Declaratio huius figurae in Comediam Terentii quae in ordine quarta est atque Adelphos vocitata
[Johann Grüninger ?]

Présentation du paratexte

Il s'agit d'une édition illustrée de six gravures pleine page, une par comédie, chacune étant suivie d’une description de la gravure.Pour chaque pièce est représentée sur une page l’ensemble des personnages, groupés selon la maison à laquelle ils se rattachent. Le personnage représenté au centre est toujours celui qui dénoue l’action. La gravure vise aussi à restituer l’intrigue de la pièce ; l’artiste situe les événements les plus éloignés dans le temps en haut de la gravure, invitant le lecteur à adopter un regard descendant pour comprendre les péripéties successives de la pièce. Les six descriptions de gravure constituent des textes d’accompagnement des images qu’ils décrivent et dont ils explicitent l’organisation. Développant souvent l’intrigue, ses rebondissement et son dénouement, ils font également fonction d’arguments. Cette édition comprend en outre 149 petites gravures de début de scène, composées grâce à la technique innovante des combinaisons de bois gravés. Les gravures de début de scène reposent sur la combinaison de plusieurs blocs de bois assemblés pour former une scène (l’édition utilise 85 bois imprimés 745 fois). Avec les blocs, chaque personnage est placé dans une attitude caractéristique. Cette technique répond à l’accroissement de la demande et reflète la volonté de produire des ouvrages meilleur marché. Ce procédé d’assemblage de modules d’illustration est semblable au procédé essentiel à l’imprimerie qu’est la typographie : l’illustration est réduite à des modules de base (représentant un personnage ou un élément de décor) qu’on peut combiner à loisir.

Bibliographie :
  • Charles Schmidt Répertoire bibliographique strasbourgeois, jusque vers 1530. Tome I : Jean Grüninger pubPlace publisher date
  • François Ritter Répertoire bibliographique des livres imprimés en Alsace au XVIe siècle pubPlace publisher date
  • François Ritter Histoire de l’imprimerie alsacienne aux XVe et XVIe siècles pubPlace publisher date
  • Horst Kunze Geschichte der Buchillustration in Deutschland. Das 15. Jahrhundert. Textband mit 230 Abbildungen pubPlace publisher date
  • Horst Kunze Geschichte der Buchillustration in Deutschland. Das 15. Jahrhundert. Bildband mit 318 Wiedergaben aus illustrierten Inkunabeln pubPlace publisher date
Traduction : Laure Hermand

Declaratio huius figurae in Comoediam Terentii quae in ordine quarta est atque Adelphos uocitata

Explication de la gravure faite pour la quatrième dans l’ordre des comédies de Térence, appelée Adelphes

Adelphos haec Comoedia dicitur quod idem est quod fratres latine.

Cette comédie est appelée Adelphes car c’est le même mot que fratres en latin.

Sunt enim bis duo fratres in ea et senes et iuuenes.

Il y a en effet deux fois deux frères dans cette comédie, des vieux et des jeunes.

Sunt duo senes medio figure stantes medium Comicum inducentes.

Ce sont les deux vieillards qui se trouvent au milieu de la gravure, représentant le médiateur de la comédie.

Quis autem in hoc inducendo potior fuerit, uix arbiter esse possum.

Mais qui dans cette représentation est plus que l’autre le médiateur, je ne parviens pas à le trancher.

Micio in primis fabulae partibus plurimum pro medio comico laborat, hoc est pro Comice litis pace inducenda cum fratre suo Demea qui cum diu recalcitraret, tandem ultro et subito plus quam Micio frater pecierat ; medium prosecutus est.

Micion, dans la première partie de la pièce, accomplit la plus grande partie de la tâche du médiateur de la comédie, c’est-à-dire œuvre à pacifier le conflit comique qui l’oppose à son frère Déméa qui, alors qu’il s’opposait à lui depuis longtemps, avait finalement de lui-même et plus rapidement que son frère recherché la paix ; il a pris sa suite comme médiateur.

Haec sic carpe : hii duo fratres uita, moribus et rebus contrariis uitam transierunt.

Note ceci : ces deux frères ont passé leur vie avec des modes de vie, des principes et des ressources opposés.

Hoc si recte ut hic depicti sunt eos inspicis, peroptime notare potes, facies, uestitus multa indicant.

Si tu observes bien de quelle manière ils sont dépeints ici, tu peux parfaitement remarquer que leurs visages et leurs vêtements donnent beaucoup d’indications.

Micio sine uxore liberis pariter otio uixit liberaliter ac prodigaliter rebus utens suis.

Micion a vécu dans le loisir, sans femme ni enfants, usant de son patrimoine avec munificence et prodigalité.

Demea uero parce in labore et negotio triuit uitam, filios habuit duos, uidelicet Eschinum et Cthesiphonem.

Mais Déméa a épuisé sa vie à vivre chichement en travaillant et en s’activant, il a eu deux fils : Eschine et Ctésiphon.

Cum uero Micio uitam celibem et filiis careret atque cum oblectabile sit habere filium unum Eschinum a Demea adoptiuum accepit quem et pro suo ut se uesciit et ad mores suos educauit.

Or comme Micion vivait seul et n’avait pas d’enfant et comme il est agréable d’avoir un enfant, il a adopté Eschine, fils de Déméa, qu’il a nourri comme si c’était le sien et elévé selon ses propres principes.

Iam non frustra Eschinus ante aedes Micionis stat et Cthesipho Demeae patris ueri.

Donc ce n’est pas sans raison qu’Eschine se trouve devant la maison de Micion et Ctésiphon devant celle de Déméa son vrai père.

Sunt enim parte in superiori aedes due, uno muro tanquam unum allodium circumdate, maceria tamen diuise, atque duae curiae factae ; paternam forte sic dimidiabant haereditatem.

