Présentation du paratexte
Lambertus Hortensius est un prêtre historien et humaniste néerlandais. Il est recteur de l’école latine (Gymnasium) de Naarden en 1544 et bien qu’il ne s’éloigne pas vraiment de la foi catholique, il sympathise avec les idées de la réforme. Son nom en langue vernaculaire n’est pas connu.
Il a beaucoup commenté les auteurs anciens, et notamment Aristophane, Virgile et Lucain et il a également écrit des œuvres historiques en latin, notamment autour de la Réforme et des Anabaptistes (comme l’Histoire des Anabaptistes ou Relation curieuse de leur doctrine) qui ont un rayonnement international. Ses commentaires sur l’Enéide de Virgile, Enarrationes in sex priores libros Aeneidos Virgilianae ont été publiés en 1559, suivi en 1577 d’une édition complétée avec les commentaires de Lambertus Hortensius sur les six livres suivants. Cependant, les commentaires sur les livres VII à XII sont moins nombreux.
Dans ce paratexte, Hortensius indique les objectifs du poète lors de la rédaction des Grenouilles. Ce paratexte est servilement traduit (parfois à contresens) du ΣΚΟΠΟΣ ΤΟΥ ΠΑΡΟΝΤΟΣ ΔΡΑΜΑΤΟΣ, qui sert d’argument n° 4 dans les scholies d’Aristophane. Nous le donnons à titre de comparaison :
ὁ παρὼν ποιητής, ὡς ἐν τῷ δράματι τοῦ Πλούτου τῷ τότε τῶν ’Αθηνῶν ἄρχοντι ὁπωσδήποτε χαριζόμενος, τότε τὸν Πλοῦτον ἀναβλέψαι ϕησὶ καὶ πλουτίσαι τοὺς ἀγαθούς, τῶν Νεϕελῶν δὲ τὸ δρᾶμα τῷ ϕαινομένῳ γράψας κατὰ Σωκράτους, κατὰ παντὸς συνετάξατο ϕιλοσόϕου μεταρσιολέσχου καὶ ϕυσικοῦ - Σωκράτης γὰρ μετερχόμενος τὴν ἠθικὴν ϕιλοσοϕίαν, εἰ ἄρα κἂν ταύτην, κατεγέλα μεταρσιολογίας καὶ ϕυσικῆς, ὡς γράϕει καὶ Ξενοϕῶν ἐν τοῖς ’Απομνημονεύμασι, θεολογίας δὲ ὡς ἀκαταλήπτου πάντῃ ἀπείχετο - ὡς οὖν τὸ δρᾶμα τοῦ Πλούτου ὑπὲρ τοῦ τότε ἄρχοντος ’Αθηνῶν ἀσυμϕανῶς συνετάξατο, κατὰ παντὸς δὲ ϕιλοσόϕου μεταρσιολέσχου (Plat. Sis. 359a) καὶ ψευδοτύϕου τὸ δρᾶμα τῶν Νεϕελῶν, οὕτω καὶ τήνδε τὴν κωμῳδίαν τὴν τῶν Βατράχων κατὰ παντὸς ὑποψύχρου καὶ ὑψηγόρου καὶ ὑποξύλου καὶ ἀϕυοῦς καὶ ἀτεχνότατα γράϕοντος, τῷ μεμηνέναι δ' οὐ συνιέντος αὑτὸν ὄντα βάρβαρον, οἰομένου δὲ μὴ μόνον ἰσοῦσθαι, ἀλλὰ καὶ τὰ κρείττονα ϕέρεσθαί τινων αἰθερίων ἀνθρώπων, ὡς τῷ ὑπὲρ ϕύσιν ‘Ομήρῳ τις ἀνώνυμος ἤριζε Σάτυρος, ‘Ησιόδῳ δὲ Κέρκωψ, ἢ πλέον εἰπεῖν, Εὔρυτος μὲν τοξικῇ, Μαρσύας δὲ μουσικῇ τῷ ’Απόλλωνι, Σειρῆνες δὲ Μούσαις καὶ Θάμυρις ὁ μαινόμενος, ἢ ὡς ὁ Αἰγύπτιος Σῶϕις καὶ ὁ Θετταλὸς Σαλμωνεὺς ταῖς οὐρανίοις λήρως ἀντιπαταγοῦντες βρονταῖς καὶ τοῖς κεραυνοῖς δῆθεν ἀνταπαστράπτοντες. κατὰ τοιούτου παντὸς μὴ συνιέντος αὑτόν, ἐξυμνουμένου δὲ ϕιληταῖς ἀλογίστοις καθάρμασι, δίκην βατράχων βοῶσι θορυβωδέστατα, τὸ τοιοῦτον ὁ ποιητὴς δρᾶμα ἐξέθετο.
