Aemilius Portus Fr. Porti Cretensis F. candido lectori S.
Aemilius Portus

Présentation du paratexte

Dans cette adresse au lecteur, Portus expose les principes qui ont guidé l’élaboration de son édition du poète comique, qui consistent essentiellement à débarrasser le texte transmis par les manuscrits des additions des commentateurs (« tout ce qui avait été déplacé a été de nouveau remis à sa place, §29), le maître-mot étant « restitutus », d’une part, et à éclaircir le texte à la lumière de travaux qui ont pour point commun d’être tous issus de la tradition grecque : la Souda, Hesychius, Eustathe, Pollux, Stéphane de Byzance, l’Etymologicum magnum etc. et par des conjectures ope ingenii. Cette démarche l’amène à supprimer les divisions en actes et scènes qu’avaient imposées les commentateurs humanistes, sous l’influence de Donat et Horace, au texte des comédies grecques (voir chapitre l’Invention des genres), pour se contenter de la division grecque et d’une liste de personnages par ordre d’apparition, puis dans le corps du texte indiquer les entrées de personnages et changement de sujet en majuscules. Le texte des scholies est précédé d’une rapide synthèse, les vers boîteux sont corrigés, tout comme la colométrie, et les scholies et sa connaissance des dialectes sont mis à contribution pour corriger le texte.

Cette édition est tout à fait originale par le souci dont fait preuve Portus de débarrasser le texte d’Aristophane des apports des commentateurs latins pour se limiter à celui des textes grecs.

Bibliographie :
  • Malika Bastin-Hammou, « Aemilius Portus, Greek Scholar and Latin Humanist. Some Reflexions on Aemilius Portus’s Edition of Aristophanes (1607) », in Vaios Vaiopoulos, Ioannis Deligiannis & Vasileios Pappas (ed.) Post-Byzantine Latinitas. Latin in post-Byzantine Scholarship (1453-1821), Brepols, Turnhout, 77-90.
Traduction : Sarah GAUCHER

Aemilius Portus Fr. Porti Cretensis F. candido lectori S.

Aemilius Portus, fils de Franciscus Portus de Crète adresse son salut au lecteur bienveillant.

En tibi, candide Lector, αὐτός, imo uero (ut Aristophanico uocabulo ordiar) αὐτότατος ὁ Ἀριστοφάνης 1 , qui dudum sub Aristophanis nomine delituit, hoc est, Aristophanis, quae nunc extant Comoediae, multifariam hactenus et mutilatae, et deformatae, summa diligentia instauratae, et pristino nitori (quantum fieri potuit) restitutae.

Voici pour toi, lecteur bienveillant, Aristophane en personne, ou même (pour commencer à la manière d’Aristophane) Aristophane dans toute sa personne, qui, il y a quelque temps, s'abrita sous le nom d’Aristophane, c’est-à-dire les comédies d’Aristophane qui ont survécu, jusqu’à présent en beaucoup d’endroits mutilées et déformées, rétablies avec une grande diligence et restituées (autant que faire se peut) dans leur éclat d’antan.

Quorum autem opera magnus hic, et propemodum Herculeus labor ad exitum satis felicem fuerit perductus, rem, ut habet, sincere narrabo.

Je dirai ouvertement par le soin de quels hommes ce travail immense et presque herculéen a abouti finalement à un ouvrage assez heureux.

Ante aliquot annos accidit ut nobilis quidam Gallus qui se (ea est hominis modestia) hic non patitur nominari, Lausanna iter faciens, ut longius progrederetur, ibi dies nonnullos sibi obiter terendos putarit, ut quorumdam ueterum amicorum precibus, ac uotis indulgeret.

Il y a quelques années, il est arrivé qu’un noble Gaulois qui ne souffre pas d’être nommé (telle est sa modestie) faisant route par Lausanne pour gagner une destination plus lointaine pensa qu’il pourrait chemin faisant y passer quelques jours afin de répondre aux prières et aux vœux de certains vieux amis.

Eius enim conspectus, et praesentia cum ob morum suauitatem, ac insignem uitae probitatem, tum quia nec ἄμουσος, nec ἀπαίδευτος et inter doctores habebatur, omnibus longe gratissima erat.

En raison de la douceur de son caractère et de la probité remarquable de sa vie mais aussi parce qu’il était considéré comme familier des Muses et érudit et compté au nombre des savants, sa compagnie et sa présence étaient de loin les plus agréables à tous.

