Présentation du paratexte
Cette édition n’est pas mentionnée par Lawton. L’éditeur scientifique en est Joachim Camerarius l’Ancien, humaniste originaire de Bamberg. Elle paraît en 1546 chez l’imprimeur de Leipzig Valentin Bapst l’Ancien. Camerarius avait déjà publié chez lui en 1545 cinq pièces de Plaute (Amphitruo, Asinaria, Curculio, Casina, Cistellaria).
Il s’agit d’une édition scolaire où le texte des six pièces de Térence est suivi de résumés des pièces et d’annotations dues à Camerarius. Ce dernier indique également quelques variantes textuelles qu’il a observées. L’édition ne propose pas de commentaire proprement dit.
Joachim Camerarius est né en 1500 à Bamberg dans une famille de conseillers et de chambellans. Dès ses études à Leipzig, Erfurt et Wittenberg, il noua des contacts avec des érudits qui devinrent plus tard des personnalités de premier plan de l'humanisme allemand. Grâce à l'intercession de son ami Philippe Melanchthon, Camerarius fut nommé professeur de rhétorique à Wittenberg en 1522. En 1526, il se rendit à Nuremberg et enseigna, avec son ami d’études Eoban Hesse, au nouveau gymnase. En 1535, il devint professeur d'études grecques à l'université de Tübingen et contribua de manière décisive à la réforme de la faculté des arts et des statuts de l'université. Par l'entremise de Melanchthon, il rejoint en 1541 l'université de Leipzig, où il est professeur de latin et d'études grecques et favorise la réorganisation de l'université. Au-delà de l’activité académique, Camerarius jouissait d'une grande estime en tant que conseiller en matière de politique scolaire et ecclésiastique et est aujourd'hui considéré comme « l’accoucheur d'un luthéranisme confessionnel saxon » (Rainer Kössling). Il mourut en 1574 à Leipzig après une longue maladie. (source : http://camerarius.uni-wuerzburg.de/camerarius/index.php/Anleitung)
Bibliographie :- BARON, Frank (éd.), Joachim Camerarius (1500-1574). Beiträge zur Geschichte des Humanismus im Zeitalter der Reformation, München, Fink, 1978
- KÖSSLING, Rainer et WARTENBERG, Günther, Joachim Camerarius, Tübingen, Gunter Narr, 2003
- HAMM, Joachim, « Joachim Camerarius d.Ä. », in W. Kühlmann et al. (éd.), Frühe Neuzeit in Deutschland 1520-1620. Literaturwissenschaftliches Verfasserlexikon. Bd. 1 (VL 16), Berlin, De Gruyter, 2011, p. 425-438
- LAWTON, Harold W., Térence en France au XVIe siècle. Editions et traductions, Paris, Jouve, 1926 (Genève, Slatkine repr., 1970-1972)
- STÄHLIN, Friedrich, « Camerarius, Joachim », in Neue Deutsche Biographie, 3, 1957, p. 104-105 (https://www.deutsche-biographie.de/pnd118518569.html#ndbcontent )
- Sur cette édition : http://camerarius.uni-wuerzburg.de/camerarius/index.php/Terenz,_Comoediae_sex,_1546
- Sur Valentin Bapst : https://saebi.isgv.de/biografie/Valentin_Bapst_(gest._1556)
- Voir Opera Camerarii : http://kallimachos.de/camerarius/index.php/Terenz,_Comoediae_sex,_1546
Ioachimus Camerarius Pabergensis generoso adolescenti domino Christophoro, domino ad Limperg, pincernae Sancti Imperii hereditario, semper libero, salutem dat.
Joachim Camerarius de Bamberg au noble jeune seigneur Christophe, seigneur de Limpurg, échanson héréditaire du Saint Empire, toujours libre, salut ! 1
Cum chalcographus noster homo et industrius et perquam diligens editurum se esse constituisset hoc tempore comoedias Terentianas, ad usum doctrinae puerilis et scholarum, petiit a nobis ut et hoc in opere, sicut antea saepe fecissem, quam rectissime elaborando, operae sibi nauare aliquid uellem.