ἡ διασκευὴ δὲ καὶ ἡ ἔκθεσις τοιάδε τοῦ δράματος. πλάττεται τῷ ποιητῇ δυσϕορῶν ὁ Διόνυσος διὰ τὸ ἐν τοῖς Διονυσίοις μὴ εἶναι ἢ τραγικὸν ἢ κωμικὸν δεξιὸν ποιητήν. ὅθεν καὶ βουληθεὶς κατιέναι εἰς ῞Αιδου, ὡς Εὐριπίδην ἐκεῖθεν ἀνάξειεν, ἐπὶ διονυσιακοῖς τοῖς κοθόρνοις, καὶ λεοντὴν καὶ ῥόπαλον ἔχων τρόπῳ τοῦ ‘Ηρακλέους, μετὰ Ξανθίου οἰκέτου, ὄνῳ ἐποχουμένου, τοῖς ὤμοις δὲ ἀνάϕορον ϕέροντος, ὃ ἀλλακτὸν δημωδεστέρως καλεῖται, ἐς Θήβας ἢ Τίρυνθα, πόλιν τοῦ ῎Αργους, ἀϕικνεῖται πρὸς ‘Ηρακλέα, ὁδοὺς τὰς εἰς ῞Αιδου ἀγούσας χρῄζων μαθεῖν ἐξ αὐτοῦ καὶ πανδοχεῖα καὶ ἐκτροπάς, ᾇτε τοῦ ‘Ηρακλέους εἰς ῞Αιδου πρὶν κατελθόντος ἐπ’ ἀναγωγῇ τοῦ Κερβέρου, εἰ καὶ δυσὶ γενεαῖς προγενέστερος ‘Ηρακλέους ἦν ὁ Διόνυσος.
« Le poète qui nous intéresse, de même que dans la pièce du Ploutos, cherchant à faire plaisir de quelque manière que ce soit à l'archonte d’Athènes du moment, a rendu la vue, dit-on, à Ploutos, et a rendu riches les gens de bien et a composé la pièce des Nuées, apparemment en écrivant contre Socrate, mais en réalité contre tout philosophe astrologue et naturaliste - en effet Socrate poursuivant la philosophie morale, si tant est qu’elle existe, se moquait des spécialistes du ciel et des naturalistes, comme l’écrit aussi Xénophon dans les Mémorables, et se tenait à l'écart de la théologie comme d’une science tout à fait incompréhensible - ainsi donc la pièce du Ploutos a été composée non ouvertement pour l'archonte d’Athènes du moment, et contre tout philosophe qui bavarde dans les nuages et vain la pièce des Nuées, ainsi aussi cette comédie des Grenouilles a été composée contre tout écrivain froid et hautain et imposteur et incapable et sans la moindre compétence, pour avoir été fou, alors qu’il ne se rendait pas compte que lui-même était un barbare, mais qu’il croyait non seulement qu’il était égal, mais aussi qu’il produisait des œuvres meilleures que certains hommes de nature céleste, comme l'illustre inconnu Satyros qui combattait contre Homère, au-dessus de ses forces, et Cecrops contre Hésiode, ou pour en dire davantage Eurytos contre Apollon au tir à l’arc, et Marsyas contre Apollon en musique, et les Sirènes contre les Muses et Thamyris le fou, ou comme l'Egyptien Sôphis et le Thessalien Salmonée qui, follement, faisaient du bruit en réponse au tonnerre céleste, et qui lançaient, dit-on, des éclairs contre la foudre. Contre tout individu de ce type qui ne se connaît pas lui-même, et qui célèbre dans ses hymnes très bruyamment à la manière des grenouilles des horreurs absurdes qu'il chérit, le poète a composé une telle comédie.