Quoniam autem ipsum in primis linguae Graecae et amantissimum, et studiosissimum ab omnibus amicis praedicari intellexeram, ego, qui sum φιλέλλην, φιλόμουσος et φιλομαθής, summo desiderio amicitiae atque familiaritatis cum tanto uiro contrahendae flagrare coepi.

Or, puisque j’avais compris que tous ses amis le déclaraient amoureux de la langue grecque et très érudit en la matière, moi qui suis amoureux de la Grèce, des Muses et du savoir je commençai à brûler de l’immense désir de nouer une amitié et une relation avec un si grand personnage.

Quod non admodum difficile fuit, si quidem ambo συμπάθειᾳ quadam affecti bonas literas amore pari prosequebamur.

Et cela ne fit pas grande difficulté, puisque, touchés par une même disposition, nous poursuivions tous deux les belles lettres d’un amour égal.

Non multo post, cum in amici communis aedibus una pranderemus, inter familiaria uariis de rebus colloquia, ut est moris, sermo factus est de Poetis Graecis.

Peu de temps après, alors que nous dînions ensemble dans la maison d’un ami commun, au milieu de conversations amicales sur des sujets variés, comme il est de coutume, on en vint à parler des poètes grecs.

Tunc ille summis laudibus Aristophanem euehere, tum ob ingenii acumen, et festiuitatem, tum quod in eo praecipue linguae proprietas, et Atticus lepos ubique eluceret.

Et lui de porter aux nues Aristophane avec les plus grandes louanges, tant en raison de la finesse et de l’allégresse de son esprit que parce que la propriété de sa langue et le sel attique luisaient partout chez lui.

Addebat illius lectione (qua uel maximum illud Theologorum lumen Iohannem Chrysostomum olim delectatum ferunt2) se quoque mirifice delectari, et illius frequenti repetitione multa, quae in uulgatis exemplaribus deprauata leguntur, emendasse.

Il ajoutait qu’il s'était merveilleusement délecté de la lecture du poète (dont on raconte que même Jean Chrysostome, illustre et immense lumière des théologiens, tira jadis du plaisir) et qu’en réitérant l’opération fréquemment, il avait corrigé bien des passages qu’on lit fautifs dans les éditions disponibles.

Multa in antiquis scholiis aut omissa, aut negligentius tractata explicasse, ac illustrasse.

Qu’il avait expliqué ou illustré bien des passages manquants dans les scholies antiques ou traités avec trop de négligence.

Quin etiam in duas postremas Comoedias, quae ad hoc usque tempus nudae in lucem prodierant, iustos, et accuratos commentarios ad reliquarum normam iam pridem construxisse.

Que, bien plus, pour les deux dernières comédies qui jusqu’à présent étaient parues sans explications, il avait élaboré il y a déjà quelque temps des commentaires justes et précis, imités de ceux des autres pièces.

Horum ut fidem faceret Aristophanem a famulo in medium afferri iussit, in cuius margine multa manu annotata, multa diuersis foliis seorsum, et passim, ut tumultuarie inter legendum sese obtulerant, descripta extabant.

Pour donner foi à ses propos, il ordonna qu’un serviteur apporte son Aristophane, dans la marge duquel on trouvait beaucoup d’annotations manuscrites, beaucoup de notes sur des feuilles diverses à part, et partout écrites dans le désordre où elles s’offraient à la lecture.

Cum autem haec oculis raptim pro temporis exiguitate percurrissem, statim animaduerti iuuentutem linguae Graecae studiosam, non paruam utilitatem, doctiores uero non leuem uoluptatem inde percepturos.

Or, alors que je les avais parcourues du regard à la hâte, considérant le peu de temps dont je disposais, j’ai aussitôt vu que les jeunes étudiants de la langue grecque en tireraient une grande utilité et les plus savants un grand plaisir.

Illud igitur oraui ut haec mihi per otium accuratius legenda ac perpendenda permitteret.

J’ai donc demandé qu’il me permette de lire et d’étudier plus précisément ces écrits pendant mon loisir.

At is recusare, et negare dignam esse rem, quae in hominum conspectum ueniret, quod haec, dum esset iunior, animi gratia, utque Aristophanem sibi familiariorem, ac notiorem redderet, sibi soli ceu quoddam Atticae linguae penum parasset.

Mais lui de refuser et de dire que ce travail n’était pas digne de paraître aux yeux des hommes parce qu’il l’avait fait pour lui seul durant sa jeunesse pour son seul esprit et pour se rendre Aristophane plus familier et plus connu, comme une provision de langue attique.

