Mathiae Garbitii Illyrici in Aeschyli Prometheum Scholia Praefatio.
Mathias Garbitius

Présentation du paratexte

La préface de Mathias Garbitius est tout entière dédiée à des considérations sur le genre tragique : sont notamment évoqués la naissance du genre, ses différentes subdivisions et parties, le rôle du chœur. Les sources de Garbitius sont habituelles (Aristote, Horace, Evanthius, Quintilien et Erasme, Plutarque), mais le texte se signale par la synthèse originale qu’il propose de ces sources.

Traduction : Sarah GAUCHER

Mathiae Garbitii placeName in Aeschyli Prometheum Scholia Praefatio.

Matthias Garbitius1 d’Istrie, Scolies au Prométhée d’Eschyle, Préface

Quae de auctore hoc, quem interpretandum suscepimus, dici poterant, ex Graecis praesertim scriptoribus, sunt fere praefixa hisce eius quae adhuc restant, fabulis, ut non uideatur quid amplius adiiciendum ad ea.

Ce qu’on pouvait dire de l’auteur que nous avons entrepris de traduire, issu principalement de sources grecques, a été annexé aux pièces qui subsistent de lui, au point qu’on ne voit pas quoi y ajouter.

De scripti genere quod est amplexus, et simul de laudabili opera ipsius in id nauata, fortasse non inutile fuerit, pauca quaedam planius, pro iuniorum intelligentia, ex auctoribus tam Latinis quam Graecis prius addere, quam ad argumentum fabulae primae accedamus.

Sur le genre littéraire qu’il a pratiqué et, par là, sur le zèle admirable qu’il y a déployé, il ne sera peut-être pas inutile d’ajouter, à l’intention des plus jeunes, quelques éléments d’éclaircissement issus des auteurs latins et grecs avant d’en arriver à l’argument de la première pièce.

Scripsit tragoedias hic poeta : quae poesis quam sit grauis, apparet nonnihil ex hoc Ouidii uersu de ea : Omne genus scripti grauitate tragoedia uincit. 2 et ex hoc Horatii : Effutire leues indigna tragoedia uersus. 3 tum ex hoc eiusdem : Versibus exponi tragicis res Comica non uult. 4

Notre poète a écrit des tragédies ; la gravité de ce genre poétique transparaît dans ce vers ovidien qui l’évoque : « Tout genre littéraire est vaincu en gravité par la tragédie » et par celui-ci, d’Horace : « La tragédie, qui ne daigne pas débiter des vers légers » ou encore celui-ci, du même : « La comédie refuse de se montrer sous des vers tragiques ».

Idem aliquando etiam magis patet ex prouerbiis in usum Graeci et Latini sermonis ab ea desumptis, ut sunt, Tragice loqui5, tragicum spirare6, tragicum tueri7, tragica calamitas8, tragoedias mouere9, cothurnus10, et similia.

La chose s’observe même parfois davantage de proverbes11 en usage en grec et en latin autour de la tragédie, comme « parler en tragique, avoir le souffle tragique, jeter un œil tragique, malheur tragique, se la jouer tragique, le cothurne », etc.

Longe uero maxime eius grauitatem perspexerit quis, si eas tantum fabulas aliquando diligentius pellegerit, quae paucissimae huius poetae, Sophoclis et Euripidis, ad nos peruenerunt.

On percevra très pertinemment cette gravité en se contentant parfois de lire attentivement les pièces fort peu nombreuses qui nous sont parvenues de notre poète, de Sophocle et d’Euripide.

Cicero profecto Euripidem, utcunque non ita parem reliquis duobus, tanti fecit, ut said 12 .

Cicéron assurément appréciait tant Euripide (qui n’est de toute façon pas comparable aux deux autres) qu’il estimait que chacun de ses vers pouvait servir de témoignage.

Sed et breuis declaratio definitionis huius poeseos, quae ab Aristotele traditur, et mox hic subicienda uidetur, multum patefaciet eius non solum grauitatem, sed et amplitudinem et utilitatem, quo ad res humanas, et earum pleniorem cognitionem.

Mais aussi un bref éclairage de définition de ce genre, transmis par Aristote et qui semble nécessaire à ajouter ici, illustrera fort bien non seulement sa gravité mais aussi sa hauteur de vue et son utilité pour ce qui concerne l’humanité et la connaissance pleine et entière qu’on en peut avoir.

Nec fortasse haec nobis proposita fabula, uel sola post traditam quandam sui explicationem, non suppeditabit satis multa ad hoc.

Et peut-être que la pièce que nous nous proposons, même seule, après le commentaire que nous en aurons livré, suffira à le montrer.

Ex monumentis quidem doctissimorum uirorum hoc certum est, tragoediam tum in pretio in primis magno fuisse in Graecia, cum ea coepisset maxime florere fama uirtutis, sapientiae et potentiae : quando etiam in solennibus conuentibus festorum usurpabatur pro publica disciplina uulgi, ad pietatem et humanitatem.

Les témoignages des plus grands savants démontrent que la tragédie a d’abord été en grande faveur en Grèce à l’époque où commençait à fleurir sa réputation de vertu, de sagesse et de puissance, puisque même dans les réunions publiques religieuses on l’utilisait comme un enseignement public pour inciter le public à la piété et l’humanité.

Et qui in ea elaborabant uiri, habebantur ante alios sapientes, erantque non tantum perquam docti, sed et admodum graues, intelligentes, et rerum humanarum periti, atque in negotiis publicis exercitati : sicut noster hic Poeta, qui, ex sententia Ciceronis, fuit non solum poeta, sed etiam Pythagoreus 13 , et praefuit multis magnis et grauibus negotiis, et domi in pace, et foris in bello.

Et les hommes qui y œuvraient étaient comptés avant les autres comme des sages et ils n’étaient pas seulement tout à fait savants mais aussi vraiment sévères, intelligents et spécialistes des hommes et impliqués dans les affaires publiques, comme notre poète qui, aux dires de Cicéron, fut non seulement poète mais aussi pythagoricien et géra des affaires importantes et sérieuses, internes en temps de paix et externes en temps de guerre.

Sophocles etiam in administratione grauissima reipublicae Atheniensium, collega fuit Periclis illius prudentissimi, cuius consiliis et auctoritate uniuersus populus Atheniensis diu tanquam nutu quodam diuino regebatur.

Sophocle aussi, dans les hautes sphères de l’état, fut collègue de ce grand génie de Périclès, grâce aux décisions et à l’autorité duquel le peuple d’Athènes dans son ensemble était dirigé pour longtemps comme par la volonté divine.

Euripides uero fuit acceptus non solum domi patriae, sed et foris multis praestantibus uiris, et praecipue Archelao regi Macedonum, in cuius aula diu est uersatus : sicut noster etiam aliquandiu apud Hieronem Siciliae regem magno in honore uixit.

Quant à Euripide, il avait bonne presse non seulement dans sa patrie mais aussi à l’extérieur auprès de nombre d’hommes éminents et surtout auprès d’Archélaos roi de Macédoine, dans la cour duquel il passa du temps, comme notre poète aussi vécut quelque temps dans les honneurs auprès de Hiéron, roi de Sicile.

Ante nostrum Poetam in tragoedia, praeter Thespidem et Phrynichum, nulli alii leguntur celebres fuisse.

Avant notre poète, en tragédie, hormis Thespis et Phrynichos, on ne lit le nom d’aucun homme célèbre.

Hi tamen pauca de hac arte inuenerunt : noster longe plura in eam inuexit.

Et encore, ces derniers ont peu inventé dans cette technique : c’est Eschyle qui y apporta, et de loin, le plus d’innovations.

Post secuti sunt Sophocles et Euripides qui inter alia, Poetae etiam nostri et auctoritate publica pleraque argumenta retractauerunt ad aptiorem quandam pro temporibus illis expolitionem, et arti finem imposuerunt. Vnde est hoc Horatii :

Puis vinrent Sophocle et Euripide qui, entre autres, à l'instigation du public, reprirent plusieurs sujets à notre poète pour leur donner un fini plus conforme à leur époque et imposèrent à son art des critères. D’où ce passage d’Horace :

Ignotum tragicae genus inuenisse Camoenae Dicitur, et plaustris uexisse poemata Thespis, Quae canerent agerentque peruncti faecibus ora. Post hunc personae pallaeque repertor honestae Aeschylus, et mediis instrauit pulpita tignis, Et docuit magnumque loqui, nitique cothurno. 14

« Thespis, dit-on, inventa le genre inconnu de la Camène tragique et transporta sur des chariots des poèmes à faire chanter et jouer par des hommes aux visages grimés. Après lui Eschyle inventa le personnage et le manteau noble et monta des tréteaux et enseigna à parler haut et à se hausser sur le cothurne ».

