Des. Erasmus Roterodamus de metris
Desiderius Erasmus

Présentation du paratexte

Court traité de métrique d’Erasme (3 pages et demi in fol.)

Traduction : Christian NICOLAS

Des. Erasmus Roterodamus de metris1

Érasme de Rotterdam, Sur la métrique

Comici Latini multam libertatem sibi usurparunt in uersibus, sed nemo largius Terentio, adeo ut apud priscos quoque fuerint qui iudicarent in huius fabulis nullam esse carminum legem.

Les Comiques latins se sont octroyé une grande licence métrique mais aucun davantage que Térence, au point que même chez les Anciens on en trouve pour penser que ses pièces ne suivent aucune règle prosodique.

Sed hos falli manifestum est.

Mais ils se trompent de toute évidence.2

Rursus fuerunt qui non negarunt ab hoc seruari metrorum leges, sed ob immodicam libertatem non esse opere pretium, torqueri doctos carminum dimensione, quod et res sit immensi laboris, nec ita multum adferat frugis.

D’autres à rebours ont dit qu’il y a bien des règles métriques mais que leur trop grande licence les rend inopérantes et que les savants, vu la dimension de l’œuvre, se désespèrent de l’immensité de la tâche et de sa faible utilité.

At ego ab utroque genere dissentio.

Mais moi, je n’adhère à aucune des deux opinions.

Nam ut manifestius est, quam ut egeat probatione, Terentii comoedias uersibus constare, ita qui negligendam putarunt metrorum rationem, frequenter poetae sermonem corruperunt, dum aliam uocem pro alia subiiciunt, quod nimium saepe usu uenit scribis, in autoribus solutae dictionis, dum addunt atque adimunt, dum uerborum inuertunt ordinem.

Car de même qu’il est trop évident pour pouvoir être réfuté, que les comédies de Térence sont en vers, de même ceux qui ont pensé pouvoir négliger la scansion ont souvent corrompu la langue du poète, en mettant un mot pour un autre, ce qu’on voit faire aux copistes usuellement dans le cas d’auteurs en prose, ou en ajoutant ou en retranchant ou en changeant l’ordre des mots.

Nonnihil etiam hic peccarunt eruditi, qui dum carminum genera distinguunt ac dimetiuntur parum attenti, interiecerunt uerba quaedam ut explerent uersus hiatum aut resecuerunt quod uidebatur superesse.

Parfois même l’erreur vient de spécialistes qui, tout en faisant la part des différents mètres mais en scandant avec trop peu d’attention ont intercalé des mots pour compléter un hiatus dans un vers ou ont élagué ce qui leur paraissait superflu.

Videtur autem studio factum a Terentio ut dissimulato carmine quam proxime accederet ad orationem solutam, quod idem affectasse uidetur Horatius in Sermonibus3 et Epistolis.

Or il semble que Térence ait eu à cœur de dissimuler la métrique en s’approchant au plus près de la prose4, selon une affectation qu’on trouve aussi chez Horace dans les Satires et les Épîtres.

Hinc tanta in dimetiendo difficultas ut existimem ipsum Donatum, aut Cornutum, aut Asperum, si uiuerent, in locis aliquot uel haesuros uel inter se dissensuros.

C’est ce qui en rend la scansion si difficile que, à mon avis, Donat lui-même ou Cornutus5 ou Asper6, s’ils étaient vivants, hésiteraient ou ne seraient pas d’accord entre eux.

Proinde nos quatriduanam opellam sumpsimus ut adolescentulis aliquam huius difficultatis partem adimeremus, non quidem in omnes fabulas sed in unam perpetuo et in ceteris carptim, quo ceu filo adiuti sese facilius e ceteris explicent labyrinthis.

Aussi avons-nous passé quatre jours à ce petit travail pour éviter aux jeunes gens une partie de cette tâche difficile, non certes sur toutes les pièces mais sur une seule en intégralité et sur toutes par sondage ; avec l’aide de cette sorte de fil, ils pourront sans doute se sortir plus facilement de tous les autres labyrinthes.