Scopas esse dissolutas, aliquando fortasse melius colligandas, ac proinde intra bibliothecae claustra continendas.

Que ces brindilles étaient disparates, qu’elles devraient peut-être être un jour être ramassées de meilleure façon et ensuite être enfermées entre les murs d’une bibliothèque.

Multa alia huiusmodi afferebat.

Il alléguait de nombreuses autres raisons de ce genre.

Tandem tamen meae et amicorum, qui tum aderant, sententiae, precibusque cedens, Imo, inquit, mi Porte, fac ut lubet.

Cependant, cédant finalement à mes demandes et mes prières et à celles des amis qui étaient présents, il dit : « Très bien, cher Portus, fais comme il te plaît.

Quicquid id est, hoc tuo arbitrio et censurae committo.

Quoi que ça vaille, je le confie à ton jugement et à ta censure.

Si ex his leuioribus magis aliquid in commune literatorum commodum putas accessurum, tibique tantum superest otii, ut tua lima expolire, et exornare, atque adeo inchoatum opus absoluere et uelis, et possis, esto, per me licet, in lucem etiam haec, qualiacumque tandem futura sunt, emittas, ea tamen lege, ut nomini parcas.

Si tu penses que quelque chose pourra être tiré de ces écrits assez légers pour le profit commun des gens de lettres et qu’il te reste assez de loisir pour vouloir et pouvoir polir de ta lime cet ouvrage, l'embellir et terminer ce qui a été commencé, soit, je le veux bien, publie aussi ces remarques, quelle que soit finalement leur qualité, à condition cependant d’épargner mon nom.

Nunc enim ita comparatum uidemus hominum ingenium, ut horum plerique habita personae, non rei ipsius ratione, non quid dicatur, aut fiat : sed a quo dictum, aut factum sit, spectantes, beneuoli aut maleuoli potius quam sinceri, et ueri scriptorum sint iudices ac censores.

En effet, nous voyons à présent que l’esprit des hommes a été disposé de manière à ce que la plupart d’entre eux, tenant compte de la personne et non de la réalisation, non de ce qui est dit ou fait mais de qui le dit et qui le fait, sont bienveillants ou malveillants plutôt que sincères et véritables juges et censeurs des écrits.

Quid multis opus ?

Quel besoin d’en dire davantage ? »

Accepta ego conditione domum reuersus operi manum admouere coepi, diligentius singula perpendens, et in ordinem redigens.

Après avoir accepté cette condition, moi, une fois rentré chez moi, je commençai à me mettre à l’ouvrage, pesant avec soin chaque mot et rédigeant dans l’ordre.

Hoc certe ingenue fatebor me in his Aristophanicis obseruationibus sexcentos locos, qui ante aut deprauati, aut minus perspicui erant, summo cum iudicio, et incredibili dexteritate, ac felicitate correctos inuenisse.

Certainement, j’avouerai sans fard que j’ai trouvé dans ces observations sur Aristophane mille passages qui auparavant étaient fautifs ou moins clairs corrigés avec un remarquable jugement, une dextérité et une félicité incroyables.

Si quid tamen hic deesse uidebatur (ut certe non pauca deerant) id ego pro uiliri addere, et opus Marte meo perfectius reddere sum conatus, ut res ipsa fidem aperte faciet.

Si cependant il semblait manquer une remarque (comme il en manquait sans nul doute beaucoup), je m’efforçai, moi, de l’ajouter selon mes forces et de rendre de mon propre chef l’œuvre plus parfaite, comme le résultat en fera la preuve.

Quamobrem illud ausim non arroganter asseuerare nullos, aut perpaucos remansisse intactos, nisi si qui forte Œdipo coniectore indigeant.

Pour cette raison, j’oserais modestement affirmer qu’aucun passage ou presque n'est demeuré sans traitement, à moins de réclamer d’aventure un interprète tel qu’Œdipe.

Porro quid in hac editione tibi nunc exhibeatur accipe.

En outre, apprends ce qui t’est à présent donné à voir dans cette édition.

Primum poetae textus innumeris in locis fideliter et religiose emendatus, quod et in ipsis antiquis scholiis accurate factum comperies.

C’est d’abord le texte du poète, corrigé dans d’innombrables passages fidèlement et religieusement, ce que tu trouveras aussi fait avec précision dans les scholies antiques.