Il y a en effet dans la partie supérieure deux maisons, entourées d’un mur unique comme s’il s’agissait d’une seule possession et toutefois séparées par une palissade en bois, ainsi que deux cours de maisons ; peut-être divisaient-ils ainsi en deux l’héritage paternel.

Vides etiam bene in aedium qualitate (taceo de curiarum dispositione) et quis patronus qualisque familia siet ; taceo quia ostia hec indicant : Micioni enim est expolitum, seratum, Demeae uero ruptum restibusque ligatum, reliqua committo innuenti.

Tu vois bien aussi à la qualité des maisons (je passe sur l’agencement des cours) qui est le chef de famille et de quel type de famille il s’agit ; je passe là-dessus parce que les portes l’indiquent : celle de Micion en effet est ornée, fermée tandis que celle de Déméa est cassée et rafistolée avec des cordes ; je relie le reste par un indice.

Accedamus ad fabulam.

Passons à la pièce.

Cthesipho exarsit amore cuiusdam citaristrie nomine Psaltrie quae penes lenonem nomine Sannio erat.

Ctésiphon est tombé amoureux d’une joueuse de cithare appelée Musicienne/Psaltria1 qui se trouvait chez un proxénète du nom de Sannion.

Sed timore duri patris ab eius se cohibebat appetitu.

Mais par crainte de son père sévère, il réprimait son désir pour elle.

Quod Eschinus comperiens adiutus libertate atque Syri serui industria Psaltriam eripuit, quasi ipse eius frui uellet complexu.

C’est ce qu’Eschine découvrit ; aidé par le franc-parler et les manigances de l’esclave Syrus, il enleva Musicienne/Psaltria comme si lui-même voulait avoir une liaison avec elle.

Sed fecit ut fratris satisfaceret desiderio et crimen fratris in se transtulit.

Mais il fit en sorte de satisfaire le désir de son frère et prit sur lui la faute de son frère.

Verum hoc pater Demea non intelligens coepit aduersum fratrem Micionem iracundo animo grauiter iurgari.

Toutefois son père Déméa ne comprit pas cela et se mit, pris d’une vive colère contre son frère Micion, à lui faire de violents reproches.

Quem adoptatum sibi filium Eschinum tante leuitatis tanteque sineret esse inconstantie ut etiam ad tantum erumpet facinus ut citaristriam raperet.

Il disait que ce fils Eschine qu’il avait adopté, il le laissait se comporter avec une légèreté et une inconstance si grandes qu’il s’était précipité vers un forfait aussi grand que celui d’enlever une joueuse de cithare.

Sed Micio quibuscumque poterat blanditiis eius animum lenire satagebat.

Mais Micion, avec toutes les flatteries possibles, s’efforçait de l’apaiser.

Viciauerat autem idem Eschinus quandam puellam nomine Pamphilam filiam Sostrate patre Simulo iam defuncto.

Or le même Eschine avait jadis violé une jeune fille du nom de Pamphila, fille de Sostrata, alors que son père Simulus était déjà mort.

Cumque saepe dictus Eschinus fraternum amorem in fidicina ob metum paternum in se transferret, cepit Sostrata mulier per Getam seruum causari nutricem Pamphilae nomine Cantharam de uiolentia facta puelle.

Et comme le sus-dit Eschine reportait sur lui l’amour de son frère pour la joueuse de lyre à cause de la crainte pour son père, la femme Sostrata commença par l’intermédiaire de son esclave Geta, à causer avec la nourrice de Pamphila, nommée Canthara, au sujet du viol de la jeune fille.

Sed cum ueritas patuit, Demea culpans sue asperitatis saeuitiam cooperari coepit ut Eschinus corruptam Pamphilam uxorem duceret, Cthesipho potiretur citharistria, Syrus seruus cum uxore libertate donaretur.

Mais lorsque la vérité éclata, Demea blâma la cruauté de sa sévérité et se mit à œuvrer à ce que Eschine épouse Pamphila qu’il avait séduite, que Ctésiphon acquière/s’empare de la joueuse de cithare et que l’esclave Syrus soit affranchi avec sa femme.

Et tandem fratrem Micionem, qui usque ad senium in celibatu uitam duxit, traxit precibus qui Sostratam soceram Eschini duxit.

Finalement, par ses prières, il réussit à convaincre son frère Micion qui jusqu’à sa vieillesse était resté célibataire, d’épouser Sostrata, la belle-mère d’Eschine.

Sicque multis nuptiis factis, Demea iussit maceriam quae curias diuidebat dirrui atque unam curiam fieri ut ipsis sic triumphantibus non obstaculum esset.

Et ainsi, après la célébration de nombreux mariages, Demea fit détruire la palissade en bois qui séparait les deux cours et créer une seul cour pour qu’il n’y ait plus d’obstacle à leur triomphe.

Per hoc etiam denotauit se a moribus fratris ultro non dissentire uelle.

Par ce geste il fit aussi savoir qu’il ne voulait plus être en désaccord avec les principes de son frère.

Vitamque sic fine comico et tranquillo et pacifico iminente pacifice transierunt simul omnes.

Et tous ensemble, à la faveur d’un dénouement de comédie, tranquille et pacifique, finirent leur vie dans la paix.

Hec omnia poeta urbano stilo et lepore eloquentiae more suo dilatat.

Voilà toutes les choses que le poète, dans un style raffiné et avec la douceur de son éloquence, développe comme à son habitude.

Argumentum solum propter puram ignorantiam remouere narratur.

On raconte qu’il enlève l’argument seulement par pure ignorance.


1. Confusion entre sa fonction dans la pièce (psaltria signifie en latin « musicienne ») et son nom propre qui est en réalité Bacchis.