Iohannis Petri Vallae in plautinas comoedias commentationes.
[s. n.]

Présentation du paratexte

Voir l’analyse du volume ici : http://incunables.bodleian.ox.ac.uk/record/P-356

Le volume réunit deux ensembles bien distincts, le premier dû à Joannes Petrus Valla (avec paratextes et commentaires), le second à Bernardus Saracenus (avec paratextes, textes des comédies et commentaires). Dans la présente liminaire, Giorgio Valla, fils adoptif du grand humaniste Giorgio Valla dont il publia les œuvres, retrace d’abord la genèse de son travail – et rappelle le rôle essentiel que jouèrent les lectures publiques de son père – puis présente l’une des premières synthèses humanistes sur Plaute et le genre comique des Anciens.

Bibliographie :
  • A. Raschieri, « Giorgio Valla Editor and Translator of Ancient Scientific Texts  », dans Greek Science in the Long Run: Essays on the Greek Scientific Tradition (4th c. BCE – 17th c. CE), editor, pubPlace, publisher, date, p. 127-149.
  • A. Raschieri, « Cicero in the Encyclopaedia of Giorgio Valla  », dans Ciceroniana on line, IV,2, editor, date, p. 317-335.
  • A. Raschieri, Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 98, date.
Traduction : Mathieu FERRAND

Iohannis Petri Vallae in plautinas comoedias commentationes.

Commentaires de Johannes Petrus Valla sur les comédies de Plaute.

Plautinas uiginti comoedias (nam plures nostra tempestate non comparent) soli patri meo cunctas publice professo, Venetiis multi quidem operam dedere, quaeque ipse docuit aperuitque, ut alia pleraque, exceperunt, sed alii aliorsum pro animi libidine ac etiam ut facultas tulit et occasio annotarunt.

De mon père qui, à lui seul, professa publiquement la totalité des vingt comédies de Plaute (car à notre époque on n’en possède pas davantage), beaucoup de Vénitiens, assurément, ont suivi les cours, et tout ce que lui-même a enseigné et exposé, comme beaucoup d'autres choses, ils l’ont recueilli ; mais tous ne l’ont pas pris en note de la même manière, chacun a suivi ses propres goûts, voire ses facultés et les circonstances.

Fuerunt namque qui sibi duntaxat scriberent, et suis domi contenti coniectaneis fruerentur.

De fait, certains écrivaient seulement pour eux-mêmes, et, satisfaits, jouissaient chez eux de leurs conjectures.

Fuere qui excepta ab ipso aliis prodere conati sunt, quorum scripta cum eorum quae a patre meo tradita erant uix quandam ne quid grauius dicam referrent imaginem.

D’autres ont entrepris de faire connaître aux autres des extraits de ses travaux ; mais leurs écrits donnaient à peine l’idée – pour ne rien dire de plus désobligeant – de ce que m’avait transmis mon père.

Censuimus ne qua demum patri meo incuriae culpa inureretur quam celerrime a nobis fieri potuit prouidendum.

Nous avons donc jugé qu’il fallait veiller, aussi vite qu’il nous était possible, à ce que l’on n’incrimine pas mon père d'incurie.

Testes enim sunt mihi aliquot condiscipuli non plus trimestri spatio pauculis hisce colligendis atque conscribendis fideliterque tradendis quam maxime a me tam angusto tempore fieri potuit adhibuisse, repetita quae olim hauseram notaramque memoria, ut aliquanto ante haec conscripserim quam illae exceptae notationes fuerint impressae.

Quelques condisciples témoigneront pour moi de ce que, en moins d’un trimestre, je me suis appliqué, autant qu’il était possible en si peu de temps, à collecter, rassembler et transmettre fidèlement le petit nombre de ces notes que j’avais autrefois recueillies et fixées pour mémoire, de telle sorte que ces annotations fussent rassemblées avant que d'autres ne fussent recueillies et imprimées.

Aliquando uberiora scripturus commentaria, cum plus otii nacti fuerimus.

Un jour, j’écrirai plus abondamment sur le sujet, lorsque nous trouverons le temps.

Nam Venetiis quem fugiat est nemo qua utique diligentia pater meus omnia semper fuerit interpretatus, neque tamen, ut in meridie, quo uetus usurpem adagium1, lucernam succendamus sed in aliquatenus a multitudine remotioribus commoremur, quod nunc properando non facere adacti sumus.

De fait, on ne trouve personne à Venise qui ignore avec quelle diligence mon père, lui, a toujours tout commenté. Mais n’allumons pas la lumière comme en plein midi – pour reprendre le vieil adage – tenons-nous plutôt, encore un peu, à l’écart de la foule : rien ne nous oblige pour l’heure à agir dans la hâte.

Denique hoc tantisper propere editum in his latinae linguae angustiis moliri (ut remur) minime improbandum compellimur, quando non modo Varro, Sisenna, Charisius, Donatus, Seruius et plerique alii litteratores periere, qui hunc laborem, atque ut nunc sic loquar mendicabula si uiuant nobis exemerint.

En somme, nous ne sommes pas du tout forcés, croyons-nous, d’offrir en hâte une publication qui, pour l’heure – à cause des difficultés du latin – mérite la critique, puisque Varron, Sisenna, Charisius, Donat, Servius mais aussi de nombreux autres auteurs ont péri, qui nous auraient épargné, s’ils vivaient, ce travail, et, si j’ose dire désormais, ces « errances ».

Quin immo ne quidem Plautum ipsum nobis habere contigit nisi concisissimum, atque quod superest deprauatum.

En outre, il ne nous est pas même donné de lire Plaute sans ses nombreuses lacunes, et sans corruption ce qui a été conservé.

Nos tamen in tanta rerum difficultate has pauculas censuimus ex Plauto reliquias potius quam nullas quoquo fieri modo posset tanquam sancti alicuius uiri ossa esse colligendas.

Néanmoins, malgré de telles difficultés, nous avons pensé qu’il fallait rassembler le peu que nous avons gardé sur Plaute, plutôt que d’y renoncer, quelle qu’en puisse être la manière, comme on le ferait des os de quelque saint homme.

Nam licet diuus Hieronymus super Eusebio dicat « Plautus ex Vmbria Sarsinas Romae moritur, qui propter annonae difficultatem ad molas manuarias pistori se locauerat ; ibi quotiens ab opere uacaret scribere fabulas et uendere sollicitus consueuerat ». 2

Certes, saint Jérôme écrit, s’appuyant sur Eusèbe : « Plaute, né à Sarsina, en Ombrie, est mort à Rome ; à cause de difficultés pour subvenir à ses besoins, il avait loué ses services à un boulanger pour pousser ses meules à bras ; là, à chaque fois qu’il avait un moment libre, il avait pris l’habitude d’écrire des pièces et de les vendre. »

Nempe tantum a fortuna uexatus, ut Homerus ut plerique alii uiri doctissimi.