Voici la composition et l’exposition de la pièce. Dionysos est imaginé par le poète étant malheureux du fait qu’il n'y a pas aux Dionysies de bon poète tragique ou comique. De là, voulant descendre chez Hadès, dans l’intention d’en ramener Euripide, sur des cothurnes dionysiaques et avec une peau de lion et une massue à la manière d’Héraclès, avec son serviteur Xanthias, juché sur un âne, et portant un fardeau sur ses épaules, qui est appelé de manière tout à fait vulgaire à être échangé, se rend à Thèbes ou Tirynthe, ville d’Argos, chez Héraclès, voulant apprendre de lui les routes qui mènent chez Hadès ainsi que les auberges et les haltes, étant donné que Héraclès jadis est descendu chez Hadès pour en ramener Cerbère, même si Dionysos était plus âgé qu’Héraclès de deux générations ».
Bibliographie :- Neff, Christian and Harold S. Bender. (1956). Hortensius, Lambertus (1500-1574). Global Anabaptist Mennonite Encyclopedia Online. Consulté le 9 février 2022, sur
Scopus fabulae Ranarum et poetae consilium
Objectif de la pièce Les Grenouilles et intention du poète.
Quemadmodum poeta Aristophanes in Pluto, rem gratam tum Reipublicae principi facturus, Plutum deum uisum recepisse scripsit et homines praetenues sed bonos tamen affatim ditatos, Nebulas aduersus Socratem eiusque physicam disputationem de rebus sublimibus in aere ad phaenomenum edidit1, ut tradit Xenophon in commentariis quos de dictorum factorumque Socratis mirabilibus scriptos reliquit, sed in totum tamen ab eius theologia et incomprehensibili abstinuit, ita hanc comoediam Ranas in frigidum, ligneum et adulterrimum scriptorem et sine artificio fecit.
De même que le poète Aristophane, dans Plutus, pour faire plaisir à l’archonte de la cité, a écrit que le dieu Plutus avait recouvré la vue et avait copieusement enrichi des hommes pauvres mais néanmoins justes, qu’il a sorti Les Nuées contre Socrate et sa discussion physique sur les objets qui flottent dans l’air jusqu’à être un phénomène atmosphérique, comme le rappelle Xénophon dans le traité écrit qu’il a laissé sur les dits et faits mémorables de Socrate, mais sans pour autant adhérer du tout à sa théologie et à son ésotérisme, de même cette comédie des Grenouilles, c’est contre un écrivain froid, sec, plagiaire et sans technique qu’il l’a faite.
Quodque quidem idem fanaticus homo se ineptum, indoctum ac barbarum agnoscere noluerit.
Qui plus est, cet homme frénétique refusait de se reconnaître sot, inculte et barbare.
Etenim stulte sibi ille persuaserat non solum se aequare alios tragoediarum scriptores, uerum etiam nonnula scriptorum suorum multis partibus eorum laboribus tum luculentiora, tum magis esse artificiosa.
De fait, dans sa fatuité, il s’était persuadé non seulement qu’il égalait les autres auteurs tragiques mais aussi que certaines de ses œuvres, dans plusieurs parties, étaient par rapport à leurs pièces, tantôt plus brillantes, tantôt plus techniques.
