Figurae sequentis declaratio in sextam et ultimam Threntii Comediam Ecyram dictam introductoria
Auteur anonyme (probablement l’imprimeur lui-même)

Présentation du paratexte

Édition illustrée de six gravures pleine page, une par comédie, chacune étant suivie d’une description de la gravure.

Pour chaque pièce est représentée sur une page l’ensemble des personnages, groupés selon la maison à laquelle ils se rattachent. Le personnage représenté au centre est toujours celui qui dénoue l’action. La gravure vise aussi à restituer l’intrigue de la pièce ; l’artiste situe les événements les plus éloignés dans le temps en haut de la gravure, invitant le lecteur à adopter un regard descendant pour comprendre les péripéties successives de la pièce.

Les six descriptions de gravure constituent des textes d’accompagnement des images qu’ils décrivent et dont ils explicitent l’organisation. Développant souvent l’intrigue, ses rebondissements et son dénouement, ils font également fonction d’arguments.

Cette édition comprend en outre 149 petites gravures de début de scène, composées grâce à la technique innovante des combinaisons de bois gravés. Les gravures de début de scène reposent sur la combinaison de plusieurs blocs de bois assemblés pour former une scène (l’édition utilise 85 bois imprimés 745 fois). Avec les blocs, chaque personnage est placé dans une attitude caractéristique. Cette technique répond à l’accroissement de la demande et reflète la volonté de produire des ouvrages meilleur marché. Ce procédé d’assemblage de modules d’illustration est semblable au procédé essentiel à l’imprimerie qu’est la typographie : l’illustration est réduite à des modules de base (représentant un personnage ou un élément de décor) qu’on peut combiner à loisir.

Bibliographie :
  • Charles Schmidt, Répertoire bibliographique strasbourgeois, jusque vers 1530. Tome I : Jean Grüninger, pubPlace, publisher, date (1ère éd. : Strasbourg, 1893)
  • Karl E. Weston, « The illustrated Terence manuscripts », Harvard Studies in Classical Philology, 14, (date), p. 37-54(+ 96 planches en fin de volume)
  • John C. Watson, « The relation of the scene-headings to the miniatures in manuscripts of Terence », Harvard Studies in Classical Philology, 14 date, p. 66-174
  • François Ritter, Répertoire bibliographique des livres imprimés en Alsace au XVIe siècle, pubPlace, publisher, date
  • Jacqueline Daillon, « Jean Grüninger, imprimeur-éditeur à Strasbourg », Arts et métiers graphiques, 65, (date), p. 41-46, 63
  • François Ritter, Histoire de l’imprimerie alsacienne aux XVe et XVIe siècles, pubPlace, publisher, date
  • Marie Chèvre, « Imitation et originalité. Quelques illustrations de Térence du 15ème au 16ème siècle », Gutenberg Jahrbuch, date, p. 207-214
  • Horst Kunze, Geschichte der Buchillustration in Deutschland. Das 15. Jahrhundert. Textband mit 230 Abbildungen, pubPlace, publisher, date
  • Horst Kunze, Geschichte der Buchillustration in Deutschland. Das 15. Jahrhundert. Bildband mit 318 Wiedergaben aus illustrierten Inkunabeln, pubPlace, publisher, date
  • Cécile Dupeux, « Les combinaisons de bois : une spécificité strasbourgeoise », dans L’imaginaire strasbourgeois. La gravure dans l’éditions strasbourgeoise 1470-1520, pubPlace, publisher, date, p. 29-39
  • Laure Hermand-Schebat, « Texte et image dans les éditions latines commentées de Térence (Lyon, Trechsel, 1493 et Strasbourg, Grüninger, 1496) », Camenae, 9 (date)
Traduction : Laure Hermand

Figurae sequentis declaratio in sextam et ultimam Terentii Comoediam Hecyram dictam introductoria

Explication de la gravure suivante qui introduit la sixième et dernière comédie de Térence appelée Hécyre

Ecyram, dissentiendo quibusdam cum aliis, tamen ultimam posui, tum quia ultimo est recitata, tum etiam ut cum optima muliere et meretrice concluderem bona quae in ea fabula continentur, licet initium sumat cum Philote et Syra, alia aliam de quaestu meretricio faciendo instituens, et Philotis cum totam paene originem argumenti expediens cum Parmenone quem tenent ambae personae sunt pr<o>taticae1 abeuntes, in nullis deinceps Comoedie partibus comparentes.

Bien que ce ne soit pas conforme à l’avis de certains, j’ai placé L’Hécyre en dernier, à la fois parce qu’elle fut jouée en dernier/on la lit en dernier et pour conclure avec une excellente femme et une courtisane vertueuse qui se trouvent dans cette pièce, bien qu’elle commence avec Philotis et Syra, l’une instruisant l’autre sur la manière dont une courtisane fait du profit. Et alors qu’elles expliquent presque toute l’origine de l’intrigue avec Parménon qu’elles retiennent, les deux personnages sont protatiques car elles s’en vont et n’appraissent ensuite dans aucune partie de la comédie.

Bonam igitur mulierem in hac Comoedia noscere edisce.

Apprends donc à connaître l’excellente femme qui se trouve dans cette comédie.

Illa comoedia, cum delectet plurimum, non minus utilitatis affert spectatoribus.

Cette comédie, alors qu’elle charme beaucoup, n’en apporte pas mois d’utilité aux spectateurs.

In hac Comoedia duo sunt senes : Laches et Phidippus.