Oui, il fut vraiment accablé par le sort, comme Homère et un très grand nombre d’hommes de savoir !3

Nihil tamen de diuina eius minuitur eloquentia quandoquidem doctissimorum uirorum consensu in eo dicendi genere primas tenet.

Cependant, il ne perdit rien de sa divine éloquence puisqu’assurément, selon l’avis unanime des savants, il tient les premiers rangs dans l’art de la parole.

Caecilio ex decem comicis latinis ob grauitatem solum primus tribuitur locus. Ceteros in secundo loco superare facile conceditur4, ut non iniuria dixerit Varro Musas Epistolonis sententia Plautino sermone loquuturas fuisse si latine loqui uellent 5, cui etiam accedere uidetur Quintilianus, astipulari Aulus Gelius quando quidem Plautum Romani eloquii delicias6, appellauit, Macrobius quoque cum animaduerto inquit duos quos eloquentissimos antiqua aetas tulit comicum Plautum, et oratorem Tullium in iocorum uenustate aliis praecelluisse 7 .

Parmi dix comiques latins, on attribue la première place à Cécilius, pour sa gravité. À la seconde place, on convient que [Plaute] surpasse aisément tous les autres, puisque Varron a dit, non sans raison, que les Muses, selon l’avis d’Epistolon, « parleraient la langue de Plaute, si elles parlaient latin ». Quintilien semble d’accord avec cela, comme Aulu-Gelle quand il appelle Plaute « délices de la langue de Rome », de même Macrobe lorsqu’il dit « je remarque que deux des auteurs que l’Antiquité a tenus pour les plus éloquents, Plaute le comique et Cicéron l’orateur, l’emportent par le charme de leurs plaisanteries. »

Plautus etenim ea re clarus fuit, ut comoediae quae post mortem eius incertae ferebantur de iocorum copia dicendique uenustate Plautinae notae fuerint ac de Plauto hactenus.

De fait, Plaute fut aussi célèbre en cela, si bien que certaines des comédies dont, après la mort de Plaute, l’auteur demeurait incertain lui furent attribuées car les plaisanteries y étaient nombreuses et l’expression en était agréable ; mais c’est assez à propos de Plaute.

Iam de comoedia paucula colligamus.

Maintenant, rassemblons le petit nombre des informations que nous avons collectées sur la comédie.

De comoedia.

Sur la comédie.

Comoediam igitur Aristotelis sententia Megarenses sibi asciuerunt illic siquidem erat poeta Epicharmus et Phormis. Principium namque ex Sicilia uenit sicut apud Athenienses Crates primus incepit.Alii in Peloponnesso argumentum a nomine capiendo « comas » siquidem uocari aiunt ab illis colonos unde et comoedia.8

Donc, les habitants de Mégare, d’après Aristote, revendiquent la comédie car ils comptaient parmi eux les poètes Epicharme et Phormis.Ainsi elle a pris son origine en Sicile ; de même chez les Athéniens, Cratès fut le premier à en composer. D’autres prétendent dans le Péloponnèse que, comme leurs paysans sont nommés par eux-mêmes comai, c’est de là aussi que vient le nom de « comédie ».

Alii comoediam a comissando idest epulando.

D’autres encore affirment que le mot « comédie » vient du verbe comissari, c’est-à-dire « banqueter ».

Athenienses autem suam esse uolunt et a uicis appellatam ; comas enim illi uicos uocant.

Les Athéniens quant à eux veulent qu’elle soit athénienne et qu’elle tire son nom de leurs villages, qu’ils appellent en effet comai.

Inde etiam sumunt argumentum Peloponnenses quod dramata eiusmodi dicantur fabulamenta, quoniam quod ipsi dran idest facere dicant Athenienses non dran, sed prattein. Comoedia inquit Aristoteles est improborum imitatio non per omne uitium, sed turpitudinis pars ridicula.9

Mais les Péloponnésiens tirent argument de ce que les petites pièces de ce genre sont appelées drames, puisque ce qu’eux-mêmes nomment dran, c’est-à-dire « faire », les Athéniens ne le nomment pas dran, mais prattein. Aristote dit que la comédie est une imitation des hommes sans vertu, prenant pour objet non pas le vice dans son ensemble, mais la partie risible du laid.

Ridiculum namque est delictum quoddam atque turpitudo doloris expers uelut ridicula facies turpe quiddam citra dolorem.

De fait, le risible est une espèce de défaut et de laideur dépourvue de douleur comme un visage risible est laid sans exprimer de douleur.

Tradunt alii comoediae, tragodiae, satyrae et mimorum initium a rusticanis hominibus apud Athenienses diuitum conquerentibus iniurias, et primo uersus confinxisse Sussarionem et inde consecutos qui priscam scripsere comoediam de quibus Horatius, Eupolis atque Cratinus Aristophanesque poetae atque alii quorum comoedia prisca uirorum est 10 .

Certains rapportent que la comédie, la tragédie, la satire et les mimes tirent leur origine des paysans, autour d’Athènes, qui se plaignaient des injustices sociales, que Sussarion, le premier, composa des vers comme ceux qui, ensuite, firent l’ancienne comédie. Horace écrit à leur propos : « Les poètes Eupolis, Cratinus, Aristophane et d’autres qui furent maîtres de l’ancienne comédie. »

Secundo tempore successit mitior comoedia, ut Menandri, et Philemonis ita aliorum.

Dans un second temps, vinrent des comédies moins virulentes, comme celles de Ménandre, Philémon et d’autres.

Alii a diuinis rebus principium fuisse putauerunt, quemadmodum et tragoediae quibus pro fructibus collectis operantes uota soluerent antiqui.

Certains ont pensé que la comédie avait une origine religieuse, tout comme la tragédie par laquelle, après la récolte, les Anciens s’acquittaient de leurs vœux.

Nam succensis altaribus et admoto hirco id genus carminis sacer chorus Baccho reddebat, unde et Horatius : « uilem certauit ob hircum. » 11

De fait, après avoir mis le feu sur l’autel et fait venir le bouc, un vénérable chœur célébrait Bacchus par ce genre de poème, d’où aussi les mots d’Horace : « il concourut pour un vulgaire bouc ».