Alors que notre imprimeur, homme zélé et très consciencieux, avait décidé à ce moment-là de publier les comédies de Térence, à destination des enfants et des écoles, il nous a demandé de bien vouloir lui donner un coup de main aussi sur cet ouvrage, comme je l’avais souvent fait auparavant, en le perfectionnant du mieux possible.
Ego etsi cum necessariis negotiis occupabar, tum curis multiplicibus distinebar, tamen studium illius in re utili et bona adiuuandum esse qualicumque auxilio nostro putaui.
De mon côté, même si j’étais occupé par des affaires urgentes (j’étais alors empêché par des soucis multiples), j’ai toutefois pensé que je devais soutenir cette étude sur un sujet utile et honnête en l’aidant d’une quelconque manière.
Cum autem in hoc plurimum esse situm animaduerterem, ut exempla quam emendatissima exprimerentur et quam minime corrupta emitterentur, uentura in manus teneras eorum quibus hi libelli ad primordia eruditionis litterarum proponerentur, quod codicum ueterum copia deficeremur, id quod proximum fuit, eorum qui de illis correxisse se huius autoris scripta assererent, labore et diligentia fuimus usi et curauimus annotari ea quae diuersi recte legi iudicassent.
Et comme je remarquais que cela dépendait surtout du fait que soient imprimés des exemplaires corrigés le mieux possible et qu’ils soient diffusés avec le moins d’erreurs possible, destinés qu’ils étaient à arriver dans les mains tendres de ceux à qui ces livres sont proposés pour commencer leur apprentissage de la littérature, parce que nous manquions d’une quantité importante de vieux manuscrits, ce qui est arrivé tout de suite après, nous avons utilisé le travail et le zèle de ceux qui affirmaient qu’à partir de ces manuscrits ils avaient corrigé les écrits de cet auteur, et nous avons pris soin de mettre dans des notes les choses que les différentes personnes avaient jugées comme lectures correctes.
Sunt autem editiones praecipuae hae : Vuittembergensis, Erasmica, Veneta et Gallica.
Voici les éditions principales : celle de Wittemberg 2, celle d’Erasme 3, celle de Venise et celle de France 4.
Vuittembergensis est simplex ac fidelis, Erasmica exquisitior, Veneta sane erudita, Gallica autem quasi Aristarchea nihil non iuris usurpauit in conuellendis, mutandis, transponendis prioribus.
L’édition de Wittemberg est simple et fidèle, celle d’Erasme est plus raffinée, celle de Venise très érudite et celle de France, à la manière d’Aristarque 5, a complètement abusé du droit de supprimer, modifier ou reprendre les leçons des éditions précédentes.
Atque Erasmica opera illa quidem, ut aliae huius uiri omnes doctrinae, opinionem facile tuetur, sed in properatione diligentiae expers non nusquam labascit, praesertim in numeris constituendis quasi ὁδοῦ παρέργως aliquid interdum comminiscens.
Et ce travail d’Erasme, comme tous les autres enseignements de cet homme, défend facilement une position, mais manquant d’exactitude quand il va vite, il chancelle en quelques endroits, surtout dans l’établissement de la métrique, comme s’il imaginait parfois quelque solution « en passant ». 6.
In Gallico autem exemplo permulta cum superuacaneam et obscuram diligentiam tum plane affectatam curiositatem complecti uidentur.
Et dans l’exemplaire français de nombreux éléments semblent témoigner à la fois d’un zèle superflu et obscur et d’une curiosité affectée.
Etsi horum etiam plurima indicata a nobis fuerunt neque enim omittenda prorsus, et seruandum in referendo modum esse putauimus.
Même si nous avons indiqué plusieurs d’entre eux et qu’il ne faut pas du tout les laisser de côté, nous avons pensé qu’il fallait aussi garder la mesure dans les reprises d’éditions antérieures.
Quod autem ad numeros attinet, cum nequaquam coniecturis in his restituendis nitendum esse statuerem et uiderem quaedam ita numerorum causa a quibusdam fuisse mutata ut de sinceritate illorum ualde dubitari posset, scripturam potius ueterem, notae lectionis, quam opinionem nouam dubiae mutationis relinquendam esse duximus.