Quicquid transpositum erat, id in suas sedes denuo reductum.

Tout ce qui en avait été transposé a été de nouveau remis à sa place.

Quicquid omissum, aut obscurius declaratum, hoc additum, et dilucidius explicatum, et asterisco notatum, ut a scholiis iam uulgatis discerneretur.

Tout ce qui y a été omis ou a été énoncé trop obscurément a été ajouté, expliqué plus clairement et noté d’un astérisque pour être distingué des scholies déjà éditées.

Interpunctiones suo loco non collocatae, quae sensum plerumque peruertebant, ubique restitutae, omnis uocum κακογραφία sublata.

Les séparations mal placées, qui pervertissaient la plupart du temps le sens, ont été partout remises à leur place, toute les « cacographies » des mots ont été retirées.

Personarum interloquentium multis in locis nomina transposita et perturbata, in suas sedes reducta.

Les didascalies des personnages des dialogues, intervertis et corrompus en bien des endroits, ont été remis à leur place.

Postremae duae Comoedia ab initio ad finem usque nouis, ac amplis commentariis illustratae.

Les deux dernières comédies ont été, du début à la fin, illustrées de commentaires riches et inédits.

Qua in re cum alios multos, tum uero praecipue Suidam, Hesychium, Eustathium, Iulium Pollucem, Stephanum περὶ πόλεων, τὸ μέγα ἐτυμολογικόν, Sophoclis, Aeschyli, Euripidis graecos commentatores, Srabonem, Athenaeum, et Pausaniam, prout, unusquisque aliquid ad rem praesentem dicere uidebatur, maxima fide, et diligentia sumus secuti.

Sur ce point, nous avons suivi très fidèlement et précautionneusement nombre d’autres auteurs, mais surtout Suidas, Hesychius, Eustathius, Julius Pollux, Stéphane de Byzance, Sur les cités, Etymologicum magnum, les commentateurs grecs de Sophocle, Eschyle et Euripide, Strabon, Athénée et Pausanias, dans la mesure où chacun semblait apporter quelque élément à la présente affaire.

Quicquid ex horum scriptis depromi non potuit, hoc ipsum nos firmissimis iudicii coniecturis nixi, sensus, et mentis poetae ratione habita, pro uirili suppeditauimus.

Tout ce qui n'a pas pu être tiré de leurs écrits, nous, après nous être fondé sur les conjectures les plus assurées de notre jugement, nous l’avons fait figurer selon nos moyens, en tenant compte du sens et de l’esprit du texte.

Quoniam uero Comoediarum partitiones a Latinis receptae sub his nominibus, Actus primus, scena prima, et deinceps, in nullo graeco exemplari reperiuntur : sed integrae Comoediae sine illa huiusmodi distinctionis nota manifesta descriptae leguntur, quod maximam obscuritatem, ac anxietatem lectori parit, operae pretium nos facturos duximus, si relictis uocabulis, ne quid peregrini in Graeciam inuehere uideremur, rem ipsam simpliciter aperiremus.

Mais puisque les divisions des comédies qu’ont admises les Latins sous les noms d’acte 1, de scène 1, etc. ne se trouvent dans aucun exemplaire grec, mais qu’on y lit des comédies entières où ne figurent aucun marque manifeste de ce type de distinction, ce qui plonge le lecteur dans une obscurité et une anxiété immenses, nous avons pensé que nous cela valait la peine, si, abandonnant ces termes pour ne pas sembler introduire des éléments étrangers dans le grec, nous faisions apparaître simplement ses distinctions.

Id autem hoc modo commode fieri posse uisum est.

Or, cela peut, semble-t-il, être fait sans mal de la manière qui suit.

Ante omnia statim post cuiusque Comoediae argumentum collocata est accuratior, quam prius, personarum descriptio, idque eo ordine, quo in scenam prodeunt.

Avant tout, une description des personnages plus précise qu’auparavant a été placée aussitôt après l’argument de chaque comédie, et cela dans l’ordre où ils apparaissent sur la scène.

In toto Comoediae contextu, quoties occurrit personarum aut mutatio, aut accessio, aut quoties noua materia tractari incipit, prima primi uersus uox maiusculo charactere notatur, et in ipsa fronte ipsorum interlocutorum nomina praefiguntur, ut et a Latinis factitatum uidemus.

Dans le texte tout entier de la comédie, chaque fois qu’intervient un changement de personnages ou une entrée, ou chaque fois qu’on commence à parler d’un nouveau sujet, le premier mot du premier vers est noté en caractère majuscule et le nom des personnages figure en tête, ainsi que nous le voyons faire chez les Latins.