Inde tragoediam dici uoluerunt ἀπὸ τοῦ τράγου hoc est ab hirco, uel quod hirco donarentur, uel quod hirci uter musto plenus solemne praemium cantoribus foret 12, unde et Horatius : « unctos saluere per utres. » 13

À partir de là, on a voulu que la tragédie soit tire son nom de τράγος, c’est-à-dire, « bouc », soit parce qu’on offrait un bouc, soit parce qu’une outre en peau de bouc, pleine de moût, était remise aux chanteurs comme solennelle récompense, d’où encore Horace : « sauter sur des outres huilées ».

Alii autem tragoediam dictam putant quod tryga faecem Graeci uocant siquidem ante personas ab Aeschylo inuentas faece ora inquinabant.

D’autres pensent que la tragédie est appelée ainsi parce que les Grecs appellent la lie « tryx » puisqu’ils souillaient leurs bouches avec de la lie avant l’invention des masques par Eschyle.

Inde Horatius : « Ignotum tragicae genus inuenisse Camenae Dicitur et plaustris uexisse poemata Thespis Quae canerent agerentque peruncti faecibus ora.Post hunc personae pallaeque repertor honestae, Aeschylus et modicis instrauit pulpita tignis.Edocuit magnumque loqui nitique cothurno.Successit uetus his comoedia non sine multa Laude sed in uitium libertas excidit et uim Digna lege regi ; lex est accepta chorusque Turpiter obticuit sublato iure nocendi. » 14

De là, Horace dit : « Thespis, dit-on, découvrit le genre alors inconnu de la tragique Camène et conduisit sur des chariots ses poèmes que chantaient et jouaient des acteurs au visage couvert de lie. Après lui, Eschyle, inventeur du masque et de la robe d’apparat, fit dresser des tréteaux sur de modestes planches. Il enseigna à parler avec grandeur et à monter sur le cothurne. Vint à leur suite l’ancienne comédie, accueillie avec beaucoup de faveur, mais la liberté y tomba dans l’excès et la violence, et mérita d’être réprimée par la loi. Une loi fut donc approuvée et le chœur se tut, honteux, privé du droit de nuire. »

Thesphin quidem primum scripsisse tragoedias multi tradiderunt : sed Plato in Minoe ante Thesphin fuisse tradit tragoedias.15

Beaucoup ont rapporté que Thespis fut assurément le premier auteur de tragédies, mais Platon dans le Minos a rapporté qu’il y eut des tragédies avant Thespis.

Satyras scripserunt Graeci carmine iambico fabulas : quas a satyris id est rusticis, illotis atque petulantibus nominarunt unde et Horatius :

Les Grecs ont écrit les pièces satyriques en rythmes iambiques, qu’ils appellent ainsi à cause des satyres, c’est-à-dire de personnages rustiques, sales et impudents, d’où les mots d’Horace :

« Mox etiam agrestes satyros nudauit et asper Incolumi grauitate iocum temptauit, eo quod Illecebris erat, et grata nouitate morandus Spectator functusque sacris et potus et exlex.Verum ita risores ita commendare dicaces Conueniet satyros ita uertere seria ludo Ne quicunque deus, quicumque adhibebitur heros, Regali conspectus in auro nuper et ostro, Migret obscuras humili sermone tabernas. » 16

« Bientôt aussi on présenta nus d’agrestes satyres, et avec rudesse, mais sans se départir d’une certaine gravité, on se risqua à la plaisanterie ; car il fallait retenir par des charmes et par une agréable nouveauté le spectateur qui, après s’être acquitté des sacrifices, se trouvait ivre et sans frein. Mais il conviendra de rendre acceptables les satyres railleurs et moqueurs et de passer du sérieux au plaisant, de sorte qu’aucun dieu ou héros, vêtu jadis d’or et de pourpre royale, ne tombe , à cause de son humble langage, au niveau des boutiques obscures. »

Aliter apud Latinos Lucilius, quem secuti Horatius, Persius, Iuuenalis, sicut et a comoedia aliam quoque secuti rationem, unde Horatius :

Chez les Latins, Lucilius fit autrement ; Horace, Perse et Juvénal l’imitèrent ; de la même façon, on suivit d’autres préceptes que ceux de la comédie, d’où les mots d’Horace :

« Nil intentatum nostri liquere poetae, Nec minimum meruere decus uestigia graeca Ausi deserere et celebrare domestica facta, Vel qui praetextas uel docuere togatas. » 17

« Il n’est rien que nos poètes n’aient tenté, et ils n’ont pas eu de moindre mérite ceux qui, osant abandonner les traces laissées par les Grecs et célébrer des sujets nationaux, ont donné des pièces en prétextes ou en toges. »

Nam praetextas a praetexta ueste nobilium, quod nobiles personae inducerentur, sicut togatas a toga ignobilium et Romanorum, quoniam palliata a tegmine Graecorum pallio, quae a Graecis in Latinum conuersa esset, nominata est.

Des « pièces en prétextes », en effet, qui tirent leur nom de la robe prétexte des nobles patriciens, parce que ses nobles personnages en portaient, de même que des « pièces en toges » qui tirent aussi leur nom de la toge des simples Romains (comme les « pièces en pallium » tirent leur nom du manteau grec, le pallium, dont le mot serait passé des Grecs en latin).

Veluti tabernaria a tabernis id est uilissimis hominibus ubi sermones quoque uiles, ut paulo ante per Horatium ostentum est.

Il en va de même des « pièces de boutiquiers » qui tirent leurs noms des boutiques, c’est-à-dire de ces lieux où les hommes les plus vils tiennent aussi de vils propos, comme on l’a vu un peu plus haut avec Horace.

Atellanae autem dictae ab Atella Oscorum ciuitate immunda, sicut plani pedes quod in plano orchestrae agerentur18.

Quant à l’atellane, son nom vient de la sordide cité d’Atella en pays osque, de même que les mimes « de plain-pied » sont ainsi appelés parce l’on les jouait de plain-pied dans l’orchestre.

Rinthonicae ab actoris nomine.19

La « rinthonique » tire son nom de son auteur <Rhinton>.

Latinae quidem fabulae a Liuio Andronico primum coeptae inde ab aliis celebratae apud Romanos.

Assurément le théâtre latin a commencé à être pratiqué par Livius Andronicus et d’autres à sa suite, chez les Romains.