Constant autem huius fabulae his ferme metrorum generibus.

Voici la typologie presque complète des mètres de cette pièce.

Iambico trimetro, qui et senarii dicuntur a numero pedum.

Le trimètre iambique, qu’on appelle aussi sénaire iambique à partir du nombre de pieds.

Iambico tetrametro, qui ab aliis quadrati, ab aliis octonarii dicuntur.

Le tétramètre iambique, qu’on appelle parfois carré ou encore octonaire iambique.

Monometrum ac dimetrum raro interiicitur.

Il n’y a pratiquement pas de monomètre ni de dimètre iambique.

In hoc genere quouis loco pro iambo ponit tribrachyn, spondeum, dactylum, anapaestum, modo totius carminis paenultima syllaba sit breuis.

Pour ces vers iambiques, à n’importe quelle place il peut remplacer l’iambe par un tribraque, un spondée, un dactyle, un anapeste, pourvu que l’avant-dernière syllabe du vers entier soit brève.

Siquidem in hoc uersu : Nullum est iam dictum quod non dictum sit prius, 7 omnes spondei sunt excepto ultimo, cuius generis et alios aliquot reperias.

Ainsi dans ce vers : Nullum est iam dictum quod non dictum sit prius, il n’y a que des spondées sauf le dernier pied ; et on en trouverait plusieurs autres de cette sorte.

Eandem libertatem sumit in trochaicis, tetrametris catalecticis, satis habens si totius carminis paenultima sit breuis.

Il s’accorde la même liberté dans les tétramètres trochaïques catalectiques, où il se contente pour tout le vers d’une pénultième brève.

Illud tamen ubique cauetur ne uel trocheus ingrediatur iambicum carmen uel iambus trochaicum.

Il y a cependant une précaution valable partout : que le trochée n’entre pas dans la versification iambique ni l’iambe dans la trochaïque.

Iambicum tetrametrum interdum in fine fraudatur una syllaba, producta paenultima, quoties iambico dimetro acatalectico accinitur dimeter catalecticus, uelut si Iam lucis orto sidere 8 , accinas Cultor dei memento 9 .

Le tétramètre iambique parfois triche au dernier pied sur une syllabe, avec une pénultième longue chaque fois qu’au lieu d’un dimètre iambique acatalectique on met un dimètre catalectique, comme si pour Iam lucis orto sidere on chantait Cultor dei memento10.

Quanquam in hoc quoque genere usurpatur, quum communis de qua dictum est Comicorum libertas, tum illa peculiaris, quod pro paenultima longa ponit interdum duas breues.

D’ailleurs là aussi on voit à l’œuvre cette licence poétique, commune aux Comiques et particulièrement développée chez lui, parce qu’à la place d’une pénultième longue il met parfois deux brèves11.

Exemplum est in actus quarti scena secunda : Iam ubi erit inuentum tibi curabo et mecum adductum. 12

Par exemple, à l’acte IV scène 2 : Iam ubi erit inuentum tibi curabo et mecum adductum.

Hic paenultima producta est.

Là la pénultième est longue.

Ibidem : Orare iussit, si se ames hera, iam ut ad sese uenias 13  ; item : Hanc expetiui, contigit, conueniunt mores ualeant. 14

Même endroit : Orare iussit, si se ames hera, iam ut ad sese uenias ou encore Hanc expetiui, contigit, conueniunt mores ualeant.

In his pro paenultima longa ponuntur duae breues.

Dans ces deux derniers, au lieu d’une pénultième longue on trouve deux brèves.

Hos uersus etiam scazontes appellant.

On appelle également ces vers scazons.15

Est scazontis genus diminutum, quod dimetro iambico accinit duos trocheos, uelut in actus tertii scena secunda : Adhuc Archyllis quae adsolent. 16 Hic dimeter est. Quaeque oportet 17 . Duo sunt trochei.