Quo dicuntur et haec a Quintiliano, libro decimo : Tragoediam primum in lucem Aeschylus protulit, sublimis, grauis, et grandiloquus fere usque ad uitium : sed rudis, insolensque et incompositus, propter quod correctas eius fabulas in certamen deferre posterioribus poetis Athenienses permisere. 15

On a aussi ce passage de Quintilien au livre 10 : « La tragédie a d’abord été illustrée par Eschyle, sublime, grave, grandiloquent, presque trop ; mais rude, inusuel, sans composition, à cause de quoi les Athéniens ont autorisé les poètes postérieurs à proposer au concours ses pièces corrigées ».

In quibus uerbis non detrahit quidem suas laudes poetae nostro Quintilianus, sed subiungit etiam quae improbet in ipso.

Par ces mots, Quintilien ne diminue pas l’éloge de notre poète mais donne les reproches sous-jacents qu’il lui fait.

Sed Cicero dicit, non tam esse flagitandum quid desit antiquitati, quam laudandum quod assit.16

Mais Cicéron dit qu’il ne faut pas tant blâmer ce que l’antiquité n’a pas que louer ce qu’elle a.

Nec dubium est, quin, sicut etiam Aristoteles dicit, τὰ δὲ πλεῖστα τῶν ἀρχαίων ἧττον διήρθρωται τῶν νεωτέρων 17 , Pleraque antiquorum minus sunt articulate tradita, quam posteriorum 18 .

Et sans aucun doute, comme le dit Aristote, τὰ δὲ πλεῖστα τῶν ἀρχαίων ἧττον διήρθρωται τῶν νεωτέρων, « le gros de la tradition antique est moins articulé que celle des modernes ».

Sed idem alibi dicit, multum situm esse in prima ὑποτυπώσει quam si bene sit tradita, quilibet deinde queat προαγωγεῖν καὶ διαρθρῶσαι, et tempus ipsum promouere.19

Mais le même dit ailleurs que beaucoup dépend de la première ébauche qui, bien transmise, permet ensuite à tout un chacun de poursuivre et d’articuler et que le temps est un auxiliaire.

Inde enim extitisse ἐπιδόσεις omnium artium, quia sit παντὸς προσθεῖναι τὸ ἐλλεῖπον.

Car c’est de là que naissent les progrès dans tous les arts, parce qu’il incombe à chacun de combler les manques.

Et fortasse pleraque ita simplicius non solum pro initio huius scripti, sed et pro temporibus illis tradenda erant : nec ipsius grandiloquentia non est propria, significans et apta negotiis et personis, atque prisca illa βραχυλογίᾳ grauiter temperata.

Et peut-être fallait-il transmettre le gros de cette œuvre tout simplement, non seulement en tenant compte de cette période inaugurale du genre mais aussi des goûts du temps ; et sa grandiloquence est assurément spécifique, significative et appropriée aux actions et aux personnages et noblement tempérée par cette antique brachylogie.

Sed ut haec omnia missa faciamus, illud certe est ualde magnum, quia ipse argumenta plurimarum fabularum produxit, et illa petita ex Homero, tanquam ex Oceano omnis sapientiae, aut certe tanquam ex apparatu quodam amplissimo et splendidissimo : sicut ipse solebat uocare suas fabulas τεμάχη τῶν Ὁμήρου μεγάλων δείπνων, frustula et arcimina magnarum Homeri coenarum20.

Mais pour en finir avec ça, la vraie raison de sa grandeur c’est qu’il a lui-même, dans plusieurs de ses pièces, créé des arguments puisés chez Homère comme à l’océan de toute sagesse ou du moins au faste le plus grand et le plus éclatant ; ainsi lui-même avait-il coutume d’appeler ses pièces τεμάχη τῶν Ὁμήρου μεγάλων δείπνων, « une miette des grands festins d’Homère ».

Quam uero sit magnum et arduum argumenta fabularum primo excogitare et producere, docet Horatius in Arte poetica, ubi dicit : Aut famam sequere, aut sibi conuenientia finge, Scriptor : honoratum si forte reponis Achillem, Impiger, iracundus, inexorabilis, acer, Iura neget sibi nata, nihil non arroget armis. Sit Medea ferox, inuictaque : flebilis Ino, Perfidus Ixion, Io uaga, tristis Orestes. Si quid inexpertum scenae committis, et audes Personam formare nouam, seruetur ad imum Qualis ab incoepto processerit, et sibi constet. Difficile est proprie communia dicere, tuque Rectius Iliacum carmen deducis in actus, Quod si proferres ignota indictaque primis. 21

Quelle tâche importante et ardue c’est d’imaginer en premier et de mettre en scène des arguments de pièces, Horace le montre dans L’Art poétique, là où il écrit : « Suis la tradition ou alors, écrivain, invente des événements cohérents ; si tu représentes Achille couvert de gloire, qu’il soit actif, colérique, inexorable, violent, qu’il affirme que les lois ne sont pas pour lui, qu’il prenne tout par les armes ; que Médée soit féroce, invincible, Ino larmoyante, Ixion perfide, Io errante, Oreste sinistre. Si tu mets sur la scène un sujet inédit et si tu oses créer un nouveau personnage, qu’il soit jusqu’au bout tel qu’il s’est montré au début et reste cohérent. Il est difficile d’individualiser des passions communes et tu as raison, toi, de mettre en acte un chant de L’Iliade plutôt que de proposer des sujets inconnus de tes devanciers et inédits ».

Talium autem fabularum dignitas et uis non aliunde iam quidem potest aliquanto plenius declarari, quam ex ipsius tragoediae tum definitione, tum diuisione, et utriusque explicatione quadam rudiore : et hae ut sunt ab Aristotele accuratissime traditae, potissimum uidentur assumendae : illae autem aliorum definitiones, quae sunt ex partibus petitae, commodius aut in partium declarationem inserentur aut postea subiicientur.

La dignité et la force de telles pièces ne peut se révéler plus pleinement que dans la définition même de la tragédie, dans son plan et dans une explication un peu rude de l’une et l’autre ; et comme ces choses ont été excellement transmises par Aristote, on a intérêt à les prendre de là ; quant aux définitions d’autres auteurs, qui partent des parties de la tragédie, elles s’inséreront plus commodément dans la typologie des parties ou seront traitées plus bas.

Aristoteles ita eam definit : τραγῳδία ἐστὶ μίμησις πράξεως σπουδαίας καὶ τελείας μέγεθος ἐχούσης ἡδυσμένῳ λόγῳ, χωρὶς ἑκάστου τῶν εἰδῶν ἐν τοῖς μορίοις δρώντων, καὶ οὐ δι’ ἐπαγγελίας, ἀλλὰ διὰ φόβου καὶ ἐλέου περαίνουσα τὴν τῶν τοιούτων παθημάτων καθαίρεσιν. 22  : Tragoedia est mutatio negotii serii et integri, magnitudine eminentis, oratione suauiter condita, cuius singulae formae separatim in partibus negotii sua abeant munia : et quae non per enuntiationem, sed per terrorem et commiserationem talia mala perducit ad exitum suum. 23

Voici comment Aristote la définit : τραγῳδία ἐστὶ μίμησις πράξεως σπουδαίας καὶ τελείας μέγεθος ἐχούσης ἡδυσμένῳ λόγῳ, χωρὶς ἑκάστου τῶν εἰδῶν ἐν τοῖς μορίοις δρώντων, καὶ οὐ δι’ ἐπαγγελίας, ἀλλὰ διὰ φόβου καὶ ἐλέου περαίνουσα τὴν τῶν τοιούτων παθημάτων καθαίρεσιν, « la tragédie est le changement d’une action sérieuse entière, qui vaut par sa grandeur, au discours plaisamment composé, dont les formes spécifiques, prises séparément dans les parties de l’action, ont leurs propres fonctions et qui mène jusqu’à sa fin à de si grands malheurs non par l’énoncé mais par la crainte et la pitié ».