Quo fere tempore Camillus uita functus est pestilentia exsurgente cum uis morbi nec humanis consiliis nec ope diuina, inquit Liuius, leuaretur uictis superstitione animis, ludi quoque scaenici – noua res bellicoso populo, nam circi modo spectaculum fuerat – inter alia caelestis irae placamina instituti dicuntur. Ceterum parua quoque, ut ferme principia omnia et ea ipsa peregrina res fuit. Sine carmine ullo, sine imitandorum carminum actu Ludiones ex Etruria acciti ab tibicinis modos saltantes haud indecoros motus more Tusco dabant. Imitari deinde eos iuuentus simul inconditis inter se iocularia fundentes uersibus coepere, nec absoni a uoce motus erant. Accepta itaque res saepiusque usurpando excitata. Vernaculis artificibus quia Ister Tusco uerbo ludio uocabatur nomen Istrionibus inditum, qui non sicut ante Fescennino uersu similem incompositum temere ac rudem alternis iaciebant, sed impletas modis satyras descripto iam ad tibicinem cantu, motuque congruenti peragebant. Liuius post aliquot annos qui ab satyris ausus est primus argumento fabulam facere, idem scilicet – id quod omnes tum erant – suorum carminum actor dicitur, cum saepius reuocatus uocem obtudisset uenia petita puerum ad canendum ante tibicinem cum statuisset canticum egisse, aliquanto magis uigente motu, quia nihil uocis usus impediebat. Inde ad manum cantari istrionibus coeptum diuerbiaque tantum ipsorum uoci relicta. Postquam lege hac fabularum ab risu ac soluto ioco res auocabatur et ludus in artem paulatim uerterat, iuuentus istrionibus fabellarum actu relicto ipsa inter se more antiquo ridicula intexta uersibus iactitare coepit. Vnde exodia quae exordia postea appellata, consertaque fabellis potissimum Atellanis sunt. Quod genus ludorum ab Oscis acceptum tenuit iuuentus nec ab istrionibus pollui passa est. Eo institutum manet, ut actores attelanarum, nec tribu moueantur, et stipendia tanquam expertes artis ludicrae faciant. Inter aliarum parua principia rerum, ludorum quoque prima origo ponenda uisa est, ut appareret quam ab sano initio res in hanc uix opulentis regnis tolerabilem insaniam uenerit. 20

À peu près à l’époque où Camille perdit la vie, alors que la peste faisait rage et que « ni les mesures prises par les hommes ni l’aide divine, selon Tite-Live, ne diminuaient la virulence de la maladie, la superstition ayant gagné́ les esprits, on institua aussi, dit-on, des jeux scéniques – chose nouvelle chez un peuple guerrier, car il n’avait connu que le spectacle du cirque – entre autres moyens d’apaiser la colère céleste. Et ce fut d’ailleurs une chose modeste, comme presque tout ce qui débute, et encore, une pratique étrangère. Sans aucun chant, sans gestuelle imitative accompagnant les chants, des danseurs, qu’on fit venir d’Étrurie, qui sautaient au rythme du joueur de flûte, accomplissaient, à la façon toscane, des mouvements qui n’étaient pas sans grâce. Ensuite les jeunes gens commencèrent à les imiter, échangeant, en parallèle, des plaisanteries en vers rudimentaires, et leurs mouvements n’étaient pas sans s’accorder avec leurs paroles. Cette pratique fut dès lors introduite, et, à mesure qu’on se l’appropria, prit son essor. Les artistes locaux, parce que le danseur était appelé́ « (h)ister » en langue étrusque, reçurent le nom d’histrions ; or ceux-ci n’improvisaient plus à tour de rôle, comme avant, des vers semblables au fescennin, mais interprétaient de bout en bout des satires pleines de rythmes, avec un chant qui désormais se réglait sur le joueur de flûte et un mouvement qui était en harmonie. Livius, quelques années plus tard, laissant les satires, osa le premier composer une pièce autour d’une intrigue ; comme il interprétait lui-même – de même que tout le monde à l’époque – ses propres chants, comme d’assez nombreux rappels lui avaient fatigué la voix, et que, après en avoir été autorisé, il avait placé un enfant chargé du chant devant le joueur de flûte, il joua les parties chantées avec des mouvements bien plus vigoureux, parce que l’usage de sa voix ne l’entravait en rien. A partir de là, les acteurs commencèrent à avoir à leur disposition un chanteur, tandis qu’ils se réservaient les seules parties parlées. Lorsque, en vertu de cette règle théâtrale, la chose s’était éloignée du rire et de la plaisanterie débridée, et que le jeu s’était progressivement transformé en technique, les jeunes gens cédèrent l’interprétation des pièces aux histrions et se mirent, selon l’usage antique, à se lancer des railleries entremêlées de vers. C’est de là que sont issus les exodes, qui furent appelés ultérieurement « exordes » et que l’on rattacha plutôt aux fables atellanes. Ce genre de divertissement, reçu des Osques, les jeunes gens se le réservèrent et ne permirent pas qu’il fût souillé par les histrions. Depuis lors, il demeure établi que ceux qui jouent les Atellanes, comme s’ils étaient étrangers au métier de comédien, ne sont pas exclus de leur tribu et font leur service militaire. Parmi les modestes débuts d’autres institutions, il m’a semblé que l’on devait également inclure la première origine de ces jeux, pour qu’il apparût combien, à partir d’un sain commencement, cette pratique en est venue à ce degré de folie qu’elle est à peine supportable par de riches royaumes. »21

Comoediarum aliae motoriae, aliae statariae, mixtae aliae dictae sunt. Motariae quidem turbulentae ; statariae quietiores ; mixtae ex utroque consistentes. Comoediae partes, ut quidam scripsere, hae quattuor : prologus, protasis, epitasis, catastrophe. Prologus est praefatio ; protasis primus actus ; epitasis incrementum processusque turbarum ; cathastrophe conuersio rerum ad iucundos exitus.22

Parmi les comédies, les unes sont dites « motoriae », les autres « statariae », d’autres sont dites mixtes.« Motoriae », c’est-à-dire agitées ; « statariae », c’est-à-dire calmes ; les pièces mixtes participent des deux. Les quatre parties de la comédie, comme certains l’ont écrit, sont les suivantes : le prologue, la protase, l’epitase, la catastrophe. Le prologue est une préface ; la protase correspond au premier acte ; l’epitase présente le développement et le progrès des embarras ; la catastrophe offre un renversement de situation qui aboutit à une fin heureuse.

Dionysius autem et Crates et Euclides aliis has partes nominauere appellationibus.

Mais Dionysios, Cratès et Euclide23 ont donné d’autres noms à ces parties.