In scholiis uero ante uocum interpretationem ponitur breue aliquod argumentum, quod rerum quae ibi continentur, summa capita declarat, quod maximam poetae lucem affert, et lectorem ad eius lectionem magis allicit.

Dans les scholies, avant le commentaire des mots est placé un bref résumé qui rappelle l’essentiel des éléments qui s'y trouvent, ce qui éclaire grandement le poète et gagne davantage le lecteur à sa lecture.

Sic enim facetiae, et Attici illi lepores, et sales, qui prius in Aristophane delitescebant, melius agnoscuntur.

Ainsi en effet, les plaisanteries et les charmes attiques et les sels qui auparavant se tenaient cachés dans Aristophane sont mieux identifiés.

Illud etiam silentio minime praetereundum, uersus omnes diligenter examinatos, et quos potuimus sine sensus, et constructionis iactura leuissima uulgatae lectionis mutatione facta, ad legis metricae regulas sincere reuocatos : horum enim plurimi ante claudicabant, syllaba, aut etiam pede integro breuiores, uel longiores.

Il ne faut surtout pas passer sous silence que tous les vers ont été examinés avec attention et que ceux que nous avons pu, sans perdre de sens et de construction, corriger en opérant un léger changement dans la leçon éditée, ont été ramenés sans altération aux règles de la métrique : un très grand nombre de ces vers, en effet, étaient auparavant boîteux, trop longs ou trop courts d’une syllabe voire d’un pied entier.

Quod ut plurimum accidisse uidebatur uel propter articuli necessarii aut particularum indeclinabilium (quales sunt, ἄν, αὖ, γε et alia huiusmodi) praetermissionem, aut propter earumdem superfluam additionem.

Or, cela semblait le plus souvent être arrivé ou en raison de l’omission d’un article nécessaire ou de particules indéclinables (par exemple, ἄν, αὖ, γε ou d’autres de ce genre) ou à cause de leur ajout superflu.

Item propter adiectionem, aut detractionem literae ν quae nominum, et participiorum datiuis pluralibus addi solet, ut ἀνδράσιν pro ἀνδράσι et contra, et τύπτουσιν pro τύπτουσι et contra, et uerborum tertiis personis pluralis numeri, ut λέγουσιν pro λέγουσι et contra.

Il en allait de même à cause de l’ajout ou de l’ellipse de la lettre ν, qui est d’habitude ajoutée au datif pluriel des noms et des participes, par exemple ἀνδράσιν pour ἀνδράσι et inversement et τύπτουσιν pour τύπτουσι et inversement, et à la troisième personne du pluriel des verbes, par exemple λέγουσιν pour λέγουσι et inversement.

Hinc fiebat ut metri structura corrumperetur, dum pes ex huiusmodi syllaba et sequente confectus suis temporibus careret, ac in locum Iambi succederet trochaeus aut spondaeus, aut alius pes metro contrarius, praeter ipsius poetae mentem, qui alioqui metricae rationis et peritissimus, et obseruentissimus ab omnibus censetur.

De là il arrivait que la structure du mètre était fautive, pendant que le pied formé d’une syllabe de ce type et de la suivante manquait de ses temps et qu’à la place d’un iambe on trouvait un trochée ou un spondée ou un autre pied incompatible avec le mètre, contre l’esprit du poète lui-même que tous considèrent par ailleurs comme tout à fait savant et respectueux de la métrique.

Erat et alius frequens error, quem typographorum incuria in ipsum poetae textum irrepere passa fuerat, quum uidelicet duarum syllabarum κῶλα ut αἰϐοῖ, ut οἴμοι ut ἰού aut μονομέτρα ut ἰού, ἰού et similia, quae separata linea scribenda erant, perperam cum sequenti uersu confundebantur, aut praecedenti annectebantur.

Il y avait aussi une autre erreur fréquente, que l’incurie des imprimeurs avait toléré de voir s’insinuer dans le texte du poète, lorsque, bien entendu, des coma de deux syllabes, comme αἰϐοῖ, οἴμοι, ἰού ou des monomètres, comme ἰού, ἰού etc., qui devaient être écrits sur une ligne à part, étaient fautivement confondus avec le vers suivant ou mis à la suite du vers précédent.

