Quae tibi rependent, docte LIPSI, praemia…
Ianus Dousa Filius

Présentation du paratexte

Le poète et philologue Janus Dousa adresse ces sénaires iambiques à Juste Lipse, dont les annotations ont été reprises dans cette publication, et sur lesquelles Rapheleng s’est appuyé pour proposer les siennes. Le poème fait intervenir, notés en lettres capitales, les noms de Lipse, le commentateur, de Sénèque, l’auteur commenté, et trois de ses héros, Œdipe, Hercule, Hippolyte. Il s’articule autour d’un jeu principal sur l’adjectif doctus (v. 1, 2 et 4, pour qualifier Lipse, les Camènes et Sénèque) et d’un jeu secondaire sur les adjectifs unus et unicus (v. 20, 21 et 22, pour parler de Sénèque et de Lipse et de leur œuvre unique).

Bibliographie :
  • Freiburger Neulateinisches Symposion, Eckard Lefèvre, et Eckart Schäfer, éd. Ianus Dousa: neulateinischer Dichter und klassischer Philologe. Tübingen: GNV, Gunter Narr Verlag, 2009.
  • Gemeentearchief Leiden, et C.L Heesakkers. Janus Dousa en zijn vrienden: leidraad bij een tentoonstelling. Leiden: Universiteitsbibliotheek, 1973.
  • Heesakkers, C.L. Een netwerk aan de basis van de Leidse universiteit: het album amicorum van Janus Dousa. Leiden; Den Haag: Universiteitsbibliotheek Leiden ; Jongbloed, 2000.
  • Heesakkers, C.L, Wilma M.S Reinders, et Jan Biezen. Genoeglijk bovenal zijn mij de Muzen: de Leidse Neolatijnse dichter Janus Dousa (1545-1604). Leiden: Dimensie, 1993.
  • Paré-Rey, Pascale, Histoire culturelle des éditions latines des tragédies de Sénèque, 1478-1878, Paris, Classiques Garnier, « Histoire culturelle » 20, 2023
Traduction : Pascale PARE-REY

Quae tibi rependent, docte LIPSI, praemia Doctae Camoenae, quas iuuare sedulo Nulloque cessas demereri tempore ?

Tes faveurs, savant LIPSE, par quelles savantes Camènes seront-elles récompensées, elles que tu ne cesses de réjouir et de gagner sans nul répit ?

In lucis oras doctus en SENECA redit Quatiens cothurnos Euripidis ardui ; Heroes una, parte sui superstites Meliore, redeunt, non, ut ante, debiles, Non lancinati.

Voici que revient le savant SÉNÈQUE aux rives de la lumière, secouant les cothurnes du difficile Euripide ; ensemble les héros survivants reviennent, avec la meilleure part d’eux-mêmes, non, comme auparavant, faibles ou mutilés.

Dulcis usum luminis Sibi restitutum gratulatur ŒDIPUS ; Nec nomine uno debet HERCULES tibi ; Vel quod scelesta caede manantes manus Viuo abluisti rore fluminis tui ; Vel alta scandens astra ab Œtaeo rogo, Consumptus igne profuisse quod sibi Te plus uel ipso sensit Aesculapio.

ŒDIPE se félicite que l’usage de la douce lumière lui ait été rendu ; et HERCULE ne te doit pas un seul nom1 ; soit que, les mains dégoutantes d’un crime affreux, tu l’as lavé par la vive rosée de ton fleuve ; soit que, gravissant les hautes étoiles depuis le bûcher de l’Œta, brûlé par le feu, il sentit que tu lui avais été plus utile qu’Esculape en personne.

Laudat renatus VIRBIUS tuam manum Reductus ipsis iam secundum ab inferis.

VIRBIUS2, ressuscité, loue ta main Après être revenu des Enfers eux-mêmes deux fois déjà.

Quid plura referam ? Romulus debet tibi Cothurnus omnis, inuidens ante Helladi, Plus quam poetae ; nam ille in hoc unus fuit, Quiritium unis ut placeret auribus ; Tu non, in urbe tantum ut unica populi Teneret aures usque, fecisti, uagas : Sed orbe toto reddidisti nobilem.

Pourquoi en rajouter ? Chaque cothurne romain t’est redevable, qui naguère jalousait la Grèce plus que notre poète ; car celui-là fut seul à charmer les oreilles seules des Quirites ; Toi, ce n’est pas dans une seule ville que tu as fait en sorte de tendre les oreilles vagabondes de la foule : mais c’est dans l’univers entier que tu l’as rendu célèbre.

Ianus Dousa Filius

Janus Dousa Fils.


1. Puisque Sénèque a écrit un Hercule Furieux et un Hercule sur l’Œta, auxquels il est respectivement fait allusion dans les vers qui suivent.
2. Virbius : nom que reçut Hippolyte après que Diane lui rendit la vie.