Haec definitio est exacta, quae rem totam complectitur : sed non est ita facilis quibusuis intellectu, sine explicatione crassiore.

Cette définition est exacte, qui rend compte de la chose tout entière ; mais elle n’est pas si facile à comprendre pour tout un chacun sans une explication un peu copieuse.

Quae proinde non est omittenda, sed ordine perstringenda, initio sumpto ab etymologia uocis.

Il ne faut donc pas la négliger mais effleurons-la dans l’ordre, en commençant par l’étymologie.

Volunt alii tragoediam dictam παρὰ τὴν τρῦγα καῖ ὠδὴν, ab eo quia primo eam canerent inuncti fecibus ora24, sicut Horatius dicit.

Selon certains, tragoedia vient de τρὺξ (lie) et de ὠδὴ (chant), du fait que ceux qui la chantaient au tout début avaient le visage couvert de lie, comme le dit Horace.

Alii uolunt dictam ἀπὸ τοῦ τράγου, ab hirco, quia primo hircus esset praemium, pro quo ipsa caneretur, ut idem Horatius dicit : Carmine qui tragico uilem certauit ob hircum 25 .

D’autres tirent le mot de τράγος, « bouc », au motif qu’au début la récompense pour laquelle on la chantait était un bouc, comme le dit Horace encore : « celui qui rivalisa sur le poème tragique pour un vulgaire bouc ».

Vtraque deductio est apta, quo ad rei originem : sed haec altera ad formam uocis propius accedit.26

Les deux dérivations conviennent pour ce qui est de l’origine du rite ; mais la seconde est plus proche phonétiquement.

Et est uerisimilius a praemio, ut principaliori, eam et initium et appellationem sumpsisse, ut rem primo ludicram, et pro agrestioribus excogitatam.

Et il est plus vraisemblable que c’est la récompense (en tant que c’est le point principal) qui lui a donné son origine et son nom, elle qui était d’abord une activité ludique et pensée pour des paysans.

Μίμησις in genere dicitur, uoce communi cum omni alia poesi, quae a natura humana ad imitandum aptissima et propensissima originem ducens antiquissimam, in hoc praecipue incumbebat, ut res, mores et uitam hominum ita exprimeret, ut quasi pictura quaedam oculis proponi uideretur.

On l’appelle dans son genre mimesis, mot partagé avec toute la poésie, qui, tirant son origine de la nature humaine la plus apte et encline à l’imitation, s’efforçait surtout d’exprimer la situation, les moeurs et la vie des hommes en semblant la proposer aux yeux comme une peinture.

Vnde a sapientibus uocabatur ζωγραφία φθεγγομένη, pictura loquens siue diserta, et pictura uiua : ipsa autem ζωγραφία uocabatur ποίησις σιγῶσα, poesis tacens.27

C’est pourquoi les savants ont appelé la poésie ζωγραφία φθεγγομένη, « peinture parlante » ou « éloquente » et peinture vivante : la peinture elle-même était surnommée « poésie silencieuse ».

et Horatius ita de hisce operibus eius loquitur : Nec magis expressi uultus per ahenea signa, Quam per uatis opus mores animique uirorum Clarorum. 28

Et voici ce que dit Horace de ce genre d’œuvres : « Et le visage n’est pas mieux exprimé par le bronze des statues que les moeurs et l’âme des hommes célèbres par l’ouvrage du poète ».

Neque enim sunt nuda, quae ab ipsa traduntur, sicut praecepta philosophorum : neque singularia, sicut historicorum narrationes rerum gestarum : sed sunt quaedam perquam graphice elaborata exemplaria, et ea uniuersalia, ut hoc nomine et philosophiae et historiae praeemineat Poesis : quarum haec est singularium et praeteritorum tantum, illa nuda et exilis : Poeticae uero picturae exemplaria, sunt suis aptis et suauibus coloribus et ornamentis illustratae, et suggerunt menti contemplandas formas et effigies communes personarum et rerum, non solum ut alicubi terrarum fuerunt, tempore quodam, sed et ut fere semper et ubique fuerunt, et solent atque possunt esse.

Et ce ne sont pas des choses nues qu’elle transmet, comme le sont les préceptes philosophiques, ni singuliers, comme le sont les récits historiques d’événements ; mais ce sont des exemples artistement élaborés, qui plus est universels, au point que sous ce nom, la poésie est au-dessus de la philosophie et de l’histoire : cette dernière est faite seulement d’événements singuliers et passés, la première est nue et maigre ; mais les exemples de la peinture poétique sont illustrés de couleurs et ornements propres, adaptés et agréables et ils suggèrent à l’esprit des formes et des images générales à contempler, non pas seulement comme elles furent en un lieu et en un temps donné, mais comme elles ont été, sont d’ordinaire ou peuvent être toujours et partout.

Equidem alia poesis est aliarum personarum et rerum, huiusmodi pictura et imitatio ingeniosa atque erudita : nostra uero est πράξεως σπουδαίας καὶ τελείας, μέγεθος ἐχούσης 29 , actionis siue negotii serii et integri, quod sit grande et illustre 30 .

Les autres genres de poésie sont la peinture et la représentation ingénieuses et savantes d’autres personnes et choses ; mais la nôtre est celle d’une πράξεως σπουδαίας καὶ τελείας, μέγεθος ἐχούσης, « d’une action ou affaire sérieuse et entière qui doit être grande et célèbre ».

Nam exprimit negotia non priuata et iocularia, et fere euentus praeter expectationem laeti, qualia sunt comoediarum : sed publica, illustria, ardua, grauia, et euentus opinione communi tristioris : et illa negotia singula exprimit integra et perfecta per occasiones et causas initii, progressionis, uigoris, declinationis et exitus : quae negotia habent molem et pondus a parte personarum, consiliorum, conatuum, tractationum, et similium circumstantiarum : quia sunt de familiis illustribus magnatum, ut regum, principum, ducum et aliorum in republica potentium uirorum.

Car ce ne sont pas des actions privées ni drôles qu’elle représente et qui ont un dénouement heureux inattendu, comme ce qu’on voit en comédie, mais des actions publiques, illustres, graves, au dénouement plus sinistre que prévu ; et ces actions individuelles se déroulent dans l’intégralité et l’achèvement par des étapes qui justifient un début, une progression, une tension, une descente et un dénouement ; ces actions prennent de l’importance et du poids en fonction des personnages, projets, entreprises, tractations et autres circonstances semblables, parce qu’il s’agit de familles de grands, comme des rois, princes, ducs et autres puissants de l’état.

Et talia negotia exprimit oratione suauiter condita et temperata, ut rhythmo, metro et melodia, chori praecipue.

Et elle exprime ces actions avec un discours plaisamment composé, avec un rythme, un mètre, une mélodie, surtout du chœur.

Nec confuse haec usurpat, sed distincte, χωρὶς ἑκάστου τῶν εἰδῶν ἐν τοῖς μορίοις δρώντων 31  : ut quemadmodum sunt negotia secundum δράματα et actus, ut partes, distincta, ita singulis suae orationis species in rhythmo, metro et melodia accomodentur.

Et elle ne s’en sert pas en les confondant mais en les distinguant, « sans chacune des espèces qui agissent dans les parties », en sorte que, comme il y a des actions réparties selon les dramata et les actes, comme les rôles, de même chaque espèce de langage, pour chaque rôle, soit accompagnée d’un rythme, d’un mètre et d’une mélodie spécifiques.

Nec est sola hac oratione contenta, qua negotia sua exponat tantum utcunque : sed praeterea omnia ita inducit, proponit oculis et auribus spectantium et audientium, et administrat, ut et negotia appareant undequaque horrenda, perquam tristia, aerumnosa, indigna, inopinata et exitialia : et personae supra modum miserabiles uideantur, ut quae ex illustri fama et gloria dignitatis, potentiae, uirtutis, sapientiae, fortunae et felicitatis, non omnino culpa sua, sed quodam uel errore consiliorum, uel impetu affectuum, uel serie fati inenuitabili, contra suam et communem opinionem deuoluantur ad sortem contrariam difficultatum et aerumnarum extremarum.