In strophis etiam, et antistrophis, quae breuioribus uersibus constare solent, saepe duo uersus in unum coaluerant, et contra unus in duos perperam resolutus erat.

Dans les strophes et les antistrophes également, qui sont d’habitude constituées de vers plus courts, on avait souvent lié deux vers pour n’en former qu’un, et inversement on en avait fautivement scindé un en deux.

Nonnulla etiam in ipso poetae textu scholiorum lectionem secuti, correximus.

Suivant la leçon des scholies, nous avons également corrigé plusieurs passages dans le texte du poète.

Multa etiam, praecipue uero in extremis Comoediis sunt emendata, quae a uariarum dialectorum imperitis hominibus non correcta, sed deprauata uideri potuissent.

De nombreux passages qui auraient pu être considérés par des hommes ignorants des divers dialectes comme exempts de correction et corrompus ont aussi été corrigés, surtout dans les dernières comédies.

Videndum enim erat, et attente perpendendum quinam essent qui loquebantur.

En effet, il fallait voir et peser attentivement l’identité des locuteurs.

Nam plerumque Thessalus, aut Lacon, aut Acharniensis, aut Atheniensis, aut Boeotus, urbanus, aut rusticus, doctus, aut indoctus, uir, aut mulier, dominus, aut seruus aliquis in scenam introducitur, qui pro uaria personae sexus, fortunae, regionis, urbis, locique conditione, uario etiam utitur sermone, quod Aristophanes consulto uoluit obseruare, ut unicuique, quod suum est, attribueret, atque τὸ πρέπον seruaret, et si quid praeter decorum et eruditum loquendi genus afferretur, risum inde captaret, quod Comici sibi potissimum proponunt.

En effet, la plupart du temps un Théssalien, un Lacédémonien, un Acharnien, un Athénien, un Béotien, un habitant de la ville, un paysan, un savant, un ignorant, un homme, une femme, un maître, un esclave est introduit dans une scène : selon la différence de sexe, de fortune, de région, de ville, de position du personnage, ce dernier emploie également une langue différente, ce qu’Aristophane a voulu respecter à dessein, de sorte qu’il attribue à chacun le langage qui est le sien et qu’il préserve le décorum, et que, s’il introduit un écart vis-à-vis du décorum et d’une façon de parler instruite, il provoque le rire, ce qui est l’objectif premier des comiques.

In nonnullis etiam Comoediis argumenta, quae uersibus conscripta fuerant, et tamen perpetua linearum serie non aliter ac oratio soluta legebantur, rursus distincta sunt, ad pristinos legis metricae numeros reuocata.

Dans certaines comédies, les arguments qui avaient été écrits en vers mais qu’on lisait cependant sur lignes continues, comme si on lisait de la prose, ont été de nouveau séparés, ramenés à leur ancienne forme métrique.

Idem etiam factum in uariis uariorum poetarum uersibus, qui sparsim in uetustis scholiis ita erant scripti, et confusi, ut non uersus, at oratio soluta uiderentur.

On a également fait de même dans divers mètres de divers poètes qui avaient été écrits et réunis çà et là dans les anciennes scholies, de sorte qu’ils semblaient être non des mètres mais de la prose.

Item nonnullae historiae ex diuersis auctoribus allatae, et tamen corruptae, ex ipsis archetypis sunt restitutae.

De même, certains récits rapportés par divers auteurs et cependant corrompus ont été restitués selon l’original.

Haec sunt, candide lector, quae in hac nouissima huius poetae editione praestitimus.

Voilà, lecteur bienveillant, ce que nous avons proposé dans cette toute nouvelle édition du poète.

Quod si quis uerbis nostris fidem habere nolit, hanc saltem cum ceteris omnibus conferre ne grauetur.

Et si on ne veut pas avoir foi en nos déclarations, qu’on ne répugne pas du moins à les comparer avec toutes les autres.

Tunc enim longe plura quam quae a nobis sunt dicta reapse reperiet.

En effet, on y trouvera de loin plus de choses que ce que nous avons dit.

Interea uero haec, qualiacumque sunt, aequi, bonique consule, et iis, qui tantum laborem utilitatis publicae causa non sine graui molestia tolerarunt, gratus gratiam habe.

Mais entre-temps, ces apports, quelle que soit leur qualité, évalue-les avec un regard juste et bon et, reconnaissant envers ceux qui ont supporté non sans peine ce si grand travail d’utilité publique, gratifie-les de ta reconnaissance.

Vale.

Adieu.


1. Ar., Pl. 83.