Primam quidem prologum dicentes, sed secundam melos chori, tertiam episodium, quartam exodum.24

Ils appellent la première « prologue », mais la seconde « chant du chœur », la troisième « épisode », la quatrième « exodum ».

Agebantur comoediae tibiis paribus aut imparibus, et dextris aut sinistris. Dextrae sua grauitate seria indicabant. Sinistrae acuminis lenitate iocum in comoedia arguebant. In dextra et sinistra mixtum iocum et grauitates indicabant.25

On jouait les comédies avec des flûtes égales ou inégales, avec les tuyaux de gauche ou de droite. Les tuyaux de droite, par leur son grave, indiquaient un propos sérieux. Ceux de gauche, par la légèreté de leurs sons aigus, signalaient un propos plaisant. En associant ceux de gauche et ceux de droite, on indiquait la présence de propos plaisants et graves.

Quae a principio humilis apud Romanos postea superbior.

La flûte qui, d’abord, sonnait humblement chez les Romains, prit ensuite plus d'assurance.

Horatius : Tibia non ut nunc orichalco iuncta tubaeque aemula, sed tenuis simplexque foramine pauco aspirare et adesse choris erat utilis. 26

Horace écrit : « La flûte n’a pas toujours été, comme aujourd’hui, jointe par le cuivre jaune et rivale de la trompette ; d’un son grêle, simple et comptant peu de trous, elle servait à donner le ton au chœur et à le soutenir. »

Deinde mox subiungit : Sic priscae motumque et luxuriam addidit arti Tibicen traxitque uagus per pulpita uestem, 27 hoc est syrma in tragoediis.

Peu après, il complète : « Ainsi le joueur de flûte ajouta à l’art ancien le geste et l’exubérance et, évoluant sur les tréteaux, il y traîna son costume, » c’est-à-dire sa longue robe des tragédies.

Membra comoediarum tria sunt quibus priscae tenebantur : diuerbium, canticum, chorus.

Les parties de la comédie sont au nombre de trois, qui faisaient l’ancien genre : le dialogue, le chant, le chœur.

Personae diuerbiorum aut duae, aut tres, aut raro quattuor.

Dans les parties parlées, il y a deux ou trois personnages, rarement quatre.

Ideo ait Horatius : « Nec quarta loqui persona laboret. » 28

Ainsi Horace dit : « Qu’un quatrième personnage ne s’évertue pas à parler. »

Nam ultra augere numerum non licet.

En tout cas, il n’est pas permis d’aller au-delà de ce nombre.

In canticis una tantum debet esse persona.

Dans les parties chantées, il doit y avoir un seul personnage.

Aut si duae fuerint ita esse debent : ut ex occulto una audiat nec loquatur nisi secum.

Ou s’il y en a deux, il faut qu’il en soit ainsi : que l'un écoute, en retrait, et ne parle pas, sinon en aparté.

In choris non est personarum numerus definitus.

Dans les chœurs, il n’y a pas de nombre défini de personnages.

Comicis senibus a soraco per aediles candidus uestitus attribuebatur quod is antiquissimus fuisse memoretur, adulescentulis discolor. Serui comici amictu exiguo contegebantur paupertatem prae se ferendo antiquam aut quo forent expeditiores. Parasiti cum intortis palliis ob collum ueniebant. Laeto uestitus candidus, aerumnoso ob<so>letus, purpureus diuiti, pauperi phoeniceus dabatur, militi clamys purpurea, puellae habitus peregrinus, lenoni uarii coloris pallium, meretrici ob auaritiam luteus amictus.Evanthius, De Fabula 8.6, 29

Aux vieillards de comédie était attribué par les édiles un costume blanc, tiré du coffre de la troupe ; parce que c'est, rappelons-le, un costume très ancien ; aux jeunes gens un costume d'une couleur qui tranche. Les esclaves de comédie étaient affublés d'un manteau court, affichant ainsi leur traditionnelle pauvreté ou pour être plus à l’aise dans leurs déplacements. Les parasites se présentaient avec des manteaux plissés sur le cou30. Au personnage favorisé par le sort, on donnait un costume blanc, au fâcheux un costume démodé, un costume pourpre au riche, au pauvre un costume écarlate, au soldat une chlamyde pourpre, à la jeune femme un costume étranger, au proxénète un manteau bariolé, à la courtisane, à cause de sa cupidité, un manteau jaune

Atque haec de comoedia in praesentia satis

Mais en voilà assez, pour l’heure, sur la comédie.

Nunc de carmine iambico pauca subiiciemus.

A présent, nous allons ajouter quelques rares notes sur le vers iambique.

Carmen iambicum Polystephanus nomen habuisse existimat ab Iambe ancilla Meta<n>eira Hippothoontis uxore, quae cum uidisset popularem quandam alias iocularem tristatam mulierem31 ioculares quosdam et ridiculos de ipsa composuit uersus a qua inquit carmen iambeum.

Polystephanus32 estime qu’il tire son nom de la servante33 Iambe (Métanira étant quant à elle l’épouse d’Hippothoon)34. Comme elle avait constaté qu’une certaine femme du peuple, par ailleurs de nature gaie, se présentait comme affligée, elle composa à son sujet des vers plaisants et moqueurs. D’elle, dit-il, le vers iambique tire son nom.

Alii putant ab iambizo quod est conuicior35 dictum iambum ; uerum uerbum ipsum iambizo potius nomen ab iambo uidetur habuisse.

D’autres pensent que le mot « iambe » vient de iambizo, c’est-à-dire, « invectiver » ; mais c’est plutôt, semble-t-il, le verbe iambizo qui vient du mot « iambe ».

Ferunt alii carmen iambicum ab Archilocho originem habuisse.

D’autres encore rapportent que le vers iambique tire son origine d’Archiloque.

Horatius : « Archilochum proprio rabies armauit iambo ; Hunc socci cepere pedem grandesque cothurni, Alternis aptum sermonibus et populares, Vincentem strepitus, et natum rebus agendis. » 36

Horace : « La rage arma Archiloque de l’iambe qui lui était propre ; Le socque et le haut cothurne adoptèrent ce pied-là, bien fait pour le dialogue, dominant Les bruits de la foule et né pour l'action. »

Aristoteles tamen existimat inuentum quod plus ceteris pedibus sermonibus congruat omnibus quandoquidem loquendo etiam imprudenter in iambicum incidamus metrum.37

Cependant Aristote pensait qu’il avait été inventé parce qu’il convenait plus que les autres pieds à tous les genres de propos. En effet, quand nous parlons, nous prononçons incidemment, même sans le savoir, des vers iambiques.

