De scenis et prosceniis. Capitulum IX.
Iodocus Badius Ascensius

Présentation du paratexte

Josse Bade ouvre son commentaire aux comédies de Térence par une longue introduction qu’il nomme lui-même Praenotamenta. Il s’agit de « notes préliminaires » plutôt que d’une « préface » à proprement parler.

Cette section est composée de 26 chapitres qui forment un traité de poétique en miniature auxquels il adjoint une série de remarques préliminaires sur le prologue et la première scène de l’Andrienne. L’humaniste y développe une ample réflexion sur la comédie. Partant d’une définition de la poésie, Bade aborde ensuite l’origine de la comédie, ses caractéristiques et mène une longue réflexion sur la scénographie antique. Les deux derniers chapitres traitent de la vie et des œuvres de Térence.

Bibliographie :
  • Philippe Renouard, Bibliographie des impressions et des œuvres de Josse Badius Ascensius, Paris, E. Paul et fils et Guillemin, 1908, 3 vol.
  • M. Lebel, Les préfaces de Josse Bade (1462-1535) humaniste, éditeur-imprimeur et préfacier, Louvain, Peeters, 1988
  • Paul White, Jodocus Badius Ascensius. Commentary, Commerce and Print in the Renaissance, Oxford University Press, 2013
  • L. Katz, La presse et les lettres. Les épîtres paratextuelles et le projet éditorial de l’imprimeur Josse Bade (c. 1462-1535), thèse de doctorat soutenue à l’EPHE sous la direction de Perrine Galand, 2013
  • G. Torello-Hill et A.J. Turner, The Lyon Terence. Its Tradition and Legacy, Leiden/Boston, Brill, 2020
Traduction : Sarah GAUCHER

De scaenis et prosceniis. Capitulum IX.

Chapitre 9. Sur les murs de scène et les scènes.

Intra igitur theatrum ab una parte opposita spectatoribus erant scaenae et proscaenia, id est loca lusoria ante scaenas facta.

À l’intérieur du théâtre se trouvaient donc, dans une partie opposée aux spectateurs, le mur de scène et la scène, c’est-à-dire un lieu de jeu se trouvant devant le mur de scène.

Scaenae autem erant quaedam umbracula seu absconsoria in quibus abscondebant lusores donec exire deberent ; ante autem scaenas erant quaedam tabulata in quibus personae quae exierant ludebant.

Quant aux murs de scène, c’étaient des abris ou des cachettes où les acteurs se cachaient jusqu’à ce qui leur faille sortir ; d’autre part, devant les murs de scène, il y avait des estrades où jouaient les personnages qui étaient sortis.

Scaenas autem quae triplices sunt : tragicae, comicae et satyrae.

Il y a trois sortes de scènes : tragiques, comiques et satyriques.

Vitruuius in libro quem de architectura composuit ita distinguit ut tragicas scaenas columnis et fastigiis et signis regalibus ornandas praecipiat, propterea quod regum gesta ante illas agebantur, comicas autem ad similitudinem domorum priuatarum ut ciuium et communium personarum conficiendas, satyricas uero priscas in quarum proscaeniis satyri ludebant speluncis et montibus arboribusque ornandas propterea quod satyri qui deinde prodibant dii siluestres sunt et in huius modi locis uersantur1.

Vitruve, dans le livre qu’il a composé sur l’architecture, les distingue en recommandant d’orner les murs de scène tragiques de colonnes, de corniches et de statues de rois, parce qu’on jouait devant elles les gestes des rois ; d’aménager les murs de scène comiques pour les faire ressembler à des demeures privées, comme celles des citoyens et des gens du commun ; d’orner les scènes satyriques anciennes, sur les avant-scènes desquels jouaient des satyres, de grottes, de montagnes et d’arbres, parce que les satyres qui y évoluaient sont des dieux sylvestres et parce qu’ils habitent dans des endroits de ce genre.

Vt uero Donatus auctor est, iuxta proscaenia altaria duo fiebant : alterum Liberi patris, alterum Phoebi, propterea quod ut dixi principium omnium dramaticorum ex Liberi sacrificiis ortum est.2

Comme le dit Donat, on érigeait près de la scène deux autels, le premier pour Liber Pater, le second pour Phébus, parce que, comme je l’ai dit, l’origine de toutes les œuvres dramatiques est née des sacrifices de Liber.

Phoebus autem poetarum omnium princeps et protector est.

Quant à Phébus, il est le prince et le protecteur de tous les poètes.

Et, ut idem Donatus auctor est, comoedia praecipue in honorem Apollinis Nomius, hoc est pastoris inuenta est3.

Et, comme le dit le même Donat, la comédie a été inventée en premier lieu en l’honneur d’Apollon Nomios, c’est-à-dire berger.

Nondum enim, inquit, coactis in urbem Atheniensibus cum Apollini Romio id est pastorum deo constructis aris in honorem diuine rei, circum attice regionis picos uillas et pagos et compita festiuum carmen solemniter cantarent, orta est comoedia. 4

« La comédie est né avant le rassemblement des Athéniens en une ville, alors que pour honorer Apollon Nomios, c’est-à-dire le dieu des bergers, après avoir monté des autels en l'honneur du dieu pour qui l'on sacrifiait partout à l'entour des bourgs, des fermes, des villages et des carrefours d'Attique, on chantait solennellement un hymne cérémoniel. »

Sed haec hactenus.

Mais c’est assez pour l’instant.


1. Vitr., De architectura 5.6.9.. Les textes de Bade et de Vitruve s'entremêlent ici.
2. Evanthius, De fabula 8 3., .
3. Evanthius, De fabula 1.2., .
4. Evanthius, De fabula 1.2., Le texte de Bade comporte cependant des différences avec le texte de Donat : uero nondum coactis in urbem Atheniensibus, cum Apollini Νομίῳ uel Ἀγυιαίῳ, id est pastorum uicorum ue praesidi deo, instructis aris in honorem diuinae rei circum Atticae uicos uillas pagos et compita festiuum carmen sollemniter cantaretur, ἀπὸ τῶν κωμῶν καὶ τῆς ᾠδῆς comoedia uocitata est