Jodoci Badii Ascensii familiaria in Terentium prenotamenta.
Iodocus Badius Ascensius

Présentation du paratexte

Josse Bade ouvre son commentaire aux comédies de Térence par une longue introduction qu’il nomme lui-même Praenotamenta. Il s’agit de « notes préliminaires » plutôt que d’une « préface » à proprement parler.

Cette section est composée de 26 chapitres qui forment un traité de poétique en miniature auxquels il adjoint une série de remarques préliminaires sur le prologue et la première scène de l’Andrienne. L’humaniste y développe une ample réflexion sur la comédie. Partant d’une définition de la poésie, Bade aborde ensuite l’origine de la comédie, ses caractéristiques et mène une longue réflexion sur la scénographie antique. Les deux derniers chapitres traitent de la vie et des œuvres de Térence.

Nous avons choisi de séparer ce très long paratexte, troisième de l’édition badienne, en suivant la division par chapitres de l’auteur.

Bibliographie :
  • Philippe Renouard, Bibliographie des impressions et des œuvres de Josse Badius Ascensius, Paris, E. Paul et fils et Guillemin, 1908, 3 vol.
  • M. Lebel, Les préfaces de Josse Bade (1462-1535) humaniste, éditeur-imprimeur et préfacier, Louvain, Peeters, 1988
  • Paul White, Jodocus Badius Ascensius. Commentary, Commerce and Print in the Renaissance, Oxford University Press, 2013
  • L. Katz, La presse et les lettres. Les épîtres paratextuelles et le projet éditorial de l’imprimeur Josse Bade (c. 1462-1535), thèse de doctorat soutenue à l’EPHE sous la direction de Perrine Galand, 2013
  • G. Torello-Hill et A.J. Turner, The Lyon Terence. Its Tradition and Legacy, Leiden/Boston, Brill, 2020
Traduction : Laure HERMAND

Iodoci Badii Ascensii familiaria in Terentium praenotamenta

Simples notes préliminaires sur Térence, de Josse Bade

Quoniam diuinus ille Plato in principiis rerum cognoscendis diutius immorandum non ab re censuit (nam, ut post eum Aristoteles inquit, modicus error in principio maximus sit in fine) et ut iureconsultus de originibus iuris : « cuiuslibet rei potissima pars principium 1 » et ideoque idem Aristoteles : « qui (inquit) principia alicuius scientiae ignorat, certum est illum non habere scientiam » 2, has, inquam, ob res, priusquam ad comoediarum Terentii facilem explanationem accedam, constitui pluscula quae pro singulis comoediis sunt cognoscenda imperitae iuuentuti aperire, eaque in capita distinguere ut ea commode citare posthac possim.

Puisque le divin Platon a estimé qu’il n’était pas hors de propos de s’attarder un certain temps sur les prémisses du sujet à connaître (car comme le dit Aristote après lui, une petite erreur au début en devient une très grande à la fin), 3 qu’un jurisconsulte dit aussi sur les origines du droit : « pour n’importe quel sujet la partie essentielle est le début » et qu’Aristote par conséquent dit la même chose : « celui qui ignore les débuts d’une science, ne possède à coup sûr pas cette science », pour ces raisons, dis-je, avant d’en venir à l’explication accessible des comédies de Térence, j’ai décidé de publier des petites choses en plus de ce que la jeunesse inexpérimentée doit connaître pour chaque comédie et de les diviser en chapitres pour pouvoir ensuite m’y référer aisément.

Ceterum quod Cicero in primo De officiis inquit : « Omnis quae a ratione suscipitur de aliqua re institutio, a definitione debet proficisci, ut intelligatur quid sit id de quo disputetur ». 4

C’est du reste ce que dit Cicéron au livre I des Devoirs : « toute démarche qui dans un domaine est entreprise par la raison, doit partir de la définition pour qu’on puisse comprendre quel est l’objet de la discussion ».

Ideo a definitione comoediae inciperem si ab illiteratis facile capi posset.

C’est pourquoi je commencerais par la définition de la comédie si elle pouvait facilement être comprise par les ignorants/profanes.

Quod quidem fieri nequit, praenotabo primo quid sit poeta, deinde quotuplicia poetarum scripta, tunc quid comoedia et quid ab aliis differat, quomodo comoedia et alii ludi scaenici fuerint instituti, qui fuerint inuentores, quousque excreuerit, quotuplices sint comoediae, quae et quales sint comoediarum partes, denique quae sint comoediarum huius operis causae cum aliis commode occursuris.

Comme cela n’est toutefois pas possible, je ferai des remarques préliminaires, d’abord sur ce qu’est un poète, ensuite sur les types d’écrits poétiques, puis sur la comédie et sa différence avec les autres genres, comment la comédie et les autres jeux scéniques furent mis en place, qui en furent les inventeurs, jusqu’où elle s’est développée, quels sont les types de comédies, quelles sont les parties des comédies et leurs caractéristiques, enfin quelles raisons président à l’écriture des comédies de cet auteur, ainsi que d’autres choses qui se présenteront aisément.


1. Dig. 1.2.1. et certe cuiusque rei potissima pars principium est. Passage cité par Vincent de Beauvais ; cf. Vicentius Beluacensis, Speculum maius. Speculum doctrinale, VII, 45 (col. 587, l. 4) : Caius lib. 1. Cuiusque rei potissima pars principium est.
2. , Summa theologiae 1a2ae.112.5. On trouve cette idée non chez Aristote mais chez Thomas d’Aquin: Nullus autem posset scire se habere scientiam alicuius conclusionis, si principium ignoraret. « Or nul ne pourrait savoir qu’il a une connaissance scientifique de la conclusion s’il ignorait le début ».
3. Auctoritates Aristotelis, De celo et mundo, I, p. 161, n° 19-20 : Parvus error in principio, maximus erit in fine. Les Auctoritates Aristotelis est un florilège composé à la fin du XIIIe siècle probablement par Marsile de Padoue Voir J. Hamesse, Les Auctoritates Aristotelis. Un florilège médiéval. Etude historique et édition critique, Louvain, Publications Universitaires - Paris, Béatrice-Nauwelaerts, 1974.
4. Cic., Off. 1.7.. Omnis enim, quae a ratione suscipitur de aliqua re institutio, debet a definitione proficisci, ut intellegatur, quid sit id de quo disputetur.