Sed iambicum metrum multiplex : monometrum quod duobus pedibus constat ; dimetrum quaternis ; trimetrum senis ; tetrametrum octonis ; pentametrum denis ; hexametrum duodenis.

Il y a toutefois diverses formes de vers iambiques : le monomètre, de deux pieds ; le dimètre, de quatre pieds ; le trimètre, de six ; le tétramètre, de huit ; le penthamètre, de dix ; l’hexamètre, enfin, de douze pieds.

Et aliud metrum est acatalecticum, nempe integrum ; catalecticum, cui deest <syllaba> ; brachycatalectum, ubi syllaba uel tempus deest ; hypercatalectum, ubi superest uel syllaba uel pes dimidius.

On trouve aussi des vers acatalectiques, complets en somme ; catalectiques, à qui il manque <une syllabe> ; brachycatalectiques, où il manque une syllabe ou un pied ; hypercatalectiques, où il y a une syllabe ou un demi-pied en trop.

His utuntur comici omnibus generibus. Vtuntur et alii.

Les poètes comiques utilisent tous ces types de vers, comme d’autres.

Recipit hoc metrum imprimis iambum in locis paribus sicut per resolutionem longae in duas breues ibidem tribrachum.

Ce type de vers reçoit l’iambe principalement en position paire, de même que le tribraque, par résolution de la longue en deux brèves.

Locis uero imparibus ad tardandam iambi celeritatem recipit spondeum.

Mais en position impaire, le vers reçoit un spondée pour ralentir le rythme de l’iambe.

Horatius : « Syllaba longa breui subiecta uocatur iambus.Pes citus, unde etiam trimetris accrescere iussit Nomen iambeis : cum senis redderet ictus, Primus ad extremum similis sibi ; non ita pridem, Tardior ut paulo grauiorque ueniret ad aures, Spondeos stabiles in iura paterna recepit, Commodus et patiens non ut de sede secunda Cederet aut quarta socialiter. Hic et in Acci Nobilibus trimetris apparet rarus et Enni. » 38

Horace écrit : « Une syllabe longue placée après une brève est appelée iambe. Pied rapide : aussi a-t-il voulu que l’on ajoutât celui de trimètres au nom des iambiques, quoiqu’il marquât six temps, revenant pareil à lui-même du début à la fin ; il y a peu, pour arriver à l’oreille avec un peu plus de lenteur et de gravité, il accueillit dans ses droits paternels le solide spondée, facile et accommodant, mais non jusqu’à céder la seconde place ou la quatrième en trop bon compagnon. Celui-ci, dans les trimètres d’Accius et dans ceux d’Ennius, apparaît rarement. »

Per resolutionem igitur primae spondei syllabae recipit ibidem etiam anapaestum ; per resolutionem secundae dactylum ; per resolutionem utriusque proceleusmaticum ;

Ainsi, par résolution de la première syllabe du spondée, ce type de vers reçoit aussi, en même position, un anapeste ; par résolution de la deuxième syllabe, un dactyle ; par résolution de l’une et de l’autre, un procéleusmatique.

In fine uero propter indifferentem syllabam ultimam etiam pyrrhichium.

Enfin, parce que la dernière syllabe est indifférente, il peut recevoir un pyrrhique.

Vt omnino recipiat iambum, tribrachum, pyrrhichium, spondeum, dactylum, anapaestum, proceleusmaticum.

Pour résumer, donc, le vers iambique peut recevoir iambes, tribraques pyrrhiques, spondées, dactyles, anapestes, procéleusmatiques.

Qui in aliis sedibus quam quas diximus locant non ex arte loquntur, ut Terentianus de iambico :

Et ceux qui les placent en d’autres positions que celles dont nous avons parlé ne parlent pas selon les règles de l’art, comme le dit Terentianus à propos du vers iambique :

« Sed qui pedestris fabulas socco premunt, ut quae loquuntur sumpta de uita putes, Vitiant iambum tractibus spondiacis Et in secundo et in ceteris aeque locis, Fidemque fictis dum procurant fabulis, In metra peccant arte, non inscitia, Ne sint sonora uerba consuetudinis, Paulumque rursus a solutis differant. Magis ista nostri. Nam fere Graecis tenax Cura est iambi uel nouellis comicis Vel qui in uetusta praelucent comoedia. » 39

« Quant à ceux qui pratiquent le genre prosaïque de la comédie, pour faire paraître ce qui est dit comme tiré de la vie même, ils altèrent l'iambe en l'allongeant en spondée au deuxième pied et dans toute position impaire. Et tandis qu'ils donnent de la vraisemblance à des fictions, c'est au nom de l'art qu'ils pèchent contre la métrique, et non par ignorance, pour éviter les mots sonores et afin qu’au contraire, ils diffèrent peu de la prose. C’est vrai surtout pour les Latins ; car les Grecs tiennent à l’iambe, qu’ils s’illustrent dans la nouvelle comédie ou dans l’ancienne. »

Comici tamen nostri trochaicis quandoque utuntur et crebris synaloephis et episynaloephis et collisionibus ; Terentius plus omnibus. In prologis trimetris semper, ut Plautus, ubique obseruasse perspici potest. Miscentur tetrametri cum dimetris brachycatalectis, ut in prima scena Plautus in Amphitryone cum usus fuisset tetrametro40, tetrametris autem alibi sicut et pentametris et hexametris.

Cependant, nos poètes comiques ont parfois usé de vers trochaïques, et, en abondance, de synalèphes, d’épisynalèphes et d’élisions ; et Térence plus que tout autre. On peut voir clairement que partout, dans les prologues, il utilise des trimètres, comme Plaute, et ailleurs des tétramètres ainsi que des pentamètres et des hexamètres. Les tétramètres sont mêlés aux dimètres brachycatalectiques, comme chez Plaute dans la première scène de l’Amphitryon alors qu’il devait utiliser le tétramètre :

« Qui me alter est audacior homo, aut qui confidentior ? 41 »

« Qui me alter est audacior homo, aut qui confidentior ? »

Tetrametrum est.

(tétramètre)

« Iuuentutis mores qui sciam qui hoc noctis solus ambulem. » 42

« Iuuentutis mores qui sciam qui hoc noctis solus ambulem. »

Tetrametrum.