C’est un genre de scazon diminué qui à un dimètre iambique ajoute deux trochées, comme dans l’acte III sc. 2 : adhuc Archyllis quae adsolent (là, c’est un dimètre iambique) quaeque oportet (deux trochées).

Contra in aliis additur pes legitimo numero.

Au contraire, ailleurs il ajoute un pied au mètre régulier.

Interim prior carminis pars est trochaica, posterior iambica et contra.

De temps en temps le premier demi-vers est trochaïque et le second iambique, ou inversement.

Admiscentur interdum et cretici siue amphimacri, qui pes mediam habet breuem inter extremas longas, sic ut singuli uersus habeant quaternos aut ternos creticos, nisi quod hic quoque usurpatur libertas comica sicut in ceteris.

S’immiscent à l’occasion des crétiques (ou amphimacres), pieds qui ont une brève entre deux longues, en sorte que chaque vers a trois ou quatre crétiques, sauf que là aussi la licence comique joue comme partout ailleurs.

Exemplum est in quarti actus scena prima. Vt malis gaudeant, atque ex incommodis. 18 Quatuor cretici sunt nisi quod tertius est spondeus.

Exemple dans l’Acte IV sc. 1 : ut malis gaudeant atque ex incommodis : il y a quatre crétiques, sauf que le troisième est un spondée.19

Ibidem, Tum impudentissima eorum oratio est. 20 Tres habet creticos.

Même endroit : tum impudentissima eorum oratio est. Trois crétiques.21

Quamquam arbitror prius carmen uitiatum mutato dictionum ordine.

Pourtant je suis d’avis que le vers précédent a été faussé par un changement d’ordre des mots.

Etenim si sic legas : Et tamen res cogit denegare, ibi tum eorum impudentissima oratio est 22 , ut posterior uersus excipiat synaloepham prioris, carmen probe constat.

De fait, si on lit et tamen res cogit denegareibi tum eorum impudentissima oratio est, en sorte que le deuxième vers exonère de l’élision du premier, le vers tombe juste.

Quidam tamen malunt hic esse trimetros trochaicos catalecticos.

Mais certains préfèrent y voir des trimètres trochaïques catalectiques.

Iambici trimetri facilior est dimensio quum penthemimeris finit dictionem, uelut Effertur, imus. 23 Et : Sic cogitabam. 24

La scansion du trimètre iambique est plus facile quand la penthémimère arrive sur une fin de mot, comme dans effertur, imus et sic cogitabam.

Difficilior quum contra, ut : Honesta et liberali adcedo ad pedisequas 25 : in be caesura est ; idem efficiunt crebrae synaloephae ut ibi : quae ibi aderant, forte unam aspicio adulescentulam. 26

Elle est plus dure dans le cas contraire, comme dans honesta et liberali adcedo ad pedisequas : la pause tombe sur la syllabe be27. Même difficulté avec de nombreuses élisions comme ici : qu<ae> ib<i> aderant, fort<e> un<am> aspici<o> adulescentulam.

In tetrametris item iambicis ac trochaicis durior est dimensio si prior dimeter non finiat dictionem, praesertim si non sit iambus aut si accedat synaloephe, ut : Meum gnatum rumor est amare. 28 Id populus curat scilicet, 29 prior dimeter finitur in ma, syllabam productam et excipitur a synaloephe reid.

De même dans les octonaires iambiques ou trochaïques, la scansion est plus dure si le premier dimètre ne se termine pas sur un mot complet, surtout si ce n’est pas un iambe ou si intervient une élision, comme dans meum gnatum rumor est amare. Id populus curat scilicet : le premier dimètre30 finit sur ma, syllabe longue et il y a une élision sur r<e> id.

Rursus ibidem : Qui postquam audierat non datum iri etc. 31 , prior dimeter desinit in i admixta synaloephe.

Inversement, même endroit : qui postquam audierat non datum iri etc. le premier dimètre se finit sur le premier i, précédé d’une élision.

