Présentation du paratexte
Cette édition n’est pas mentionnée par Lawton. L’éditeur scientifique en est Joachim Camerarius l’Ancien, humaniste originaire de Bamberg. Elle paraît en 1546 chez l’imprimeur de Leipzig Valentin Bapst l’Ancien. Camerarius avait déjà publié chez lui en 1545 cinq pièces de Plaute (Amphitruo, Asinaria, Curculio, Casina, Cistellaria).
Il s’agit d’une édition scolaire où le texte des six pièces de Térence est suivi de résumés des pièces et d’annotations dues à Camerarius. Ce dernier indique également quelques variantes textuelles qu’il a observées. L’édition ne propose pas de commentaire proprement dit.
Pietro Crinito est le nom humaniste de Pietro Del Riccio Baldi, né à Florence en 1465 et mort dans la même ville en 1507. De 1475 à 1494 il fut l'élève d’Ange Politien à Florence et enseigna au Studio. Il est l’auteur de poèmes latins ainsi que de 25 livres intitulés Commentarii de honesta disciplina (1504), dans lesquels il débat des questions d'érudition. Il écrivit également une histoire des poètes latins de Livius Andornicus à Sidoine Apollinaire (De poetis latinis, 1505), la première du genre. Il a collaboré avec Alessandro Sarti à l’édition aldine des œuvres de Politien. Voir Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 38 (1990), en ligne : .
Bibliographie :- GALAND-HALLYN, Perrine, « Les Miscellanées de Pietro Crinito : une philologie de l’engagement et du lyrisme », dans Ouvrages miscellanées et théories de la connaissance à la Renaissance, dir. D. de Courcelle, Paris, Publications de l’École nationale des chartes, 2003 (généré le 10 juillet 2022). Disponible sur Internet : http://books.openedition.org/enc/1171. La note 1 de l’article propose une large bibliographie sur Crinito. HAMM, Joachim, « Joachim Camerarius d.Ä. », in W. Kühlmann et al. (éd.), Frühe Neuzeit in Deutschland 1520-1620. Literaturwissenschaftliches Verfasserlexikon. Bd. 1 (VL 16), Berlin, De Gruyter, 2011, p. 425-438
- LAWTON, Harold W., Térence en France au XVIe siècle. Editions et traductions, Paris, Jouve, 1926 (Genève, Slatkine repr., 1970-1972)
- STÄHLIN, Friedrich, « Camerarius, Joachim », in Neue Deutsche Biographie, 3, 1957, p. 104-105
- Voir Opera Camerarii : http://kallimachos.de/camerarius/index.php/Terenz,_Comoediae_sex,_1546
Publii Terentii uita ex libro primo Petri Criniti De poetis latinis
Vie de Publius Térence, tirée du livre Les poètes latins de Pietro Crinito 1
Terentius poeta comicus Carthaginiensis patria fuit ; Romam perductus traditur cum in tenera aetate foret.
Térence était un poète comique originaire de Carthage ; on rapporte qu’il fut amené à Rome dans son âge tendre 2.
Quibus potissimum bellis id accidit, parum compertum est, ut refert Aelius Donatus, ex Fenestellae commentariis.3
Au cours de quelles guerres cela se passa, est un élément fort peu clair comme le rapporte Aelius Donat à partir des notes de Fenestella.
Illud pro certo constat eum Romae diligentia Terentii Lucani patroni accurate institutum atque liberalibus disciplinis eruditum.
Ce qu’on tient pour certain, c’est qu’à Rome, grâce aux bons soins de Térentius Lucanus son maître, il reçut une éduction soignée et fut formé aux disciplines nobles.
Cumque facilitate ingenii et elegantia inprimis excelleret, breui consecutus est ut a Terentio patrono fuerit manumissus.
Et comme il se distinguait avant tout par l’aisance et le raffinement de son talent, il obtint rapidement d’être affranchi par son maître Térentius.
Per ea tempora in scaena floruit quibus praeclari atque egregii ciues Romae habiti sunt, M. Marcellus, P. Scipio, Q. Fabius Maximus.
Il brilla au théâtre à l’époque où l’on considérait à Rome comme citoyens illustres et remarquables Marcus Marcellus, Publius Scipion et Quintus Fabius Maximus.
Neque desunt autores qui scribant eundem Terentium maxima familiaritate uixisse cum P. Scipione et C. Laelio saepeque solitum apud nobiliores ciuitatis cenitare ; qua in re dum placere illis omni opera nititur eorumque commodis inseruire, ad summam inopiam traditur redactus.
Et on ne manque pas d’auteurs pour aller écrire que ce même Térence vécut dans la plus grande intimité avec Publius Scipion et Caius Lélius et qu’il avait souvent coutume de dîner chez les plus nobles de la cité ; c’est pourquoi alors qu’il s’efforçait à grand peine de leur plaire et de servir leurs intérêts, il fut réduit, dit-on, à une pauvreté extrême.
Statium praeterea Caecilium qui scribendis comoedis excelluit magna diligentia obseruauit eique suas fabulas more ueterum recitare consueuit.
En outre il suivit avec beaucoup de soin Statius Caecilius qui excella dans l’écriture de comédies et prit pour habitude de lui donner lecture de ses pièces à la manière des Anciens 4.
Comoedias sex composuit easque ab Apollodoro et Menandro poetis Graecis in sermonem Latinum conuertit tanta sermonis elegantia et proprietate ut eruditorum iudicio nihil perfectius aut absolutius in eo scribendi genere habitum sit apud Latinos.