(tétramètre)

Mox dimetro brachycatalecto usus :

Puis il utilise un dimètre brachycatalectique :

« Ita peregre adueniens. » 43

« Ita peregre adueniens. »

Et simiter :

Et de même :

« Qui hoc noctis a portu. » 44

« Qui hoc noctis a portu. »

Dimetris quoque catalecticis nempe quibus una deest syllaba :

Il utilise aussi des dimètres catalectiques, auxquels manque une syllabe :

« Vt ingratis excitauit. » 45

« Vt ingratis excitauit. »

Vel dimetris hypercatalecticis quibus una superest syllaba, ut ibidem :

ou bien des dimètres hypercatalectiques, qui comptent une syllabe de trop, comme au même endroit :

« Hospitio publicitus accipiar. » 46

« Hospitio publicitus accipiar. »

Vtitur et monometro, ut in Truculento.

Il utilise encore le monomètre comme dans le Truculentus :

« Pessima mane. » 47

« Pessima mane. »

et rursus :

et à nouveau :

« Optime odio es. » 48

« Optime odio es. »

Ac de metro iambico haec satis.

Mais en voilà assez sur le vers iambique.

Quilibet enim reliqua per se poterit perspicere.

De fait, chacun pourra examiner le reste de lui-même.

Nunc Amphitryonis argumentum paucis attingamus.

Maintenant abordons, en quelques mots, l’argument de l’Amphitryon.