Turbat et illud lectorem minus exercitatum quod interdum repente miscet iambica cum trochaicis, trimetra interdum et dimetra aut monometra cum tetrametris, acatelectica cum catalectis, cretica cum iambicis ac trochaicis, quod locis aliquot annotauimus in margine.

Ce qui trouble le lecteur moins aguerri c’est que parfois, d’un coup, il mélange l’iambique et le trochaïque, parfois les trimètres et les dimètres ou monomètres avec les tétramètres, l’acatalecte avec le catalectique, le crétique avec l’iambe ou le trochée, ce que nous avons marqué en marge en plusieurs endroits.

Ea mixtura maxime fit ubi res sunt turbulentiores.

Ce mélange se fait surtout quand l’action est plus agitée.

Fit interdum ut scena prior desinat in hemistichium et ab huius clausula incipiat scena proxima, uelut in Andria actus III scena III : Sed eccum uideo ipsum foras exire 32  : dimeter est plenus, cum sesquipede ; perficitur initio scenae sequentis : ad te ibam, quidnam est ? 33 , ut sit scazon tetrameter catalecticus.

Il se produit parfois qu’une première scène finisse à la moitié d’un vers et que la scène suivante commence à partir de cette pause, comme dans And. III, 3 : sed eccum uideo ipsum foras exire : c’est un dimètre complet suivi d’un pied et demi ; le vers se termine avec le début de la scène suivante : ad te ibam, quidnam est ?, pour faire un scazon tétramètre catalectique.

Nonnumquam dictio quae pertinet ad sensum uersus sequentis, per elisionem annectitur fini praecedentis, ut in prologo Eunuchi : Qui bene uertendo et eas describendo male ex Graecis bonis 34 etc.

Parfois un mot qui appartient pour le sens au vers qui suit est annexé à la fin du vers précédent par élision, comme dans le prologue de L’Eunuque : qui bene uertendo et eas describendo male exGraecis bonis etc.

Durius est quum dissecta dictione prior syllaba finit uersum, reliquae incipiunt sequentem ut Eunuchi act. 3 scena 1 : Continuo si quando illa dicet, Phaedria,intro mittamus commessatum, tu Pamphilam. 35

C’est plus dur quand on coupe un mot, la première syllabe pour finir un vers, le reste pour commencer le suivant, comme dans L’Eunuque III, 1 : continuo si quando illa dicet ‘Phaedria,intro mittamus comessatum’, tu ‘Pamphilam’.36

Elisiones item et synaereses, praesertim minus usitatae apud recentiores, faciunt ut lector imperitus frequenter haereat in carmine.

Les élisions et synérèses, surtout les moins fréquentes chez les auteurs ultérieurs, font que le lecteur débutant hésite souvent dans le mètre.

Eliditur autem in comicis uersibus u consonans ut in prima scaena : Sine inuidia laudem inuenias et amicos pares 37  ; rusrsus ibidem : Liberius uiuendi fuit potestas nam antea 38  ; item in scaena tertia : Enimuero Daue nihil loci etc. 39  : carmen enim incipit ab anapaesto.

On élide dans les vers comiques u consonne, comme dans la première scène : sine inuidia laudem inuenias et amicos pares40 ; même endroit : liberius uiuendi fuit potestas nam antea ; de même scène 3 : enimuero Daue nihil loci etc. : le vers commence en effet par un anapeste.41

Et ante in scena prima : Enimuero spectatum satis. 42

Et avant, dans la scène 1 : enimuero spectatum satis.

Eliditur et s tum in fine, tum in media dictione.

On élide aussi le s, tant à la fin qu’au milieu.

In fine, ut in prima scena : Sed quid opus est uerbis. 43 Sed quid opust,elisa simul et uocali e.

À la fin, comme dans la scène 1 : sed quid opus est ? qui fait sed quid opust ?, avec élision simultanée de la voyelle e.