Et elle ne se contente pas du seul discours pour exposer vaille que vaille ses actions mais elle met aussi tout en scène, représente aux yeux et aux oreilles des spectateurs et auditeurs et administre tout pour que toutes les actions s’y montrent de toute part épouvantables, tout à fait sinistres, calamiteuses, imméritées, inopinées et funestes et que les personnages fassent pitié au-delà de la mesure, eux qui, d’une situation de réputation illustre et de gloire faite de dignité, puissance, vertu, sagesse, fortune et bonheur et sans qu’il en aille de leur faute mais à cause d’une erreur de décision ou d’un élan de passion ou d’une série inéluctable de coups du sort, tombent, contre l’opinion commune et la leur propre, dans un sort contraire de difficultés et de calamités extrêmes.

Atque haec atrocia ac miseranda negotia eo perducit, et ita absoluit, ut suum finem consequantur, et sicut initii et ad summum progressionis sunt repraesentatae occasiones et causae, ita etiam exitus repraesententur et appareant.

Et ces actions atroces et pitoyables, elle les mène et les achève si bien qu’elles vont à leur fin et que, de même que les étapes et raisons du début et de la progression vers le paroxysme sont représentées, de même aussi sont représentés et apparaissent les dénouements.

Ex hac tragoediae accurata definitione, ab Aristotele tradita, et nostra ista eius qualicunque declaratione, non est difficile cognoscere, et illam praestantiam eius, de qua ab initio diximus : et ad quam partem professionis ipsius amplissimam respicientes, alii uocarunt eam uitae heroicae imaginem et repraesentationem.

De cette définition précise de la tragédie transmise par Aristote et de nos commentaires sur elle, quoi qu’ils vaillent, on comprend facilement cette prestance qui est la sienne et dont nous avons parlé d’emblée et quelle partie considérable du métier visent ceux qui l’ont appelée une image et représentation de vie héroïque.

Alii uolentes totam hanc uitam humanam adumbrare in duabus praecipuis partibus, una publica, altera priuata, dixerunt eam esse, tragoediam et comoediam : quo dicto intellexerunt tragoediam et comoediam simul, esse picturam uniuersae uitae communis.

D’autres, d’avis qu’elle esquisse toute la vie humaine en deux parties principales, l’une publique et l’autre privée, ont dit que telles étaient une tragédie et une comédie ; cela dit, on comprend que tragédie et comédie sont ensemble une peinture de toute la vie humaine.

Alii appellarunt hanc poesim miseriarum formam et effigiem, et uitae solutricem, propter aerumnas tristes et exitiales, quae in ea cernandae proponuntur, ut est uita communis iis obnoxia.

D’autres ont appelé cette poésie la forme et l’image des misères et la dénoueuse de vie32, à cause des calamités sinistres et funestes qui sont proposées en spectacle et auxquelles la vie commune est hostile.

Alii intuentes uim et dexteritatem disciplinae eius peculiaris ad homines erudiendos, uocarunt eam ἀπάτην δικαίαν, deceptionem iustam, quae fallendo et eludendo homines emendaret : sicut Gorgias perquam uenuste et commode asserebat, eam esse τοιαύτην ἀπάτην, ἣν ὅ τε ἀπατήσας δικαιότερός ἐστι τοῦ μὴ ἀπατήσαντος, καὶ ὁ ἀπατηθεὶς σοφώτερος τοῦ μὴ ἀπατηθέντος 33  : Talem deceptionem, qua et deceptor esset iustior eo qui non decepisset, et deceptus sapientior eo qui non deceptus esset ab eo 34 .

D’autres, voyant la force et l’adresse de cette discipline particulière pour améliorer les hommes, l’ont appelée ἀπάτη δικαία, « tromperie juste », capable en les trompant et en se jouant d’eux, de corriger les hommes, comme Gorgias disait très joliment et à propos qu’elle était τοιαύτην ἀπάτην, ἣν ὅ τε ἀπατήσας δικαιότερός ἐστι τοῦ μὴ ἀπατήσαντος, καὶ ὁ ἀπατηθεὶς σοφώτερος τοῦ μὴ ἀπατηθέντος, « une tromperie telle que le trompeur est plus juste que celui qui n’a pas trompé et le trompé plus sage que celui qui n’a pas été trompé ».

Huius dicti a Plutarcho subicitur haec non incommoda interpretatio : ὁ μὲν ἀπατήσας δικαιότερος, ὅτι τοῦτο ὑποσχόμενος πεποίηκεν. ὁ δὲ ἀπατηθεὶς σοφώτερος · ἐσάλωτον γὰρ ὑφ’ ἡδοναῖς λόγων, τὸ μὴ ἀναίσθητον 35  : Deceptor quidem ideo est iustior, quia quod promisit praestitit : deceptus autem sapientior, quia qui est mente praeditus non indocili, facile capitur uerborum suauitate. 36

Plutarque joint à ce mot une explication bien utile : ὁ μὲν ἀπατήσας δικαιότερος, ὅτι τοῦτο ὑποσχόμενος πεποίηκεν. ὁ δὲ ἀπατηθεὶς σοφώτερος · ἐσάλωτον γὰρ ὑφ’ ὑδοναῖς λόγων, τὸ μὴ ἀναίσθητον, « le trompeur est plus juste parce qu’il a fourni ce qu’il a promis ; le trompé plus sage, parce que qui a l’esprit docile se laisse facilement séduire par la douceur des mots ».

Est quidem iustum promissis satisfacere, et εὐξυνεσίας cuiusdam obliquam et tectam admonitionem et instructionem accipere : nec quilibet est ita συνετὸς intelligens, ut patiatur se circimueniri officiosa et prudenti seductione.

Il est bien sûr juste de satisfaire à ses promesses et c’est le fait d’une intelligence supérieure de comprendre une recommandation et une instruction indirectes et cryptées et n’importe qui n’est pas assez συνετός, intelligent, pour accepter de se faire circonvenir par une tromperie obligeante et avisée.

διὸ καὶ Σιμονίδης ἀπεκρίνατο πρὸς τὸν εἰπόντα, τί δὴ μόνους οὐκ ἐξαπατᾶς τοὺς Θετταλούς ; ἀμαθέστεροι γάρ εἰσιν, εἶπεν, ἤ ὡς ὑπ’ ἐμοῦ ἐξαπατᾶσθαι 37 . Ideo et Simonides ad interrogantem, quare solos non deciperet Thessalos ? respondebat, Quia essent rudiores et inertiores, quam ut a se possint decipi. 38

διὸ καὶ Σιμονίδης ἀπεκρίνατο πρὸς τὸν εἰπόντα, τί δὴ μόνους οὐκ ἐξαπατᾶς τοὺς Θετταλούς ; ἀμαθέστεροι γάρ εἰσιν, εἶπεν, ἤ ὡς ὑπ’ ἐμοῦ ἐξαπατᾶσθαι, « c’est pourquoi Simonide aussi, alors qu’on lui demandait pourquoi il n’y avait que les Thessaliens qu’il ne trompât pas, répondit qu’ils étaient trop naïfs et incultes pour qu’il puisse les tromper ».

Sed Gorgias uidetur in hoc dicto potius respexisse ad hanc uim et artem tragoediae, qua ipsa obiter et oblique efficeret meliores et sapientiores : ut ita ideo in ea deceptor sit iustior, quia suo decipiendi modo iuuet deceptum, et eum reddat ciuem et uirum meliorem, quod est maxime de officio iustitiae : et ideo merito, quia hoc et possit et studeat praestare, iustior sit habendus eo, qui id neque possit, neque uelit ; deceptus autem ob hanc causam sit sapientior, quia ex ipsa deceptione recepta plus proficiat in sua sapientia, quam ille qui eam non admittit.

Mais on dirait que Gorgias, dans son bon mot, avait dans l’idée ce caractère et cette technique de la tragédie de rendre les gens meilleurs et plus sages chemin faisant et indirectement, en faisant que le trompeur y soit plus juste parce que son mode de tromperie plaît au trompé et le rend meilleur citoyen et homme, ce qui relève au plus haut point du devoir de justice, et qu’à bon droit, parce qu’il peut et souhaite le faire, il soit tenu pour plus juste que celui qui ne le fait ni ne le veut ; quant au trompé, il est plus sage parce que, une fois admise la tromperie, il progresse plus en sagesse que celui qui ne la reconnaît pas.