Dans cette comédie, il y a deux vieillards : Lachès et Phidippe.

Laches filium habebat Pamphilum nomine.

Lachès avait un fils du nom de Pamphile.

Qui cum amore Bachidis meretricis captus esset, pater desponderat filiam Phidippi Philomenam nomine.

Bien qu’il fût tombé amoureux de la courtisane Bacchis, son père l’avait fiancé à la fille de Phidippe, nommée Philomène.

Patri itaque parere uolens Philomenam inuitus duxit, binnestri2 quoque tempore eam nulla corporis gratia amplectabatur.

C’est pourquoi, voulant obéir à son père, il épousa Philomène malgré lui et pendant deux mois ne l’accueillait pas pour qu’elle lui accorde ses faveurs.

A Bachide se abstrahere non potens, quae tamen eius amoris impatiens quia aliam duxerat est facta : continue eum coepit illis uerbis « da et affer » lactare ; noua uero sponsa quam domi habebat pacientissima omnium noui mariti iniuriarum, ideo ut nec uultu unam significasset.

Il ne pouvait pas se détacher de Bacchis qui toutefois ne put plus supporter son amour parce qu’il en avait épousé une autre ; elle se mit à sans cesse le leurrer de paroles : « Donne et apporte » ; quant à la nouvelle épouse qu’il avait à la maison, elle supportait avec la plus grande patience tous les affronts de son mari au point qu’elle n’en avait pas laissé voir un seul sur son visage.

Pamphilum igitur sua mansuetudine a procaci traxit muliere cum qua et eum ita uinxit quod dimissa Bachide omnem uitam suam in hanc posuit.

Par sa bonté donc elle éloigna Pamphile de cette femme impudente, bonté avec laquelle elle attacha tant Pamphile à elle qu’après avoir renvoyé Bacchis, il lui consacra toute son existence.

Interea moritur patris cognatus Phania in Imbro cuius et pater haeres erat.

Entre temps meurt à Imbros un cousin du père, Phania, dont le père aussi était héritier.

Misit igitur Pamphilum ut bona haereditaria adueheret, eius autem recessus ob amatam Pamphilam durus ei fuerat.

Il envoya donc Pamphile pour qu’il ramène l’héritage, mais partir avait été pour lui difficile à cause de son amour pour Pamphila3.

Et ideo cum laete rediret cum bonis haereditariis ut et rursum amore potiri posset Philomene ut rediit Pamphilam non plus in domo reperit paterna, sed in domo soceri eius Phidippi.

Et ainsi, alors qu’il revenait tout joyeux avec l’héritage de telle sorte qu’il pouvait de nouveau posséder physiquement Philomène, à son retour il ne trouva plus Pamphila4 dans la maison de son père, mais dans la maison de son beau-père Phidippe.

Cum autem ad domum soceri pro scissitanda abitionis causa iret, eam tunc ipso instanti parturientem reperit.

Alors qu’il allait dans la maison de son beau-père pour connaître la raison de son départ, lui-même, sur le point de la presser de questions, la trouva en train d’accoucher.

Ex quo et maior eum scrupulus detinuit quia patrem pueri se esse nesciebat.

Ensuite un grand embarras le saisit parce qu’il ignorait qu’il était le père de l’enfant.

Sic ergo multis prehabitis altricationibus et socrus, soceri, patris et matris, diuortium Pamphilus fieri percupiebat tamen causam hanc qua in tempore non peperit omnibus celauit, Laches autem et Phidippus credebant causam esse mores socrus aduersas5 uel quia forte scorto Bachide adheserat.

Ainsi donc, après de nombreuses disputes avec ses beaux-parents et ses parents, Pamphile désirait divorcer ; cependant il cacha à tous la raison pour laquelle ce n’était pas lui qui à l’époque l’avait mise enceinte, mais Lachès et Phidippe croyaient que la cause était l’opposition de sa belle-mère ou qu’il s’était épris de la courtisane Bacchis.

Pro qua et miserunt ut diceret Philomene se deinceps Pamphilum abnegaturum quod et illa meretrix questum postponens meretricium fecit.

Ils envoyèrent quelqu’un auprès de cette dernière pour qu’elle dise à Philomène qu’ensuite Pamphile renonçait à elle parce que cette courtisane, faisant moins de cas du profit, s’est consacrée au métier de courtisane.

Cum autem sic cum eis loquebatur, uisum est anulum in digito eius per Mirrinam Philomene matrem quod Pamphilus filiae in tenebris nescius cum eam stupraret detraxerat et Pamphilus Bachidi dederat Bachide ut medio Comico hoc testante Pamphilus recipit matrem cum filio.

Tandis qu’elle parlait ainsi avec eux, Myrrina, la mère de Philomène, vit au doigt de celle-ci un anneau que Pamphile, ne connaissant pas la fille, avait arraché dans l’obscurité tandis qu’il la violait et qu’il avait donné à Bacchis si bien que Bacchis, médiateur de la comédie, atteste cela et Pamphile reprend sa femme et son fils.


1. L’édition donne pyotaticae.
2. Orthographe tardive et fautive pour bimestri.
3. Erreur et confusion due au rédacteur du paratexte, car cette pièce de Térence n’a aucun personnage du nom de Pamphila ! Il voulait probablement parler de Philomène, femme de Pamphile.
4. L’erreur est répétée ici.
5. Nous supposons une faute de genre sur mores, ne voyant pas quoi faire autrement de l’adjectif aduersas.