Idem fit in satis : Nec satis digna cui committas 44 etc.

Même chose avec satis : nec satis digna cui committas etc.

Rursus in prologo Andriae, fit in medio dictionis : Id isti uituperant 45 ; aliisque locis compluribus, quorum aliquot in margine annotauimus.

Inversement, dans le prologue de L’Andrienne, ça se fait au milieu du mot : id isti uituperant46 et dans nombre d’autres passages que j’ai annotés en marge.

Interdum elidunt L ut in prima scena Andriae : Pro uxore habere hanc peregrinam, ego illud sedulo 47 , ut grinam ego il faciant dactylum.

Parfois ils élident L comme dans la scène 1 de L’Andrienne : Pro uxore habere hanc peregrinam, ego illud sedulo, en faisant de grin(<am)> eg(<o)> il un dactyle48.

Hanc libertatem frequenter usurpat Homerus, dum s elidit in Ὀδυσεὺς et L in Ἀχιλεὺς.

Cette licence a souvent cours chez Homère, quand il élide s dans Ὀδυσεὺς et L dans Ἀχιλεὺς.

Saepenumero contrahuntur uocales, uelut in his : fuit, deos, dies, meus, suus, scias, nihil, mihi, ut sint monosyllaba.

Souvent on contracte deux voyelles, comme dans fuit, deus, dies, meus, suus, scias, nihil, mihi, monosyllabes.

Similiter ei, eius, huius, cuius, monosyllaba ponuntur subinde ; eorum, meorum dissyllaba : Liberius uiuendi fuit potestas 49 : difuit facit spondeum ; Scias posse habere iam ipsum 50 etc. : scias pos spondeus est et suae unica syllaba est ; Meum gnatum rumor est amare 51 : meum gnatum spondeus est.

De même ei, eius, huius, cuius sont mis comme monosyllabes souvent ; eorum, meorum dissyllabes : Liberius uiuendi fuit potestas : difuit fait spondée ; Scias posse habere iam ipsum etc. : scias pos est un spondée est et suae fait une seule syllabe ; Meum gnatum rumor est amare : meum gnatum est un spondée52.

Item antehac dissyllabum est : Nam quod antehac fecit. 53

De même antehac est dissyllabique : nam quod antehac fecit.

Frequenter eliditur d in quid et sed pro uocali et sicut in periculum elidimus u, idem hic facit in paululum et anulum.

Souvent on élide d dans quid et sed devant voyelle et comme on le fait dans peric<u>lum, on élide le u dans paul<u>lum et an<u>lum.

Quin et syllabae quaedam aliter pronuntiantur quam apud recentiores usurpatae sunt : uelut in suspictio, secunda producitur ; unde factum est ut quidam legant suspectionem.

Et même certaines syllabes se prononcent différemment que comme on le fait d’une manière différente de celle pratiquée chez les auteurs ultérieurs, comme suspicio avec syllabe pi longue, d’où chez certains une leçon suspectio.

Rursum in caue, uide, mane et abi finalis corripitur.

Inversement, on abrège la finale dans caue, uide, mane et abi.54

Minimo momento mutatur genus carminis, uelut in actus IIII scena I si legas : In denegando modo quis pudor est paululum 55 . Trimeter est iambicus. Rursus si In annectas fini uersus sequentis, uersus constabit quatuor creticis. Denegan/do modo/ quis pudor est/ paululum. Si in modo, facias pyrrhichium, erit trimeter trochaicus catalectus : Dene/gando/ modo quis/ pudor est/ paululum.

À peu de frais on change le type de vers, comme dans l’acte IV sc. 1 : si on lit In denegando modo quis pudor est paululum c’est un trimètre iambique. Au contraire si on annexe in à la fin du vers précédent56, le vers comptera quatre crétiques : Denegan/do modo/ quis pudor est/ paululum57. Si de modo on fait un pyrrhique, ce sera un trimètre trochaïque catalectique : Dene/gando/ modo quis/ pudor est/ paulu/lum.