Ex quo sensu commendatur a Gorgia tragoedia, tanquam admodum sapiens quaedam et grauis disciplina, quae homines praeter ipsorum expectationem efficiat et moribus meliores, et intelligentia consideratiores, sicut certe uidetur eo praecipue elaborata et usurpata fuisse olim in solennibus conuentibus, ut uulgo homines, inde perducti in gyrum rationis, ex animaduersione fragilitatis et incertitudinis humanae, fierent religiosiores, moderatiores et tractabiliores.

Avec cette formule, c’est donc de tragédie que parle Gorgias, comme d’une discipline toute de sagesse et de gravité capable de rendre les hommes, contre leur attente, meilleurs par les moeurs et plus respectés par l’intelligence, de même qu’évidemment elle semble surtout avoir été inventée et utilisée autrefois dans des réunions solennelles pour que les hommes, amenés par elle dans le cercle de la raison, devinssent couramment, en se rendant compte de la fragilité de l’homme et de ses vicissitudes, plus religieux, plus modérés et plus sociables.

Sed ex partibus et formis eius utcunque perstrictis, fortasse haec et alia quae de usu et laudibus eius dici possunt, aliquanto etiam plenius cognoscentur.

Mais à partir de ses parties et espèces, effleurées vaille que vaille, peut-être connaîtra-t-on mieux ce qu’on peut dire ici et là de son usage et de ses mérites.

Species siue formae eius quatuor traduntur : duae quoad σύνθεσιν, duae quoad διάθεσιν.39

Ses espèces ou formes sont quatre dans la tradition ; deux relèvent de la composition, deux de la disposition.

Secundum illam, alia est simplex, in qua unum tantum negotium sine περιπετείᾳ aut ἀναγνωρίσει : alia πεπλεγμένη, implicita, in qua negotium cum περιπετείᾳ aut ἀναγνωρίσει, aut utroque simul, inuolute et praeter expectationem ad euentum suum perducitur.

Selon la composition, l’une est simple, dans laquelle il y a une seule action sans péripétie ni reconnaissance, l’autre est πεπλεγμένη, implexe, dans laquelle l’action, avec péripétie ou reconnaissance ou les deux, se déroule contre l’attente et est menée à son terme.

Secundum διάθεσιν, alia est ἠθική, alia παθητικὴ.

Selon la disposition, l’une est éthique, l’autre pathétique.

in hac insunt multae et graues indignationes, querelae, expostulationes, contentiones et similes aliae uehementiores perturbationes et exitus earum atroces, et caedes horrendae.

Dans la pathétique se trouvent nombre de graves indignations, plaintes, réclamations, disputes et autres violentes passions et les dénouements y sont atroces et les morts épouvantables.

in illa sunt hae, et id genus alia omnia placidiora, mitiora, sedatiora, et magis quieta.

Dans l’éthique aussi et tous les autres traits de ce genre sont plus paisibles, plus doux, plus calmes et plus tranquilles.

Nec hae species sunt ἀποτόμως secernendae, quasi una tantum earum absoluatur fabula quaelibet, sine admistione aliarum : imo interdum pluribus constat eadem fabula, sed a praecipua aestimatur, et nomen accipit.

Et ces espèces ne doivent pas être différenciées de façon tranchée, comme si n’importe laquelle de ces pièces était faite d’une seule d’entre elles, sans mélange ; en réalité une même pièce est souvent constituée de plusieurs espèces mais on l’évalue à partir de la principale, qui lui donne sa catégorie.

Sic Homeri Ilias est simplex et παθητικὴ, Odyssea est πεπλεγμένη : nam in uniuersum constat ἀναγνωρίσει, et est ἠθική.

Ainsi L’Iliade d’Homère est simple et pathétique et L’Odyssée est implexe, car elle est faite en bloc d’une reconnaissance, et elle est éthique.

nec tamen interim non est et illa saepe ἠθική, et haec παθητική : et ut illa non habeat ἀναγνωρίσεις ita conspicuas, περιπετείας tamen habet multas, et satis magnas, pro belli fortuna uaria.

Mais à l’occasion la première est éthique et la seconde pathétique, et même si L’Iliade n’a pas de reconnaissance évidente, elle a bel et bien de multiples péripéties et assez importantes, selon les aléas de la guerre.

Partes tragoediae sunt duplices, aliae κατὰ τὸ ποιόν, quibus ut speciebus utitur, et ipsa inde informatur : quae possunt dici formales, quia eam conformant, et proficiunt ad speciem suam, aliae κατὰ τὸ ποσόν, quae constituunt corpus eius, et in quas separatas ipsa diuiditur : quae fortasse possunt dici integrales.

Les parties de la tragédie sont deux, l’une selon la qualité, qu’elle utilise comme espèces et dont elle se sert formellement ; on peut la dire ‘formelle’, parce qu’elle lui donne sa forme et contribuent à son espèce ; l’autre selon la quantité, qui constituent son matériau et qui contribuent à sa division ; on peut la dire ‘intégrale’.

Illae formales uidentur etiam esse duplices.

La partie formelle semble bipartite.

Primae sunt sex : μῦθος fabula, ἤθη mores, διάνοια mens, λέξις dictio, ὄψις aspectus, μελοποιΐα carmina, cantiones.40

La première subdivision compte six éléments : μῦθος « fable », ἤθη « caractères », διάνοια « pensée », λέξις « mot », ὄψις « spectacle », μελοποιΐα « chants, chansons ».

μῦθος fabula, siue argumentum fabulae, est eius tota series.

Le μῦθος, « fable », ou argument de la fable, est sa série complète.

Est enim ἡ τῶν πραγμάτων σύντασις 41 , ipsa negotiorum dispositio et series 42  : haec est ἀρχὴ καὶ οἷον ψυχὴ τῆς τραγῳδίας 43 , principium et ueluti anima fabulae 44 , unde etiam quaelibet fabula nomen habet suum : ipsa totum negotium personae principalis imitando repraesentat, sicut haec uocatur Προμηθεὺς δεσμώτης, quia totum negotium captiuitatis Promethei exprimit.

C’est en effet ἡ τῶν πραγμάτων σύντασις, « la disposition et la série des actions » : c’est l’ἀρχὴ καὶ οἷον ψυχὴ τῆς τραγῳδίας, « le principe et presque l’âme de la tragédie », d’où aussi n’importe quelle pièce tire son nom ; elle représente toute l’action en imitant le personnage principal, comme cette pièce-ci s’intitule Prométhée enchaîné en ce qu’elle évoque l’action de la captivité de Prométhée.

Ἦθος καὶ διάνοια, sunt partes, secundum quas et personae et earum negotia, quibus etiam fere euentus consiliorum et conatuum respondet, pro quibus singuli afficiuntur, cogitant, deliberant et agunt.

Les "caractères" et la "pensée" sont les parties selon lesquelles les personnages et leurs actions, auxquelles répond le dénouement des projets et des entreprises, en fonction desquels chacun est affecté, pensent, délibèrent et agissent.

Sunt autem ἤθη, secundum quae dicimus agentes certo modo esse affectos, bonos aut malos, iustos aut iniustos, iracundos aut sedatos.45

Les "caractères" sont ce selon quoi nous disons que les acteurs sont affectés, bons ou méchants, justes ou injustes, colériques ou apaisés.

Διάνοια est declaratio mentis et cogitationum per orationem, qua dicentes quid, asserunt esse aut non esse, aut in uniuersum efferunt sententiam.46

La "pensée" est l’expression de l’esprit et des réflexions dans le discours par laquelle, en disant quelque chose, ils affirment l’être ou le non-être ou énoncent une maxime universelle.

Λέξις ἐστὶν ἡ τῶν μέτρων σύνθεσις, est uersuum compositio, atque ipsa elocutio.

La "lexis" est ἡ τῶν μέτρων σύνθεσις, « le mot est la composition des mètres » et l’élocution elle-même.

