Figure declaratio. Argumenti lucidior secundum hanc figuram declaratio
[Johann Grüninger ?]

Présentation du paratexte

Il s'agit d'une édition illustrée de six gravures pleine page, une par comédie, chacune étant suivie d’une description de la gravure.Pour chaque pièce est représentée sur une page l’ensemble des personnages, groupés selon la maison à laquelle ils se rattachent. Le personnage représenté au centre est toujours celui qui dénoue l’action. La gravure vise aussi à restituer l’intrigue de la pièce ; l’artiste situe les événements les plus éloignés dans le temps en haut de la gravure, invitant le lecteur à adopter un regard descendant pour comprendre les péripéties successives de la pièce. Les six descriptions de gravure constituent des textes d’accompagnement des images qu’ils décrivent et dont ils explicitent l’organisation. Développant souvent l’intrigue, ses rebondissement et son dénouement, ils font également fonction d’arguments.Cette édition comprend en outre 149 petites gravures de début de scène, composées grâce à la technique innovante des combinaisons de bois gravés. Les gravures de début de scène reposent sur la combinaison de plusieurs blocs de bois assemblés pour former une scène (l’édition utilise 85 bois imprimés 745 fois). Avec les blocs, chaque personnage est placé dans une attitude caractéristique. Cette technique répond à l’accroissement de la demande et reflète la volonté de produire des ouvrages meilleur marché. Ce procédé d’assemblage de modules d’illustration est semblable au procédé essentiel à l’imprimerie qu’est la typographie : l’illustration est réduite à des modules de base (représentant un personnage ou un élément de décor) qu’on peut combiner à loisir.

Bibliographie :
  • Charles Schmidt Répertoire bibliographique strasbourgeois, jusque vers 1530. Tome I : Jean Grüninger pubPlace publisher date
  • François Ritter Répertoire bibliographique des livres imprimés en Alsace au XVIe siècle pubPlace publisher date
  • François Ritter Histoire de l’imprimerie alsacienne aux XVe et XVIe siècles pubPlace publisher date
  • Horst Kunze Geschichte der Buchillustration in Deutschland. Das 15. Jahrhundert. Textband mit 230 Abbildungen pubPlace publisher date
  • Horst Kunze Geschichte der Buchillustration in Deutschland. Das 15. Jahrhundert. Bildband mit 318 Wiedergaben aus illustrierten Inkunabeln pubPlace publisher date
Traduction : Laure Hermand

Figure declaratio. Argumenti lucidior secundum hanc figuram declaratio

Explication de la gravure. Explication de l’argument à la lumière de la gravure

Argumentum est res ficta quae tamen fieri potuit ut argumenta comoediarum. 1

Un argument est une fiction qui aurait toutefois pu se produire, comme les arguments de comédies.

Ita describitur a Tullio in nouo Rhetoricorum primo.

C’est la description qu’en fait Cicéron au premier livre de la Rhétorique à Hérennius.

Est autem oratio praeuia breuiter totius comoediae seriem et ordinem continens.

L’argument est par ailleurs un discours qui sert de guide en résumant dans l’ordre l’enchaînement de la comédie tout entière

Et hanc praescire necesse est, ut clarior in comoediam ad actusque eius omnes aditus fiat.

Et il faut en prendre connaissance par avance pour faciliter l’accès à la comédie et à tous ses actes.

Cum autem doctor melius doctrinare non possit quam cum ea quae dicit ad oculum discentis realiter demonstrat, id ego facere studui per hoc quod ad argumentorum declarationem comoediarum omnium unam principalem sculpsi figuram in qua intuitu uno simplici respectus personarum cernitur omnium qualisque personarum altricantium quadripartita et partialis diuisio, medii quoque comici superuenientis semper in medium locatio, amantiumque per linearum tractus contraria positio.

Or comme il n’y pas pour le professeur de meilleur moyen d’enseigner que de faire voir de manière concrète à ses élèves ce qu’il dit, je me suis efforcé de le faire en réalisant, pour expliquer l’argument de chaque comédie, une gravure principale2 : on y perçoit d’un simple coup d’œil un panorama de tous les personnages et une division en quatre parties des personnages qui s’affrontent ; au milieu est toujours placé le médiateur de la comédie qui vient au secours des autres personnages ; les amants placés dans des positions opposées sont reliés par des traits.

Has autem ita ut comoediae totius fundamentum habere uolentibus longe suspensionis labor absit, non sine laboribus redegi.

Afin d’éviter à ceux qui veulent avoir la trame de la comédie tout entière la difficulté d’une longue interruption, j’ai fait tenir tout cela non sans difficultés dans la gravure.

Attentas igitur, o lector, praebe aures, et quis sit figurae huius comoediae primae intellectus carpe.

Prête donc, lecteur, une oreille attentive, et saisis quel est l’agencement de la gravure de cette première comédie.3

Vides primo aedes aut domicilia quatuor, ante earundem fores personarum sectas stantes totidem.

Tu vois d’abord quatre maisons ou domiciles ; devant leurs portes se tiennent quatre groupes de personnages.