Fecitque is perinde ut Satyrus quidam olim, homo obscurus et bardus, qui cum Homero, id quod supra uires humanas erat, nihil ueritus fuit in harenam descendere, ut Cercops cum Hesiodo, Marsyas cum Apolline in musica et iaculandi arte cum eodem, Sirenes ac Thamyris, nescio quis, cum Musis, homo bis insanus2, et Anticyrae multo helleboro purgandus, ut Aegyptius Sophis et Salmoneus Thessalus, qui caelesti tonitruo obstrepuerunt et fulmini non imitabili obfulminarunt.
Ce dernier se comporta comme jadis un certain Satyros, homme obscur et balourd qui ne craignit pas de se mesurer avec Homère, épreuve surhumaine, comme Cercops, avec Hésiode, Marsyas avec Apollon en musique et en art du lancer (avec le même Apollon), les Sirènes et je ne sais quel Thamyris avec les Muses, un homme deux fois fou et qu’il eût fallu purger avec une bonne dose d’ellébore d’Anticyra3, comme l’Égyptien Sôphis et le Thessalien Salmonée4 qui essayèrent de couvrir le bruit du tonnerre du ciel et grondèrent pour s’opposer au grondement inimitable de la foudre.
Hanc itaque comoediam in homines id genus qui se suamque supellectilem curtam ignorent et qui ranarum more eruditi5, suis ineptiis et odiosis clamoribus ubique occoaxant, studio emisit.
Aussi Aristophane a-t-il joliment produit cette comédie contre les hommes de ce genre, qui se connaissent mal et ignorent que leur bagage est mince et qui, instruits à la manière des grenouilles, font coasser partout leurs sottises et leurs clameurs odieuses.
Occasio item alia huius comoediae scribendae fuit comico.
Le comique a eu en outre une autre occasion de faire cette comédie.
Cum in Bacchanalibus Athenis nullus esset poeta celebris uel tragicus uel comicus a quo Lenaea scripto aliquo in honorem Bacchi celebrarentur eiusque laudes decantarentur, Bacchum eam rem indigne ferentem fingit et ad inferos iter adornantem, ut Euripidem et Sophoclem tragicos ibi conueniant, quo utroque audito meliorem Athenas, quod Plutonis pace fieret, reuocet, a quo orgia sua solemnibus ludis exornentur.
Comme aux Dionysies à Athènes il n’y avait aucun poète tragique célèbre ni aucun comique susceptible de célébrer les Lénéennes avec une pièce en l’honneur de Dionysos et chanter ses louanges, il imagine un Dionysos supportant mal cette situation et préparant son voyage aux Enfers pour aller y rencontrer les tragiques Euripide et Sophocle et, après les avoir entendus l’un et l’autre, ramener le meilleur à Athènes, avec l’assentiment de Pluton, pour que ses orgies puissent être célébrées dans des jeux solennels.
Θάμυρις μαίνεται: ἐπὶ τῶν κατὰ σύνεσιν πρατ- τόντων τι, δοκούντων δὲ μαίνεσθαι. Προεγράφη ἡ ἱστορία εἰς τὸν Ἄμυριν, «Thamyris est fou : se dit de ceux qui font quelque chose en conscience en passant pour fous. L’histoire a d’abord été écrite sur Amyris ». La fable de Thamyris, aveuglé par les Muses pour les avoir défiées avec Apollon, est racontée par le Mythographe du Vatican, I, 194 ou par Pausanias 4.33.7 et par Érasme, sous la variante Amyris insanit (le même personnage sans le thêta initial de son nom, selon Érasme), où il est question de l’histoire toute différente d’Amyris le Sybarite.
SALMONEVS Salmoneus Aeoli filius, Sisyphi frater, cum tonitrua et fulmina imitaretur Iouis, sedensque quadrigam faces ardentes in populum mitteret et ciues, ob id a Ioue fulmine est ictus, « Salmonée, fils d’Éole, frère de Sisyphe, alors qu’il imitait le tonnerre et la foudre de Jupiter et que, assis sur un char, il envoyait vers son peuple et ses citoyens des torches enflammées, fut, pour cette raison, foudroyé par Jupiter ».