Il composa six comédies en transposant en langue latine celles des poètes grecs Apollodore et Ménandre avec un raffinement et une justesse stylistiques si grands que de l’avis des savants on n’a jamais rien considéré de plus parfait ou de plus accompli dans ce genre littéraire.
Secutus est in his Q. Ennium, M. Plautum et Naeuium, ut ipse testatur, cum suis calumniatoribus respondet.
Il suivit en cela Ennius, Plaute et Naevius, comme lui-même en témoigne quand il répond à ses détracteurs.
Phormionem et Hecyram ab Apollodoro transtulit, reliquas quatuor a Menandro.
Il transposa d’Apollodore le Phormion et l’Hécyre et les quatre autres de Ménandre.
Aelius Donatus qui complura diligentissime de hoc poeta scribit cum alia multa in eo commendat, tum praecipuum dicit, quod in scribendis fabulis et arte usus sit et morem antiquum retinuerit et ita temperarit affectus ut neque ad tragicam magnitudinem intumescat neque abiciatur ad historiam, quod minime factum est, inquit, a Plauto, Afranio et ceteris comoediarum scriptoribus.5
Aelius Donat qui écrit avec le plus grand soin tant de choses sur ce poète, recommande chez lui de nombreux aspects et dit en particulier que dans l’écriture de ses pièces il a montré beaucoup d’art, a conservé les caractères anciens et a tant tempéré les émotions qu’il ne s’enfle pas de la grandeur tragique ni ne s’abaisse jusqu’à l’histoire, ce que n’ont pas du tout fait Plaute, Afranius et les autres auteurs de comédies.
M. Cicero in epistola ad T. Atticum refert P. Terentium esse optimum autorem latinitatis eiusque fabulas multos existimasse propter elegantiam sermonis a C. Laelio scriptas6.
Cicéron dans une lettre à Atticus rapporte que Térence était le meilleur auteur de la latinité et que beaucoup ont pensé que ses pièces de théâtre avaient été écrites par Laelius en raison du raffinement de leur style.
Quam opinionem idem Terentius maxime uidetur confirmasse quo magis calumniatores suos in odium traheret.7
Cette opinion semble tout à fait avoir été confirmée par le même Térence d’autant plus qu’il s’attirait la haine farouche de ses détracteurs.
Sic enim refert in Adelphis fabula sub persona Prologi :
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Ainsi dans les Adelphes
il fait dire au personnage du Prologue :
Horatius Flaccus, ueterum poetarum optimus censor, in Caecilio grauitatem, in Terentio artem10 constituit, qua inter ceteros comicos mirifice excelluit.
Horace, le meilleur juge des poètes anciens, attribue à Caecilius la force et à Térence l’art, qualité qui parmi les poètes comiques l’a fait exceller de manière extraordinaire.
Quod Quintilianus uidetur sentire, in libris ad Marcellum Victorium.
Tel semble être l’avis de Quintilien dans ses livres dédiés à Marcellus Victorius 11.
Sed idem tamen, inquit, maiorem gratiam habuisset si intra trimetros constitisset.12
Cependant le même auteur, dit-il, aurait atteint une grâce plus grande s’il s’en était tenu aux trimètres.
Ausonius quoque Virgilium Homero, Terentium Menandro adiungit eique elegantiam Latini sermonis praecipue tribuit.
Ausone lui aussi ajoute Virgile à Homère et Térence à Ménandre ; il reconnaît surtout chez lui l’élégance de la langue latine.
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Traditum est illum post editas aliquot Romae fabulis in Graeciam nauigasse quo facilius disciplinas Graecorum atque instituta perciperet plurimasque fabulas a poeta Menandro in Latinum conuertisse, quae facto naufragio perierunt.
On a rapporté que Térence, après la publication à Rome de certaines de ses pièces avait navigué vers la Grèce pour mieux s’imprégner des savoirs et des habitudes des Grecs et qu’il avait transposé en latin plusieurs pièces du poète Ménandre qui avaient péri quand il avait fait naufrage.
De obitu illius uaria scribunt autores.
Sur sa mort les auteurs ont des versions différentes.
In Arcadia obiisse cum alii plures testantur, tum poeta Ausonius ob nimium dolorem amissarum fabularum quas ipse naui praemiserat.
Là où beaucoup attestent qu’il est mort en Arcadie, le poète Ausone pense que c’est à cause de la douleur trop forte causée par la perte de ses pièces qu’il avait expédiées par mer avant de voyager lui-même.
De forma illius atque effigie referuntur complura ab Aelio Donato14 qui eiusdem comoedias magna eruditione interpretatus est.
Sur sa beauté et son apparence physique Aelius Donat rapporte beaucoup de choses, lui qui a commenté ses comédies avec une grande science.
Argumenta illa quae Terentianis fabulis praeponuntur, a Sulpicio Apollinari illustri grammatico composita sunt.
Les arguments qui sont placés en tête des pièces de Térence ont été composés par le célèbre grammairien Sulpice Apollinaire 15.
Quod cum aliis multis argumentis, tum maxime antiquitate codicum probari potest in quibus nomen Sulpicii legitur.
Cela peut être confirmé tant par les nombreux autres arguments que surtout par l’ancienneté des manuscrits dans lesquels on lit le nom de Sulpice.