En ce qui concerne la métrique, comme j’étais d’avis qu’il ne fallait en aucun cas s’appuyer sur des conjectures dans sa restitution et comme je voyais que certains passages avaient été modifiés par certains pour des raisons de métrique au point qu’on pouvait douter grandement de l’intégrité de ces passages, nous avons estimé qu’il valait mieux laisser un texte ancien proposant une leçon connue qu’adopter une position nouvelle entraînant une modification douteuse.
Quorum cum a nobis exquiri ueritas posse non uideretur, neque de generibus etiam uersuum cum aliquo rixandum et plane σκιαμαχητέον duximus.
Comme la vérité de ces passages ne semblait pas pouvoir être mise au jour par nous, nous avons considéré que même au sujet des genres de vers il ne fallait pas lutter avec qui que ce soit ni se battre contre des moulins à vents 7.
Reliquimus igitur illas priores indicationes etsi non probabantur hae ubique nobis, sed reliquimus ne forte malum malo mutaremus.
Nous avons donc laissé ces indications précédentes même si nous ne les approuvions pas toutes, mais nous les avons laissées pour ne pas transformer un mal en mal.
Atque in his enucleandis et de subtilitate ista qui fructus studiis puerilibus parari prosit, non uideo ; quibus cum haec editio potissimum destinaretur, cur angeremur cura ista, causam esse arbitrati non sumus, praesertim in nulla uel admodum tenui spe successus etiam mediocris.
Et quel fruit peut être apporté aux études primaires par cet examen approfondi et grâce à cette subtilité, je ne le vois pas ; donc puisque c’est aux élèves du primaire que cette édition est avant tout destinée, nous n’avons pas estimé qu’il y avait une raison de se tourmenter avec cette tâche, d’autant plus que l’espoir d’obtenir un succès même médiocre est nul ou très mince.
Nam in quas difficultates et in quos labyrinthos deferatur cogitatio uolentium disponere et collocare uersus comicos, in Plautinis satis superque experti fuimus.
Car dans quelles difficultés et dans quelles impasses se retrouve le projet de ceux qui veulent distinguer et établir les vers comiques, nous en avions assez et plus qu’assez fait l’expérience avec les pièces de Plaute 8.
Quibus tamen admouere manum ausi nunquam essemus, si non peruetustorum codicum adiumenta habuissemus.
Cependant nous n’aurions jamais eu l’audace d’y mettre la main si nous n’avions pas eu le secours de manuscrits très anciens.
Eruditi autem, ut multi fecere, in hac etiam sane parte periculum faciant ingenii et specimen edant industriae suae ; est enim studium hoc perliberale.
Que les savants, comme beaucoup l’ont fait, dans ce domaine assurément fassent l’épreuve de leur talent et produisent un échantillon de leur activité ; c’est en effet une étude très noble.
Quod eo minus dubitanter pronuntiauimus quia summum uirum Petrum Bembum in hoc etiam genere studium suum exercuisse scimus.
Et nous l’avons exposé avec d’autant moins d’hésitation qu’à notre connaissance, l’excellent Pietro Bembo s’est livré à des études aussi dans ce domaine 9.
Extant et cuiusdam Caesaris Scaligeri annotationes neutiquam aspernandae.
Il existe aussi des annotations d’un certain (Jules) César Scaliger qui ne sont nullement à rejeter 10.
Sed ueritatem in his an ulla doctrina assequi possit, adhuc quidem decernere nequeo.
Mais si on peut par un savoir atteindre la vérité dans ce domaine, je suis encore dans l’incapacité de le déterminer.
Ad quod ὀρθογραφίαν attinet, scripturas puerorum causa, ut simplices uoces in duplicatis agnoscerent, plerasque ita ut ante editae fuerant exarari passi fuimus, quales sunt hae : adsimules, quidquam, adfert et aliae huiusmodi quae omnia perperam scribi cum pronuntiatio harum litterarum sonos non admittat 11 et nos alibi ostendimus et Priscianus docuit.
En ce qui concerne l’orthographe, nous avons accepté que pour les enfants la plupart des mots soient écrits comme ils avaient été édités par le passé afin qu’ils reconnaissent les préfixes et les radicaux en cas d’assimilation, comme pour adsimules, quidquam, adfert 12 et tous les autres mots de ce genre qui sont tous mal orthographiés puisque ces lettres ne sont pas prononcées, comme nous l’avons montré ailleurs et comme Priscien l’a enseigné.