Porro inter iambicos tetrametros acatalecticos et trochaicos tetrametros catalecticos tanta est affinitas ut interdum nihil referat eundem uersum utrum per iambos an per trocheos metiaris, uelut in actus III scena IIII : Vtinam mihi esset aliquid hic quo nunc me praecipitem darem 58 : si mihi facias unicam syllabam, trochaicus est, si duas, iambicus est, quale est et in actus V scena prima : Satis iam satis Simo spectata erga te amicitia est mea 59 .

Il y a entre tétramètres iambiques acatalectes et tétramètres trochaïques catalectiques une telle affinité que parfois c’est indifférent de scander le même vers en iambes ou en trochées, comme dans l’acte III, sc. 4 : Vtinam mihi esset aliquid hic quo nunc me praecipitem darem : si on fait mihi monosyllabique, ce sera trochaïque, si dissyllabique, ce sera iambique ; même cas de figure acte V, sc. 1 : Satis iam satis Simo spectata erga te amicitia est mea.

Item sequens, Satis pericli coepi adire, orandi iam finem face 60 , licet per iambos uel per trocheos metiri.

De même le suivant Satis pericli coepi adire, orandi iam finem face, qu’on peut scander en iambes ou en trochées.

Huius generis sunt et alii complures.

Il y a aussi beaucoup d’autres exemples de ce genre.

Illud mihi monendus est lector, ut meminerit a notato metro idem carminis genus durare, donec repererit annotatum diuersum.

Voilà ce que je devais préconiser au lecteur pour qu’il se souvienne qu’à partir du nom d’un vers noté en marge, c’est un même type de vers jusqu’à ce qu’ilon trouve une autre indication.