Μελοποιΐα est cantionum, quae habent maximam uim afficiendi.47

Le chant est dans les chansons qui ont une grande force pathétique.

Ὄψις est apparatus et ornatus personarum, scenarum et similium, qui incurrit in oculos : et maximam quidem habet uim oblectandi, sed minimum requirit artis, poetae praesertim.48

Le spectacle est le décor et l’ornement des personnages, scène et autres, qui va droit aux yeux ; et sa force de séduction est très grande mais ne demande guère de technique, notamment poétique.

Hae sunt primae tragoediae partes formales.

Telles sont les premières sortes de parties formelles de la tragédie.

Ad has adiunguntur alterae tres a philosopho, περιπέτεια, ἀναγνώρισις καὶ πάθος, quae et ipsae ingrediuntur in fabulas elaboratiores, et eas ad meliorem formam perficiunt.

Le philosophe en ajoute trois autres, la péripétie, la reconnaissance et la passion, qui elles aussi entrent dans la composition des pièces plus élaborées et en améliorent la forme.

Περιπέτεια est negotiorum in contrarium mutatio, et euentus secundum consecutionem quandam uel consentaneam, uel necessariam : dicta a uaga et praeter exspectationem incidente negotii, et eius circumstantiarum inuolutione.49

La péripétie est un changement à l’opposé et un dénouement qui répond à une conséquence logique ou nécessaire ; elle tire son nom de l’évolution aléatoire de l’action et de ses circonstances qui tombent contre l’attente50.

Ἀναγνώρισις est, ex ignoratione ad cognitionem immutatio, rerum ad fortunam secundam uel aduersam pertinentium et uel ad amicitiam aut inimicitiam euenientium.51

La reconnaissance est le changement de l’ignorance en connaissance d’événements participant du bonheur ou du malheur et révélant de l’amitié ou de l’inimitié.

His duabus partibus dicit philosophus tragoediam maxime mouere et afficere animos spectatorum.

C’est par ces deux parties, selon le philosophe, que la tragédie émeut et affecte le plus les âmes des spectateurs.

Πάθος est, negotium aut mortiferum, aut dolore plenum : ut sunt caedes, cruciatus, uulnera, et similia.52

La passion est une action qui cause la mort ou emplit de douleur : ainsi les meurtres, tortures, blessures et autres.

Hae tres partes fortasse commodius supra, post species tragoediae subici poterant : quia περιπέτεια et ἀναγνώρισις ingrediuntur in tragoediam πεπλεγμένην, πάθος autem in omnes quatuor species siue formas.

Ces trois parties auraient pu peut-être trouver place plus commodément après les espèces de la tragédie, parce que la péripétie et la reconnaissance entrent dans la tragédie implexe, les passions dans les quatre espèces ou sortes.

Integrales partes tragoediae sunt, πρόλογος, ἐπεισόδιον, ἔξοδος καὶ χόρος.53

Les parties intégrales de la tragédie sont le prologue, l’épisode, l’exodos et le chœur.

Πρόλογος est illa tragoediae pars integra, quae ingressum chori praecedit, in qua solent exponi fabulae occasiones, argumentum, et quae ad eius sequentem seriem facere possunt.

Le prologue est la partie entière de la tragédie qui précède l’entrée du chœur, où l’on expose les étapes de la fable, l’argument et ce qui concourt à la série suivante.

Dictus est πρόλογος, ab officio suo : quia est praelocutio, prooemium et praeparatio ad negotium.

Il tire son nom de son rôle, parce qu’il est un préambule, un avant-propos et une préparation de l’intrigue.

Ἐπεισόδιον est pars integra, quae inter chori carmina consistit : dicta ab ingrediendo, uel intercedendo :

L’épisode est la partie entière qui se trouve entre deux chants du chœur, qui tire son nom du fait de venir et de s’interposer.

Actum Latini uocant, et tales actus sunt tres, inter quatuor chori carmina intercedentes, qui suis personis et negotii tractationibus distinguntur : ad aquas additi πρόλογος καὶ ἔξοδος, efficiunt actus fabulae 5.

Les Latins l’appellent acte et il y en a trois, qui prennent place entre quatre chants du chœur, qui se distinguent par leurs personnages et les affaires qu’on y traite ; une fois ajoutés au lot le prologue et l’exodos, cela fait cinq actes.

Ἐπεισόδιον etiam dicitur, quod obiter et praeter argumenti seriem inseritur in fabulam, ut πλήρωμα quoddam, aut ornamentum eius.

L’épisode tire son nom de ce qu’il vient s’ajouter à la fable en passant et en plus de la série des événements, comme un supplément ou un ornement.54

Ἔξοδος est pars tota tragoediae, post quam non sequitur chori carmen, quae est fabulae pars postrema. Sed dicuntur etiam alii ἔξοδοι in fabula : ut cum chorus cedit de uia, personis ingredientibus in scenam ad actum nouum, et cum exiens canit.

L’exodos est la partie complète de la tragédie après laquelle il n’y a pas de chant du chœur et qui est l’ultime morceau de la pièce. Mais il y aussi d’autre exodos dans la pièce, comme quand le chœur laisse la place à des personnages qui entrent en scène pour un nouvel acte et quand il chante en sortant.

Χορικὸν μέλος, est carmen quod a choro pronuntiatur inter actus.

Le chant choral est le chant qui est dit par le chœur entre les actes.

Huius aliud uocatur πάροδος, a motu et progressu : aliud στάσιμον μέλος, a statu et quiete, quod a choro stante pronuntiatur sine anapaesto et trochaeo : illud ab uniuerso choro in primo progressu pronuntiatur.

Une de ses parties s’appelle parodos, d’après le mouvement et l’avancée55, l’autre stasimon <melos>, d’après l’idée de stationner sans bouger, qui est dit par le chœur immobile sans anapeste ni trochée.

Est et aliud carmen quod Graece κόμμος uocatur, ἀπὸ τοῦ κόπτειν, a scindendo, lacerando et plangendo : Latine planctus dici potest.

Il y a un autre type de chant appelé en grec κόμμος (kommos), de κόπτειν (koptein), « déchirer, lacérer et pleurer » ; en latin on pourrait l’appeler planctus « pleur ».

Hoc etiam saepe intercinitur, sed non tantum a χόρῳ sed et personis aliis, suam aut communem, aut aliorum fortunam, lamentatione et planctu prosequentibus.

Lui aussi est souvent un intermède chanté mais non seulement du chœur mais aussi d’autres personnages, qui accompagnent leur propre fortune ou celle de la cité de lamentations et de pleurs.

Haec omnia carmina generali uoce solent appellari ἐμβόλιμα, quasi dicas intercalaria, aut interiecticia : quia inter actus et negotia fabulae inseruntur.

Tous ces chants sont généralement appelés du nom générique d’embolima, quelque chose comme « intercalaires » ou « interjetés », parce qu’on les insère entre les actes et l’intrigue de la pièce.

Χόρος dictus est a coetu et multitudine personarum, in quo una quidem tantum persona loquitur, sed ad quindecim induci possunt : et solent illae personae fere esse aliquo uel cognationis, uel affinitatis, uel sexus, uel gentis uinculo et iure cum persona fabulae principali iunctae.

Le chœur doit son nom à une réunion et un rassemblement de personnes dans lequel une seule parle en qualité de personnage, alors qu’elles peuvent être en scène jusqu’à quinze ; et d’ordinaire ces personnes sont liées au personnage principal de la fable par un lien juridique de parenté, affinité, sexe ou nationalité.

Officium chori in fabula late patet, quod Horatius hisce uersibus erudite et grauiter comprehendit : Auctoris partes chorus, officiumque uirile Defendit56, neu qui57 medios intercinat actus Quod non proposito conducat, et haereat apte. Ille bonis faueatque, et concilietur amicis58, Et neget59 iratos, et amet peccare timentes. Ille dapes laudet mensae breuis, ille salubrem Iusticiam, legesque, et apertis otia portis. Ille tegat commissa, deosque precetur et oret, Vt redeat miseris, abeat fortuna superbis. 60

Le rôle du chœur dans la pièce est très clair et Horace le prend en compte gravement et savamment dans ces vers : « le chœur défend le parti de l’auteur61 et son rôle viril ; et qu’il ne chante rien entre les actes qui ne soit en phase et en cohérence stricte. Qu’il favorise les bons amis et se les concilie, qu’il refuse les coléreux et aime ceux qui ont scrupule à fauter. Qu’il loue les banquets à la table frugale, la justice salutaire, les lois et la paix aux portes ouvertes. Qu’il protège les secrets confiés, prie les dieux et les supplie de rendre aux malheureux et d’enlever aux orgueilleux la fortune ».

