que le temps et l’incurie
des ignorants avaient ajoutées aux vers ;
et tout ce qui reposait, éloigné de l'attention commune,
il l’éclaire6 par les vives étincelles de son talent.
Pro quibus officiis, bene si qua est gratia facti,
Doctorum semper uiuet in ore uirum.
Et pour ces bons offices, s’il est quelque reconnaissance pour le travail bien fait,
il demeurera toujours vivant dans la bouche des doctes.
1. François Nans (1525-1590) : humaniste et philologue flamand. Après
avoir étudié à l'Université de Louvain, puis à celle de Paris, il se réfugia à Leyde où
il rencontra Juste Lipse. Très préoccupé de l'étude des langues anciennes, il entretint
une correspondance suivie avec nombre d'érudits de son temps, dont François
Raphelengius, Juste Lipse et Jacques-Augustin de Thou ; auteur de
Ad Nonni
paraphrasin evangelii Johannis graece & latine editam curae secundae, In quibus
quaedam à nemine hactenus observata notantur in alios etiam auctores, parue en
1593 chez Plantin (notice IdRef ; source : Biographie nationale / publiée par l'Académie
royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1899, tome 15, col.
425-427). Le comté d’Isemberg appartenait au Saint-Empire romain
germanique.
2. Fleuve de Bétique, Guadalquivir aujourd’hui.
5. Mauvais poète, ennemi de
Virgile et d’Horace.
6. Le verbe
illustrat fait écho au
titre de ce poème.