Explicationes autem cum Philippi Melanchthonis tum aliorum curauimus et ipsas ad comoedias Terentianas adiungi et emendatas alicubi illas et auctas studio nostro.
Et nous avons pris soin d’ajouter aussi aux comédies de Térence elles-mêmes les explications de Philippe Melanchthon et celles d’autres en les corrigeant en quelques endroits et en les augmentant de notre travail.
Addidimus et a nobis nominum propriorum interpretationes quae in his fabulis personis attribuuntur, necnon indicationes quasdam proprietatis ac conditionis illarum quae sunt ἤθη, itemque uarietatem lectionis et diuersitatem scripturae non uulgari diligentia et cura cum collectas tum expositas.
Nous avons aussi ajouté les traductions des noms propres qui sont attribués aux personnages dans les pièces, sans oublier certaines indications sur les particularités et la condition de ceux qu’on appelle les caractères, ainsi que les différentes leçons textuelles et les variantes orthographiques rassemblées et exposées avec un zèle et un soin peu ordinaires.
Contra detraximus non apte in quibusdam exemplis insertos prologos, praesertim nostros, quos olim acturis conscripsissemus, editos neglegentissime et mendosissime.
A l’inverse nous avons retiré des prologues insérés de manière inappropriée dans certains exemplaires, en particulier les nôtres que nous avions écrits jadis pour des futurs acteurs, publiés avec beaucoup de négligence et de très nombreuses erreurs.
Et cogitabamus tamen, si nihil obstaret, post annotata omnia, et hos congerere hisque partem istam quasi accumulare.
Et nous songions cependant, si rien ne s’y opposait, à les réunir après toutes les annotations et à les ajouter à celles-ci comme un ensemble autonome.
Atque haec omnia non in scripta autoris et inter uersus dispergi aut marginibus imprimi uoluimus, sed et omnibus puritatem libri gratissimam et explicationem continuam cum perspicuam tum elegantem magis uisum habitumque iri existimauimus.
Et nous avons voulu que tous ces éléments ne soient pas répartis dans les écrits de l’auteur et entre les vers ou imprimés dans les marges, mais nous avons pensé que tous verraient et auraient la pureté très agréable du livre avec une explication continue à la fois claire et élégante.
Hunc nostrum laborem tibi dicamus, Christophore, non indignum ingenii tui liberalitate et studio optimarum artium.
Ce nôtre travail, Christophe, nous te le dédions, digne qu’il est de la noblesse de ton esprit et de l’étude des arts les meilleurs.
Quem postquam primum uidi, semper dilexi et propter familiae decus ac nobilitatem quaeque cum patriae meae salutem tum meae genti dignitatem conciliasset, et quod esses cum generoso Domino Michaëlo comiti Vuerthamiensi cognatus, et propter tuam quoque ingenuitatem ac uirtutem.
Dès que je t’ai vu, je t’ai toujours chéri, en raison de l’honneur et de la noblesse de ta famille qui a procuré le salut à ma patrie et la dignité à ma famille, à la fois parce que tu es parent du noble Michaël, comte de Wertheim 13 et en raison de tes sentiments nobles et de tes vertus.
Tibi autem omnia prospera ac secunda precor teque hortor ut animum mihi notum erga pietatem et uirtutem ac eruditionem conseruare uelis.
Et à toi je souhaite pleinement prospérité et réussite et je t’exhorte à bien vouloir garder l’état d’esprit que je te connais envers la piété, la vertu et le savoir.
Cupioque, si possim, et ipse inseruire commodis tuis et adiuuare conatus.
Et je désire, si je le peux, à la fois servir tes intérêts et soutenir tes efforts.
Vbi esses, nesciebamus.
Nous ne savons pas où tu es 14.
Sed si apud auunculum adhuc manes, et illum reuerenter et Christophorum fidelissimum praeceptorem uestrum officiose a me salutabis.
Mais si tu restes encore chez ton oncle, tu le salueras respectueusement de ma part et tu salueras obligeamment Christophe, votre très fidèle professeur.
Vale. Lipsiae idibus Martii.
Adieu, à Leipzig, le 15 mars (1546).