De quo chori officio sunt etiam apud eundem hi uersus : Poscit opem chorus, et praesentia numina sentit, Caelestes implorat aquas docta prece blandus Auertit morbos, metuenda pericula pellit, Impetrat et pacem et locupletem frugibus annum. 62

Sur le rôle du chœur, il y aussi des autres vers du même Horace : « le chœur réclame de l’aide et sent la présence des dieux, implore doucement les eaux du ciel d’une prière savante, écarte les maladies, détourne les redoutables périls, obtient la paix et une année riche de moissons ».

Alio modo diuiditur tragoedia in δέσιν καὶ λύσιν.

La tragédie est aussi divisée en dénouement et nœud.

Δέσις comprehendit fabulae argumentum, occasiones et incrementum, usque ad ἐπίτασιν, et eius summum progressum, quem sequitur fortunae inclinatio.

Le nœud comprend l’argument de la fable, les étapes et le progrès jusqu’à l’épitase et son paroxysme, à qui succède le changement de fortune.63

Λύσις continet reliquam fabulae partem, ab inclinatione fortunae usque ad exitum negotii.

Le dénouement contient le reste de la pièce, depuis le revers de fortune jusqu’à la fin de l’action.

Potest etiam quaelibet fabula diuidi in has partes, in πρότασιν, ἐπίτασιν, καὶ καταστρφὴν : aut in actus quinque distinctos partibus totius negotii, pro diuersis eius tractationibus et uicibus.

Toute pièce peut aussi être divisée en ces parties : protase, épitase et catastrophe ou en cinq actes distincts par les rôles de toute l’action selon leurs divers traitements et vicissitudes.

Μῦθος est ipsum argumentum, et negotii tractatio et comprehensio.

Le mûthos est l’argument même et le traitement de l’intrigue et sa prise en compte.

Huius hic sunt praefixae duae περιοχαὶ, quae breuiter capita negotii huius recensent, quorum cognitio hic ab initio sufficere uidetur.

Lui sont ici annexées en préalable deux résumés qui recensent les principaux événements de l’intrigue ; leur connaissance en amont du début semble suffire.


