Jodocus Badius Ascensius Magistro Herveo Besino, iureconsulto, litteris eruditissimo amicorumque primario, salutem plurimam dicit.
Iodocus Badius Ascensius

Présentation du paratexte

Il s’agit d’une courte épître dédicatoire à Hervé Bésin, jurisconsulte lyonnais pour introduire non seulement l’édition commentée des six comédies de Térence, mais surtout la longue introduction rédigée par Josse Bade, les Praenotamenta, véritable art poétique en miniature, que Bade qualifie ici d’ « éclaircissements au texte de Térence » (nostra in Terentium elucidamenta).

La première édition de 1502, publiée à Lyon chez François Fradin, est extrêmement rare et nous avons donc choisi de baser notre édition de ses nombreux paratextes sur la réédition de 1504.

Bibliographie :
  • Philippe Renouard, Bibliographie des impressions et des œuvres de Josse Badius Ascensius, Paris, E. Paul et fils et Guillemin, 1908, 3 vol.
  • M. Lebel, Les préfaces de Josse Bade (1462-1535) humaniste, éditeur-imprimeur et préfacier, Louvain, Peeters, 1988
  • Paul White, Jodocus Badius Ascensius. Commentary, Commerce and Print in the Renaissance, Oxford University Press, 2013
  • L. Katz, La presse et les lettres. Les épîtres paratextuelles et le projet éditorial de l’imprimeur Josse Bade (c. 1462-1535), thèse de doctorat soutenue à l’EPHE sous la direction de Perrine Galand, 2013
  • G. Torello-Hill et A.J. Turner, The Lyon Terence. Its Tradition and Legacy, Leiden/Boston, Brill, 2020, en part. p. 99-101
Traduction : Laure HERMAND

Iodocus Badius Ascensius Magistro Herveo Besino, iureconsulto, litteris eruditissimo amicorumque primario, salutem plurimam dicit.

Josse Bade à Maître Hervé Bésin1, jurisconsulte, lettré très savant et le meilleur de ses amis, un généreux salut !

Adhortaris, uirorum praestantissime, ut nostra in Terentium elucidamenta, que cum hisce diebus istic (Lugduni dico) agerem, dixi eo animo collecta, quo in uernaculam Gallorum linguam uersantur Simono Vincentio, amico communi et bibliopolarum diligentissimo, ipsius impendio curaque imprimenda concredam.

Tu m’incites, toi le plus remarquable des hommes, à confier à l’impression aux frais et aux soins de Simon Vincent nos éclaircissements sur Térence. 2 Alors que ces derniers jours ici (je veux dire à Lyon) je les élaborais, ils ont été rassemblés, comme je l’ai dit, avec le projet de les faire traduire en français par le même Simon Vincent, notre ami commun et le plus soigneux des libraires. 3

In qua re tametsi nihil mihi tua auctoritate maius, perspectaque sit amici nostri fides atque integritas, notusque et intus et in cute illius in scholasticos feruens, ut aiunt, zelus atque beniuolus animus, hesitaui tamen parumper, dubitans an illius sint aere atque accuratione digna.

Et même si en la matière rien n’est plus grand à mes yeux que ton autorité, que la loyauté et l’honnêteté de notre ami sont avérées, que son zèle plein de ferveur, comme on dit, et sa bienveillance à l’égard des étudiants sont connus, j’ai cependant hésité quelque peu, me demandant si nos éclaircissements étaient dignes de son argent et de son attention.

Sunt etenim sermone fere plebeio atque humili, eruditionis, ni fallor, bonae atque sententiarum utilium plus quam salis atque elegantiarum habentia ; quippe uulgo, ut diximus, illiterato destinata.

Ils sont en effet écrits dans un langage courant et simple et sont pourvus, si je ne m’abuse, d’un honnête savoir et de maximes utiles plus que d’esprit et de raffinement ; ainsi ils sont destinés, comme nous l’avons dit, à un large public non lettré.

Quocirca in hanc tandem concessimus sententiam, ut praenotamenta et primi prologi primaeque scaenae glossemata ueluti praegustamenta quedam de reliquis periculum factura ; illius fidei etiam integra atque immutata committam, cetera mihi recepturus dum haec largos attulerint manipulos.

C’est pourquoi nous avons fini par nous rendre à l’avis suivant : les notes préliminaires et les gloses du premier prologue et de la première scène, en quelque sorte des apéritifs annonçant le reste, constitueront un premier essai ; je les confierai entières et inchangées à sa bonne foi, gardant le reste pour moi jusqu’à ce qu’elles soient devenues de gros bataillons. 4

Recognoui tamen totum opus et quae singulis in quibus operae pretium uisum est scaenis annotatiunculas adieci.

J’ai toutefois revu l’ouvrage tout entier, et pour ce qui m’a semblé digne d’intérêt dans chaque scène, j’ai ajouté des petites annotations.

Quae omnia ad tuam refero prudentiam ut si digna censueris imprimantur quamprimum ; sin minus ad nostram redeant limam.

C’est tout ce travail que je confie à ta sagacité pour que, si tu l’en juges digne, il soit imprimé au plus vite ; sinon qu’il revienne sous notre lime.

Tantum uolui.

C’est tout ce que j’ai voulu.

Vale et Simonem nostrum itidem saluere et ualere iube.

Salut et salue également chaleureusement, je te prie, notre ami Simon.

Ex illustri Parrhisiorum gymnasio ad kalendas Ianuarias millesimoquingentesimoprimo (1501).

Du célèbre collège parisien, aux calendes de janvier 1501. 5


1. Nous n’avons pas d’autre information sur ce personnage d’Hervé Besin, jurisconsulte lyonnais, ami de Bade.
2. Simon Vincent est un libraire né entre 1470 et 1480. Il fut en activité à Lyon dès 1499, il implante un dépôt permanent (« cabal ») de livres à Toulouse, en 1506 au plus tard. Son testament est daté du 29 août 1532. Il décède peu après. Ses fils Antoine et François lui succèdent.
3. Ce projet de traduction en français des Praenotamenta n’a jamais vu le jour, ou bien le texte français a été perdu.
4. En fait, le dit commentaire ne semble jamais avoir été terminé par Josse Bade, car les éditions ultérieures n’en proposent pas davantage que celle de 1502.
5. Il s’agit du 1er janvier 1501. Il n’y a pas lieu de supposer ici une coquille ni de dater la lettre de 1502, date de l’édition chez Fradin.