Stat primo maior comoediae agentis pars, Symo ciuis Atheniensis cum suis seruis et filio suo Pamphilo.

Il y a d’abord la partie la plus importante des rôles de la comédie : Simon, citoyen athénien, avec ses esclaves et son fils Pamphile.

Qui filius cum ex suo arbitrio uiuere inciperet, incoepit amare quandam puellam dictam Glicerium, cui et fidem eam uxorem uelle perpetuo tenere dixit, stuprauit, impraegnauit.

Comme ce fils commençait à vivre de manière indépendante, il tomba amoureux d’une jeune fille appelée Glicère à qui il déclara qu’il voulait l’épouser pour toujours ; il la viola et l’engrossa.

Illa depicta iacet parturiens in domo superiori contrarie opposita, Crisidis scilicet.

Elle est dépeinte en train d’accoucher dans la maison du haut, située dans le coin opposé, à savoir la maison de Crisis.

Quae mulier aduena erat ex Andria insula, Athenis aliquamdiu moram traxit, ibique finalis necis dispendia soluit.

Cette femme était une étrangère, originaire de l’île d’Andros ; elle passa un certain temps à Athènes, et c’est là qu’elle finit par mourir.

Prius tamen in naufragio in mari Ægeo facto, puellam quae ex naufragio enatauerat forte quaestus causa cum forma erat susceperat ; quae cum nomen eius nesciret, Glicerium est uocitata ; quam et honeste educauit et amauit plurimum ita quod omnes illam ut sororem Crisidis reputabant.

Auparavant toutefois, alors qu’un naufrage avait eu lieu en mer Égée, elle avait recueilli une jeune fille qui s’était échappée du naufrage à la nage ; elle en espérait probablement des gains comme la jeune fille était belle. Comme elle ignorait son nom, elle l’appela Glicère. Crisis l’éduqua d’une manière honorable ; elle l’aimait tant que tout le monde croyait que c’était sa sœur.

Ideo Criside mortua bona relicta Glicerium ut soror habita quiete possedit.

C’est pourquoi à la mort de Crisis, Glicère, considérée comme sa sœur, rentra en possession des biens qu’elle lui avaient laissés sans rencontrer d’opposition.

Hanc ubi amare suspicabatur pater Symo Pamphilum, simulat fiendas nuptias cum Philomena filia cuiusdam Atheniensis scilicet Chremetis ut pertemptaret filium an aliam amaret necne quia si amasset aliam, certum erat quod nuptias fieri non consentiret cum illa.

Lorsque Simon, père de Pamphile, soupçonna que son fils était amoureux d’elle, il fait semblant d’organiser un mariage avec Philomène, fille d’un certain Chrémès, citoyen athénien, pour mettre à l’épreuve son fils et savoir s’il en aimait une autre ou non, parce qu’il était sûr que s’il en avait aimé une autre, il ne consentirait pas à se marier avec celle-là.

Quod et fecisset nisi a callidi serui suasu Dauo scilicet ut consentiret fuisset praemonitus.

Et c’est ce qu’il aurait fait si sur le conseil de son esclave rusé, à savoir Dave, il n’avait pas été averti qu’il devait y consentir.

Ille enim seruus longe sua praeualuit calliditate dominum Symonem ; qui, quanquam simulatione omni omnes celaret, praeter Sosiam libertum cocum eius quem secreti et conscii sui participem fecit, Dauus tamen ex coniecturis ueris nuptias fictas esse ratissime sumpsit.

Cet esclave en effet l’emportait de loin en ruse sur son maître Simon ; bien que par toute sorte de feinte, il cachât la vérité à tout le monde sauf à Sosie, affranchi et cuisinier, qu’il fit participer à son secret et à son plan, Dave, à partir d’hypothèses justes, devina très subtilement que le mariage était fictif.

Hic Pamphilo ut consentiret suasit, ut ne mora de nuptiis fiendis in eo staret ac per hoc patri se amore alieno non captum esse ostenderet.

Il persuada alors Pamphile d’y consentir pour qu’il ne retarde pas la réalisation du mariage et pour qu’il montre de cette manière à son père qu’il n’était pas sous l’emprise d’un autre amour.

Quid postea ex falsa illa nuptiarum fictione rumor in uulgum descendit, nubere filiam Chremetis Philomenam Pamphilo, tandem ad aures usque peruenit Chremetis patris Philomenae ; qui de rumore cum eum lateret plurimum mirabatur. Accessit patrem Pamphili Symonem.

Ensuite à partir de l’invention de ce faux mariage, la rumeur se propagea que Pamphile épousait Philomène, fille de Chrémès, et finit par arriver aux oreilles de Chrémès, père de Philomène ; ce dernier s’étonnait beaucoup que la nouvelle lui fût demeurée cachée. Il alla voir Simon, père de Pamphile.

De fictis nuptiis cum dicerent, ueras fieri concluserunt.

Tandis qu’ils discutaient de ce mariage inventé, ils en conclurent un vrai.