1. Matthias Garbitius ou Grabitius (Matija Grbac ou Grabitz ou Grbić) dit Illyricus, né en Istrie vers 1503 et mort à Tübingen en 1559, fut élève de Camerarius et un protégé de Melanchthon et de Martin Luther. Il enseigna à Wittemberg et à Tübingen. Il est l’auteur de plusieurs éditions : Hésiode et Eschyle notamment, et de scolies à Hésiode et au Prométhée d’Eschyle.
2. Ov., Tr. 2.381.
3. Hor., P. 231.
4. Hor., P. 89.
5. Erasme, Adagia 1439, .
6. Erasme, Adagia 1439, .
7. Erasme, Adagia 1440, .
8. Erasme, Adagia 3240, .
9. Erasme, Adagia 1791, .
10. Erasme, Adagia 94, .
11. La source de ces proverbes est bien sûr dans Erasme, Adagia. Particulièrement l’adage 1152 (MAGNA LOQVARIS).
12. Cic., Fam. 16.8.2.
13. Cic., Tusc. 2.23.
14. Hor., P. 275-280.
15. Quint., I.O 10.1.66.
16. Cic., Or. 169.
17. Arstt., Pol. 1271b.
18. Arstt., Pol. 1271b.
19. Arstt., Nic. 1098a. δεῖ γὰρ ἴσως ὑποτυπῶσαι πρῶτον, εἶθ’ ὕστερον ἀναγράψαι. δόξειε δ’ ἂν παντὸς εἶναι προαγαγεῖν καὶ διαρθρῶσαι τὰ καλῶς ἔχοντα τῇ περιγραφῇ, καὶ ὁ χρόνος τῶν τοιούτων εὑρετὴς ἢ συνεργὸς ἀγαθὸς εἶναι · ὅθεν καὶ τῶν τεχνῶν γεγόνασιν αἱ ἐπιδόσεις · παντὸς γὰρ προσθεῖναι τὸ ἐλλεῖπον.
20. Ath., Deipn. 2.1.164. ὁ καλὸς καὶ λαμπρὸς Αἰσχύλος τὰς αὐτοῦ τραγῳδίας τεμάχη εἶναι ἔλεγε τῶν Ὁμήρου μεγάλων δείπνων
21. Hor., P. 119-130.
22. Arstt., Poet. 1449b24. C’est approximativement le texte des éditions modernes : ἔστιν οὖν τραγῳδία μίμησις πράξεως σπουδαίας καὶ τελείας μέγεθος ἐχούσης, ἡδυσμένῳ λόγῳ χωρὶς ἑκάστῳ τῶν εἰδῶν ἐν τοῖς μορίοις, δρώντων καὶ οὐ δι’ ἀπαγγελίας, δι’ ἐλέου καὶ φόβου περαίνουσα τὴν τῶν τοιούτων παθημάτων κάθαρσιν. On y notera des variantes notables, comme (au dernier mot) καθαίρεσις au lieu de l’emblématique κάθαρσις aristotélicien.
23. Arstt., Poet. 1449b24.
24. Hor., P. 277.. Le texte d'Horace donne Quae canerent agerentque peruncti faecibus ora. La citation complète a été faite un peu plus haut.
25. Hor., P. 220.
26. Evanthius, De fabula 1.2, . Les deux étymologies, par la lie ou par le bouc, sont courantes ; la source habituelle est sans doute Evanthius De fabula 1.2. C’est en effet par les extraits du De Fabula et du De Comoedia d’Evanthius que commence le commentaire à Térence de Donat, que les doctes renaissants ont comme livre de chevet, d’autant qu’on le trouve couramment associé dans les éditions de Térence annoté.
27. Plut., De gloria Atheniensium 3.346f-347d.. L’historien en prête l’idée originale à Simonide.
28. Hor., Ep. 2.1.248-50.
29. Arstt., Poet. 1449b24.. C’est là la reprise d’une bribe de la citation aristotélicienne exploitée plus haut et reformulée dans sa traduction.
30. Arstt., Poet. 1449b24.
31. Arstt., Poet. 1449b24.. Morceau de la définition d’ utilisée plus haut et dont Garbitius reprend pour son raisonnement des éléments séparés.
32. L’adjectif solutrix « celle qui délivre de », est d’emploi tardif : Giorgio Valla, Poétique, 1498 : le but de la tragédie est de reproduire les pleurs et les lamentations, ob hoc uitae solutrix dicta. Le mot, dérivé de la famille soluere/solutio, qui dans les emplois dramaturgiques décalque celle de λύω/λύσις pour désigner le dénouement, est, dès Cicéron, au terme d'une étymologie populaire citant Chrysippe, rapproché de λύπη "chagrin": voir Cic. Tusc. 3.61.
33. Plut., Glor. Ath. 348C5.. Il s'agit du fragment 23 de Gorgias, colporté par Plut. Quomodo adolescens poetas audire debeat 15D7 et Glor. Ath. 348C5. La citation suivante prouve que c’est dans ce second ouvrage (traité déjà cité un peu plus haut) que Garbitius puise.
34. Plut., Glor. Ath. 348C5.
35. Plut., Glor. Ath. 348C5.. Suite de la citation précédente avec une légère variante chez les éditeurs modernes : ὁ μὲν γὰρ ἀπατήσας δικαιότερος, ὅτι τοῦθ’ ὑποσχόμενος πεποίηκεν· ὁ δ’ ἀπατηθεὶς σοφώτερος·εὐάλωτον γὰρ ὑφ’ ἡδονῆς λόγων τὸ μὴ ἀναίσθητον.
36. Plut., Glor. Ath. 348C5.
37. Plut., Quomodo adolescens poetas audire debeat 15D1.. διὸ καὶ Σιμωνίδης μὲν ἀπεκρίνατο πρὸς τὸν εἰπόντα “τί δὴ μόνους οὐκ ἐξαπατᾷς Θετταλούς;” “ἀμαθέστεροι γάρ εἰσιν ἢ ὡς ὑπ’ ἐμοῦ ἐξαπατᾶσθαι.”
38. Plut., Quomodo adolescens poetas audire debeat 15D1.
39. Arstt., Poet. 1455b32 sq. On retrouve là, diffuse, la typologie et la terminologie de La Poétique d’Aristote que Garbitius a pu lire dans une édition d’Aristote ou plus probablement dans une des innombrables éditions commentées qui ont fleuri depuis la fin du quinzième siècle sous la plume des plus grands savants (Valla, Robortello, Castelvetro, etc.), dans lesquelles le commentaire est beaucoup plus long que le texte. La présence de σύνθεσιν et de διάθεσιν à cet endroit semble montrer qu’il utilise plutôt un commentaire raisonné de La Poétique. Aristote dit en effet, au tout début du passage référencé : τραγῳδίας δὲ εἴδη εἰσὶ τέσσαρα (τοσαῦτα γὰρ καὶ τὰ μέρη ἐλέχθη), ἡ μὲν πεπλεγμένη, ἧς τὸ ὅλον ἐστὶν περιπέτεια καὶ ἀναγνώρισις, ἡ δὲ παθητική, οἷον οἵ τε Αἴαντες καὶ οἱ Ἰξίονες, ἡ δὲ ἠθική, οἷον αἱ Φθιώτιδες καὶ ὁ Πηλεύς· τὸ δὲ τέταρτον †οης†, οἷον αἵ τε Φορκίδες καὶ ὁ Προμηθεὺς καὶ ὅσα ἐν ᾅδου, et l’on voit que les faits ne sont pas organisés de la même façon.
40. Arstt., Poet. 1450a7. ἀνάγκη οὖν πάσης τῆς τραγῳδίας μέρη εἶναι ἕξ, καθ’ ὃ ποιά τις ἐστὶν ἡ τραγῳδία· ταῦτα δ’ ἐστὶ μῦθος καὶ ἤθη καὶ λέξις καὶ διάνοια καὶ ὄψις καὶ μελοποιία.
41. Arstt., Poet. 1450a32.. ἔχουσα δὲ μῦθον καὶ σύστασιν πραγμάτων.
42. Arstt., Poet. 1450a32.
43. Arstt., Poet. 1450a38.. ἀρχὴ μὲν οὖν καὶ οἷον ψυχὴ ὁ μῦθος τῆς τραγῳδίας.
44. Arstt., Poet. 1450a38.
45. Arstt., Poet. 1450b3.. Vague remploi avec glose de la définition aristotélicienne ἔστιν τε μίμησις πράξεως καὶ διὰ ταύτην μάλιστα τῶν πραττόντων.
46. Arstt., Poet. 1450b4.. Approximation d'Arsitote, : τρίτον δὲ ἡ διάνοια· τοῦτο δέ ἐστιν τὸ λέγειν δύνασθαι τὰ ἐνόντα καὶ τὰ ἁρμόττοντα, ὅπερ ἐπὶ τῶν λόγων τῆς πολιτικῆς καὶ ῥητορικῆς ἔργον ἐστίν.
47. Arstt., Poet. 1450b.
48. Arstt., Poet. 1450b25.. Synthèse de τῶν δὲ λοιπῶν ἡ μελοποιία μέγιστον τῶν ἡδυσμάτων, ἡ δὲ ὄψις ψυχαγωγικὸν μέν, ἀτεχνότατον δὲ καὶ ἥκιστα οἰκεῖον τῆς ποιητικῆς· ἡ γὰρ τῆς τραγῳδίας δύναμις καὶ ἄνευ ἀγῶνος καὶ ὑποκριτῶν ἔστιν, ἔτι δὲ κυριωτέρα περὶ τὴν ἀπεργασίαν τῶν ὄψεων ἡ τοῦ σκευοποιοῦ τέχνη τῆς τῶν ποιητῶν ἐστιν.
49. Arstt., Poet. 1452a23. Ἔστι δὲ περιπέτεια μὲν ἡ εἰς τὸ ἐναντίον τῶν πραττομένων μεταβολὴ καθάπερ εἴρηται, καὶ τοῦτο δὲ ὥσπερ λέγομεν κατὰ τὸ εἰκὸς ἢ ἀναγκαῖον.
50. Cette étymologie grecque sans grec révèle implicitement dans le mot peripeteia la présence de peri- (qui veut dire « autour » et représenté par circum-stantia) et de -pet- « tomber » (représenté par in-cid-ente).
51. Arstt., Poet. 1452a29. ἀναγνώρισις δέ, ὥσπερ καὶ τοὔνομα σημαίνει, ἐξ ἀγνοίας εἰς γνῶσιν μεταβολή, ἢ εἰς φιλίαν ἢ εἰς ἔχθραν, τῶν πρὸς εὐτυχίαν ἢ δυστυχίαν ὡρισμένων.
52. Arstt., Poet. 1452a11. πάθος δέ ἐστι πρᾶξις φθαρτικὴ ἢ ὀδυνηρά, οἷον οἵ τε ἐν τῷ φανερῷ θάνατοι καὶ αἱ περιωδυνίαι καὶ τρώσεις καὶ ὅσα τοιαῦτα.
53. Arstt., Poet. 1452a14. Μέρη δὲ τραγῳδίας οἷς μὲν ὡς εἴδεσι δεῖ χρῆσθαι πρότερον εἴπομεν, κατὰ δὲ τὸ ποσὸν καὶ εἰς ἃ διαιρεῖται κεχωρισμένα τάδε ἐστίν, πρόλογος ἐπεισόδιον ἔξοδος χορικόν, καὶ τούτου τὸ μὲν πάροδος τὸ δὲ στάσιμον, κοινὰ μὲν ἁπάντων ταῦτα, ἴδια δὲ τὰ ἀπὸ τῆς σκηνῆς καὶ κομμοί.Il s’agit des parties de quantité, κατὰ τὸ ποσόν. La suite immédiate est déclinée « poste par poste » dans les passages suivants par Garbitius : ἔστιν δὲ πρόλογος μὲν μέρος ὅλον τραγῳδίας τὸ πρὸ χοροῦ παρόδου, ἐπεισόδιον δὲ μέρος ὅλον τραγῳδίας τὸ μεταξὺ ὅλων χορικῶν μελῶν, ἔξοδος δὲ μέρος ὅλον τραγῳδίας μεθ’ ὃ οὐκ ἔστι χοροῦ μέλος· χορικοῦ δὲ πάροδος μὲν ἡ πρώτη λέξις ὅλη χοροῦ, στάσιμον δὲ μέλος χοροῦ τὸ ἄνευ ἀναπαίστου καὶ τροχαίου, κομμὸς δὲ θρῆνος κοινὸς χοροῦ καὶ ἀπὸ σκηνῆς.
54. Encore une étymologie grecque sans grec où le radical -οδ- est expliqué dans l’autre langue par obiter (‘chemin’) et les préfixes diffus dans l’idée de ‘s’ajouter’.
55. Encore une étymologie grecque sans grec, qui signale la présence du sème ‘mouvement’ (-od-, ‘chemin’) et ‘vers’ -par<a>-).
56. Variante pour defendat.
57. Variante pour neu quid.
58. Variante pour amice.
59. Variante pour regat.
60. Hor., P. 193-201.. Le texte contient plusieurs variantes signifiantes.
61. On lit chez Horace d’ordinaire actoris, « le parti de l’acteur ».
62. Hor., Ep. 2.2.134-137.
63. Si lusis et desis sont des notions présentes dans La Poétique, l’épitase, comme aussi la protase et la catastrophe citées plus bas, ne se trouvent pas chez Aristote mais chez Evanthius (transmis par Donat). Cette manière d’amalgamer deux systèmes différents et incompatibles est typique de la façon des doctes qui, souvent sous la seule bannière d’Aristote, proposent un système en réalité nouveau et mixte qui permet d’intégrer le dogme des cinq actes, qui n’est, à vrai dire, ni chez Aristote ni chez Donat mais (vaguement) chez Horace.