1. Sur ce paratexte, voir Maria Cytowska « De l’Épisode polonais aux comédies de Térence », dans J.-P. Massault (éd.), Colloque érasmien de Liège, 2019, p. 135-145.
2. Maria Cytowska, op. cit. note 22, signale que l'erreur était partagée par le jeune Érasme. Elle s'appuie sur une lettre écrite (peut-être) en 1489, où Érasme met sur le même plan Térence, Cicéron, Quintilien et Salluste. Voir la lettre 20 dans P. S. Allen, Opus epistolarum Desiderii Erasmi Roterodami denuo recognitum et auctum, 12 vol., Oxford, 1906-1958.
3. Hor., S. 1.4.45-50.
4. Térence se cantonne aux vers iambiques et trochaïques, sentis par les Anciens comme plus proches de la prose (Horace), alors que Plaute utilise une très grande variété de mètres (numeri innumeri)
5. Lucius Annaeus Cornutus, philosophe stoïcien du 1er siècle.
6. Augustin (T7 Aug., util. cred. 7.17) parle d’exégèse d’œuvres théâtrales, donc probablement des pièces de Térence, nommant Asper aux côtés de Donat et de Cornutus.
7. Ter., Eun. 41.
8. Incipit d’une hymne célèbre.
9. Prudence, Cath. 6.125. La strophe qui débute sur ce vers est ensuite devenue une hymne, dont elle est l’incipit.
10. L’octonaire iambique n’est pas catalectique et se termine donc par un iambe, comme le premier vers proposé (…) iam lucis orto sidere (SISI). Si l’on en supprime la dernière syllabe, on aboutit à un vers catalectique d’allure trochaïque, comme le second vers cité cultor dei memento (SII + longue isolée). Donc un anapeste ou un tribraque à la place du trochée réglementaire.
11. Donc un anapeste ou un tribraque à la place du trochée réglementaire.
12. Ter., Andr. 684.. Selon la tradition moderne : Iam ubi ubi erit, inuentum tibi curabo et mecum adductum.
13. Ter., Andr. 686.
14. Ter., Andr. 696.
15. « Scazon » signifie « boîteux », car il s’agit d’un vers trochaïque dont le dernier pied est un iambe.
16. Ter., Andr. 481.
17. Ter., Andr. 481.
18. Ter., Andr. 625.
19. Problème de scansion, deux crétiques, un molosse, un crétique. Il veut peut-être dire que dans le 3ème crétique, le trochée initial est remplacé par un spondée
20. Ter., Andr. 634.
21. En fait la scansion est identique à l’exemple précédent : crétique, crétique, spondée, crétique.
22. Ter., Andr. 631.. Le texte édité est différent : et timent denegare et tamen res premit. En outre les deux vers proposés ne se succèdent pas…
23. Ter., Andr. 117. variante : ecfertur intus.
24. Ter., Andr. 110.
25. Ter., Andr. 123.
26. Ter., Andr. 117.
27. Impossibilité d’une véritable césure
28. Ter., Andr. 184.
29. Ter., Andr. 185.
30. ici, Erasme appelle dimètre la moitié du tétramètre
31. Ter., Andr. 177.
32. Ter., Andr. 580.
33. Ter., Andr. 579.. Effectivement coupé d'un interscène.
34. Ter., Eun. 7-8.
35. Ter., Eun. 441-442.
36. En fait la situation décrite n’arrive jamais dans les éditions modernes. Le texte est arrangé autrement. En l’occurrence, on édite en général si quando illa dicet ‘Phaedriam // intro mittamus comissatum’, ‘Pamphilam/ etc.’ : la suppression de tu entre comissatum et Pamphilam règle le problème de la syllabe superflue et évite de recourir à ce contre-rejet de syllabe, invraisemblable. Toutefois Erasme est cohérent puisqu’il édite le texte de l’Eunuque avec cette particularité
37. Ter., Andr. 62.
38. Ter., Andr. 51.
39. Ter., Andr. 256.
40. Cette règle de l’élision du v est contournable. Sans doute Érasme est-il ici trop puriste et cherche-t-il à trouver un iambe pur à chaque pied pair. Pour cette raison, il scande sans doute sin<e> in<u>i (tribraque grâce à l’élision providentielle de la consonne)/ dia (iambe). Mais en acceptant que tous les pieds sont monnayables y compris les pieds pairs (ainsi qu’il l’a reconnu lui-même plus haut), on peut se contenter de sin<e> in- (iambe) uidia (anapeste). Inutile d’élider artificiellement le u consonne.
41. Donc pour Érasme, on scande enimue- anapeste, comme si c’était *enime-. Même remarque pour l’exemple suivant.
42. Ter., Andr. 91. scias posse habere iam ipsum suae uitae modum.
43. Ter., Andr. 164.
44. Ter., Andr. 229.
45. Ter., Andr. 15.
46. Scandé id i<s>ti anapeste, uitupe tribraque, rant début de spondée/dactyle avec penthémimère. La métrique moderne ne considère pas ce cas comme une élision, mais comme une exception à la règle de l’allongement de la voyelle suivie de deux consonnes.
47. Ter., Andr. 144.
48. Au lieu d'un crétique comme attendu.
49. Ter., Andr. 51.
50. Ter., Andr. 92.
51. Ter., Andr. 185.
52. Plus précisément, meum gna- est un spondée.
53. Ter., Andr. 186. iniqui patris est: nam quod antehac fecit, nihil ad me attinet.
54. Et dans beaucoup d'autres mots : c'est la règle dite de l'abrègement iambique. C'est un fait de langue archaïque.
55. Ter., Andr. 629. Le vers est édité plutôt sous la forme in negando modo quis pudor paulum adest.
56. Le texte dit sequentis mais le raisonnement impose praecedentis. Nous corrigeons dans la traduction.
57. On ne comprend pas comment quis pudor est (choriambe) peut faire crétique.
58. Ter., Andr. 605. sed eccum ipsum: utinam esset mi aliquid hic, quo nunc me praecipitem darem.
59. Ter., Andr. 820.
60. Ter., Andr. 821. satis pericli incepi adire: orandi iam finem face.