Quod cum audirent Pamphilus et Dauus, admissum ioco serio facto recusare non potentes, multas eis turbas dedit, multo plures Carino socio Pamphili qui tum Philomenam amabat et rumori non crederet, seruum suum Pyrriam ad explorandum misit.

Comme Pamphile et Dave les écoutaient et comme ils ne pouvaient protester contre la plaisanterie qu’ils avaient lancée et qui avait été prise au sérieux, la nouvelle leur donna beaucoup de souci et encore plus à Carinus, l’ami de Pamphile, qui était alors épris de Philomène et comme il ne prêtait pas foi à la rumeur, il envoya son esclave Pyrrhia pour enquêter.

Denique Misis ancilla alterius iussu ancillae Archilis accersitum obstetricem Lesbiam iret. Pamphilum duxisse Philomenam uxorem audiuit, exhinc suam heram Glicerium desertam esse pertimuit. Ita cum inter hos omnes turba et certatio esset comica et quomodo se ex his periculis eriperent deliberarent, eorum facto ex abrupto a Daui persuasu imitato senes ambos reddiderunt pariter anxios seipsosque magis.

Enfin, la servante Misis, sur l’ordre d’une autre servante Archilis, partit chercher Lesbia. Elle entendit dire que Pamphile avait épousé Philomène et redouta que Glicère, sa maîtresse, eût été abandonnée. Ainsi, alors qu’il y avait entre tous ces personnages une confusion et des querelles comiques et qu’ils cherchaient le moyen de se sortir de ces dangers, en réalisant la parodie imaginée par Dave, ils effrayèrent tout autant les deux vieillards et eux-mêmes plus encore.

Disposuit enim Dauus ut Symo, tempore illo quo Glicerium pareret, ante ostium eius staret et clamantem audiret.

En effet Dave fit en sorte que Simon, au moment où Glicère accouchait, se trouvât devant sa porte et l’entendît crier.

Puerum natum Dauus cum Miside ante fores Chremetis posuerunt ut per hoc Chremetem ad abdicationem generi et nuptiarum perterrescerent.

Dave et Misis posèrent l’enfant qui venait de naître devant la porte de Chrémès pour l’effrayer par ce moyen et l’amener à renoncer au gendre et au mariage.

Quod per Dauum factum cum Symo sentiret, Dromonem uocat, Dauum iubet constringi quadrupedem trahi in pistrinum.

Lorsque Simon comprend que Dave a fait cela, il appelle Dromon et ordonne qu'il soit attaché pieds et poings liés dans le moulin.

Tunc ad extremam personarum omnium peruentum est turbationem ; perturbatione itaque tali stante, necesse est ut aliquod superueniat medium turbam omnem amouens reconciliansque comicas lites, finem quoque comicum qui personis omnibus optatus est perficiens.

On est alors arrivé au sommet du désordre entre les personnages ; un tel trouble persistant, il devient nécessaire qu’intervienne un médiateur qui dissipera toute la confusion, dénouera les conflits comiques et apportera un dénouement également comique souhaité par tous les personnages.

Is hospes erat Crito Andrinus consobrinus Chrisidis. Ille cum mortuam Chrisidem audiuit ut eam in hereditate succederet aduenerat.

Il s’agit de Criton, originaire d’Andros, étranger et cousin de Crisis. Lorsqu’il apprit que Crisis était morte, il était venu pour toucher son héritage.

Votum eius consequi, obstante Glicerio, haud quiuit : ipsa, ut habita soror, bona Chrisidis possidebat.

Il ne put réaliser son souhait auquel Glicère faisait obstacle : considérée comme la sœur de Crisis, elle possédait tous ses biens.

Chrito igitur Glicerium ciuem Atheniensem et Chremetis filiam esse ueridico declarauit.

Criton fit donc voir clairement que Glicère était citoyenne athénienne et fille de Chrémès.

Hoc pacto quod quondam naufragio facto apud Andrum insulam illic eiectus est quidam Atticus Phannia dictus cum quo una puera uirgo ; quod cum audiuit Chremes, Phanniam fratrem suum esse cognouit et uirginem filiam quae olim Pasibula dicebatur.

Alors que jadis avait eu lieu un naufrage près de l’île d’Andros, un Athénien appelé Phannia y échoua avec une enfant. Quand Chrémès entendit cela, il sut que Phannia était son frère et la jeune fille sa fille qui s’appelait jadis Pasibula.

Hanc dat Pamphilo uxorem, aliam Philomenam eius socio Carino, Dauus itaque uinculis solutus finem comicum omnibus felicem et laetum dicit.

Il la donne en mariage à Pamphile, donne Philomène en mariage à Carinus, l’ami de Pamphile ; ensuite Dave est libéré de ces chaînes et proclame la fin de la comédie, heureuse et joyeuse pour tout le monde.


1. Her. 1.8.13.
2. La gravure est dite « principale » par rapport aux gravures de début de scène, composées avec la technique des combinaisons de bois.
3. Il s'agit de l'Andrienne, première des comédies de Térence dans l'ordre des manuscrits.