1. Érasme, Adagia 1406, Érasme le glose par ces mots : « Tu expliques ce qui est très clair en soi ».
2. Hier., Eus. Chron., Jérôme a traduit le deuxième livre de la Chronique d’Eusèbe de Césarée ; cf., ici, la 145e olympiade
3. Valla est repris par Adelphus
4. Gell., Noct. 15.24. Valla paraphrase le poème fameux de Volcatius Sedigitus.
5. Quint., I.O. 10.1.99.
6. Gell., Noct. 19.8.6. Nous n’avons pas trouvé cette expression à propos de Plaute dans l’œuvre d’Aulu-Gelle, qui fait en revanche du Sarsinate le latinae linguae decus (dans un passage où Aulu-Gelle évoque précisément l’usage que fait Plaute du mot delicia ; la rencontre de ces termes dans la même phrase peut-elle expliquer le lapsus de Valla ?).
7. Macr., Sat. 2.1.10.
8. Arstt., Poet. 1448a-1449b9. Tout le début de cette synthèse sur la comédie est, de fait, un centon d’Aristote, que le père de Giorgio Valla avait traduit en latin.
9. Arstt., Poet. 1448a31sq.
10. Hor., S. 1.4.1-2.
11. Hor., P. 220.
12. Evanthius, De Fabula 2, .
13. Virg., G. 2.384.
14. Hor., P. 275-284.
15. Plat., Min. 321a.
16. Hor., P. 221-229.
17. Hor., P. 285-288.
18. Diom., Ars 3.490.3, Chez Diomède : « quarta species est planipedis, qui Graece dicitur mimus. ideo autem Latine planipes dictus, quod actores pedibus planis, id est nudis, proscenium introirent, non ut tragici actores cum cothurnis neque ut comici cum soccis ; siue quod olim non in suggestu scenae sed in plano orchestrae positis instrumentis mimicis actitabant. » Chez Evanthius : « planipedia autem dicta ob humilitatem argumenti eius ac uilitatem actorum, qui non cothurno aut socco nituntur in scaena aut pulpito sed plano pede, uel ideo quod non ea negotia continet, quae personarum in turribus aut in cenaculis habitantium sunt, sed in plano atque in humili loco ».
19. Evanthius, De Fabula 4.1, .
20. Liv., Ab urbe condita 7.3-13. Il s'agit d'unne longue citation de l’excursus fameux de Tite-Live sur les origines du théâtre à Rome.
21. Nous reprenons la traduction qu’en a proposé Pascale Paré-Rey dans son article « Aux origines du théâtre à Rome : l’excursus livien », Emerita, Revista de Linguistica y Filologi a Clasica, 87/2, 2019, p. 203-225. Nous renvoyons aussi à cet article pour sa riche annotation du texte de Tite-Live.
22. Evanthius, De Fabula 4.4-5, .
23. Réf. ?
24. Arstt., Poet. 1452b15. Ce sont en fait les parties de la tragédie selon Aristote. La confusion est surprenante.
25. Evanthius, De Fabula 8.10, En réorganisant le texte d'Evanthius, Agebantur autem tibiis paribus, id est dextris aut sinistris, et imparibus, l’auteur en infléchit le sens.
26. Hor., P. 202-204.
27. Hor., P. 214-215.
28. Hor., P. 192.
29. Valla fait de rares ajouts. Nous adaptons la traduction proposée sur le site hyperdonat.
30. Le manteau jeté sur le cou est un trait caractéristique de l’esclave, semble-t-il, mais le parasite Ergasile les imite en cela, dans les Captifs : « (…)eodem pacto ut comici serui solent / Coniciam in collum pallium ».
31. Il s’agit de Déméter, en quête de sa fille, à qui les douces railleries de Iambe arrachent un sourire ou un éclat de rire.
32. Aulu-Gelle en fait mention en Noct. 9.4.3, quand il parle de livres qu’il a découverts et acquis en débarquant à Brindes : Erant autem isti omnes libri Graeci miraculorum fabularumque pleni, res inauditae, incredulae, scriptores ueteres non paruae auctoritatis: Aristeas Proconnesius et Isigonus Nicaeensis et Ctesias et Onesicritus et Polystephanus et Hegesias, « C'était une collection de livres grecs remplis de merveilles, de fables, de récits inouïs, incroyables, dont les auteurs étaient anciens et d'une autorité considérable : Aristée de Proconnèse, Isigone de Nicée, Ctésias, Onésicrite, Polystéphane, Hégésias. ». Voir sur cet épisode Leofranc Holford-Strevens, Aulus Gellius: An Antonine Scholar and His Achievement, Oxford University Press, 2003, p. 70 : « In 9.4 Gellius states that on disembarking he took a walk to regain his land-legs, and then caught sight of some books for sale, including Greek records of miracula by Aristeas of Proconnesus, Isigonus of Nicaea, Ctesias, Onesicritus, Polystephanus (meaning Philostephanus), and Hegesias, old and dirty, but also dirt-cheap. » . Le contenu de ces livres, dont Aulu-Gelle cite quelques faits remarquables, est donc fait de mirabilia. S’agit-il d’un auteur nommé effectivement Polystephanus, qui ne nous est pas connu par ailleurs, ou d’une mention erronée de l’historien Philostephanus de Cyrène – comme le pense, Leofranc Holford-Strevens – actif au IIIe s. av. J.-C., qui a écrit un De Cypro, un De Cyllene, des Epirotica ? Ou bien encore d’un poète comique dont on n’a conservé que des fragments ? En tout cas nous n’en avons pas trouvé trace dans l’édition Kassel, R. - C. Austin, Poetae Comici Graeci, Berlín, New York, 1983-2000. Ou bien finalement d’un auteur moderne, qui aurait écrit un traité de métrique ? Car dans les diverses hypothèses précédemment avancées, il n’est pas question de versification iambique.
33. Cette précision vient sans doute corriger une erreur parfois commise, qui fait de Iambe l’épouse du roi. C’est ce que qu’écrit, par exemple, Gilles de Maizière dans son édition de Sénèque. Voir l’édition de ce paratexte par P. Paré-Rey (Paris, J. Marchant, 1511).
34. Les origines mythologiques du mot ïambe sont multiples, comme nous pouvons le voir ici. Cependant, étymologiquement, le mot latin iambus, dérivé du grec ἴαμϐος (ïambos), vient du verbe ἰαπτω qui signifie « lancer, envoyer » (« The word ‘iambus’ was derived from ἰαπτω ‘I hurl’ » : Rudd N., 1989, Horace Epistles, Book II and Epistle to the Pisones (‘Ars Poetica’), Cambridge, Cambridge University press). Voir encore Plin., Nat. 1.22 ; Diom., Ars 3.477 ; Sacerdos 3.498 Iambé est la fille de Pan et de la nymphe Écho ; elle était servante à Eleusis, dans la maison de Céléos et de Métanira, lorsque Déméter y passa, cherchant Perséphone. Imbéciles l’accueillit et la fit rire par ses plaisanteries. Ce rôle est parfois attribué, non à Iambé, mais à Baubô (Grimal P., 1969, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, PUF). Dans la scholie à Nicandre, 130, c’est Hippothoon (et non Céléos) qui est l’hôte de Déméter, dans sa quête de Perséphone :  "130a".1  νηστείρης Δηοῦς· <ἱστορία G 1>· ἰστέον <οὖν  
 C> ὅτι τῆς Κόρης, ἤγουν τῆς Περσεϕόνης, ἁρπαγείσης ὑπὸ  
 τοῦ Πλούτωνος, ἡ μήτηρ αὐτῆς ἡ Δηὼ νῆστις περιήρχετο ζη- 
 τοῦσα αὐτήν, <καὶ δὴ περιερχομένη καὶ ζητοῦσα αὐτήν G 1>,  
 <ϕθάσασα τὴν ’Ελευσῖνα τῆς ’Αττικῆς G 2>, ὑπεδέχθη <δὲ  
 BRvAld> ἐν τοῖς οἴκοις τοῦ ‘Ιπποθόωντος· <ὃς ἦν υἱὸς  
 τοῦ Ποσειδῶνος ἐξ ’Αλόπης τῆς Κερκυόνος X>· <οἱ δὲ Κε-  
 λεοῦ m>, ὑπὸ τῆς γυναικὸς αὐτοῦ Μετανείρας· ἥτις Μετά- 
 νειρα παρέθηκεν αὐτῇ τράπεζαν καὶ ἐκέρασεν αὐτῇ οἶνον   "130a".10 [<ἐπὶ τῇ θλίψει BRvAld>]. ἡ δὲ θεὸς οὐκ ἐδέξατο, λέγουσα  
 μὴ θεμιτὸν εἶναι πιεῖν αὑτῇ οἶνον ἐπὶ τῇ θλίψει τῆς θυγα- 
 τρός. ἀλϕίτων δὲ <αὐτὴν X> κυκεῶνα ἐκέλευσεν <αὑτῇ  
 G 1> κατασκευάσαι, ὃν δηξαμένη ἔπιεν. ’Ιάμβη δέ τις δούλη  
 τῆς Μετανείρας ἀθυμοῦσαν τὴν θεὸν ὁρῶσα γελοιώδεις λό- 
 γους καὶ σκώμματά τινα ἔλεγε πρὸς τὸ γελάσαι τὴν θεόν.  
 ἦσαν δὲ τὰ ῥηθέντα ὑπ' αὐτῆς ἰαμβικῷ μέτρῳ ῥυθμισθέντα,  
 ὅπερ αὐτὴ πρῶτον εἶπεν· ἐξ ἧς καὶ τὴν προσηγορίαν ἔλαβον  
 ἴαμβοι λέγεσθαι. ’Ιάμβη δὲ θυγάτηρ <ἦν G 1> ’Ηχοῦς καὶ  
 τοῦ Πανός, Θρᾷσσα τὸ γένος G 1X  νηστείρης] τῆς ἀπάστου f  "130c".1  μορόεν <δὲ X> <κακὸν C> ποτόν· τὸ ἐν κα- 
 κοπαθείᾳ δοθέν. ὅτι δὲ διὰ γλήχωνος ἔπιεν ἡ Δημήτηρ <τὸν  
 X> κυκεῶνα καὶ διὰ τὴν χλεύην <τῆς G 1C> ’Ιάμβης ἐγέ- 
 λασεν ἡ θεά, ἐν τοῖς εἰς ῞Ομηρον ἀναϕερομένοις ὕμνοις (h.  
 Cer. 192 ss.) λέγεται G 1X "130d".1 μορόεν] ἐπώδυνον, ἢ τὸ μετὰ πόνου γινόμενον καὶ  
 ἑψόμενον G 1   "130e".1 ᾧ ποτε Δηώ] ᾧ τινί ποτε ἡ Δημήτηρ G 1
35. Pour conuicior.
36. Hor., P. 79-82.
37. Arstt., Poet. 1449a25.
38. Hor., P. 251-259.
39. Ter. Maur., De Litteris, De Syllabis, De Metris 2232-2242, .
40. Prisc., Libri minores 422.1.10, Le développement qui suit se trouve, à quelques détails près, chez Priscien.
41. Pl., Amph. 153. Il s'agit du premier vers de dialogue, après le prologue. Tous les vers de l’Amphitryon cités ensuite se trouvent dans la première réplique de Sosie. Les éditeurs modernes proposent des dispositions diverses, et reconnaissent de nombreuses incertitudes.
42. Pl., Amph. 2-3.
43. Pl., Amph. 161.
44. Pl., Amph. 164a.
45. Pl., Amph. 164b.
46. Pl., Amph. 162.
47. Pl., Truc. 120.
48. Pl., Truc 121.