Présentation du paratexte
Fabricius, l’éditeur, entend compléter le traité métrique d’Avanzi qui figure juste avant ce paratexte : il traite maintenant des autres types de mètres que les vers iambiques, comme l’annonce le titre, mais reprend tout de même la description des vers des parties parlées avant d’aborder les mètres lyriques laissés de côté par son prédécesseur. Particulièrement notable est, dans ce traité, la présence de schémas métriques, avec les signes toujours en vigueur aujourd'hui, pour indiquer les brèves (u) et les longues ( – ), et les possibilités de substitution des pieds matérialisées par diverses lignes pour un même vers. Pour l’histoire de la métrique, il est notable que Fabricius ignore certains points : abrègement iambique, agencement en côla libera des parties lyriques chez Sénèque – notamment dans Agamemnon qu’il cite beaucoup – même s’il perçoit l’influence de la lyrique horatienne dans ces chœurs. Ses exemples sont par ailleurs variés.
Bibliographie :- Detlef Carl Wilhelm Baumgarten-Crusius, De Georgii Fabricii Chemnicensis Rectoris Afrani vita et scriptis, praemissa epistola ad Jo. Theoph. Kreyssigium XXV a Professorum Afranum, Misenae : Klinkicht, 1839.
- Edition de ses lettres, avec un De Vita Ge. Fabricius de gente Fabriciorum : Detlef Carl Wilhelm Baumgarten-Crusius, Epistolae ad W Meurerum et alios aequales, Lipsiae, Sumptu Frider, Fleischeri, 1845
- Paré-Rey, Pascale, "Les éditions des tragédies de Sénèque conservées à la Bibliothèque nationale de France (XVe-XIXe s.)", in L’Antiquité à la BnF, 17/01/2018, https://antiquitebnf.hypotheses.org/1643
- Paré-Rey, Pascale, Histoire culturelle des éditions latines des tragédies de Sénèque, 1478-1878, Paris, Classiques Garnier, « Histoire culturelle » 20, 2023
Georgius Fabricius Chemnicensis.
Georgius Fabricius Chemnicensis
De reliquis carminum generibus
Au sujet des types des vers restant.1
De trimetris sane diligenter Auantius, sed quia in choris carminum
genera reliqua non attigit, uidentur ea quoque exponenda : cum in tragicis
inueniantur, quae cum poetis caeteris non conueniant, nam ut suam illi seruent
grauitatem, legitimis pedibus et uulgata compositione semper non sunt usi, uidelicet
2
Avanzi a été très consciencieux au sujet des trimètres, mais, parce qu’il n’a pas touché aux types de vers restant dans les chœurs, il nous semble qu’il faut aussi les exposer : puisqu’on les trouve chez les tragiques, alors qu’ils ne conviennent pas aux autres poètes, pour qu’ils conservent en effet leur solennité, ils n’ont pas toujours fait usage des pieds réglementaires et de la composition habituelle, comme on peut le voir d’après Térentianus: « Afin que leur style retînt mieux la pompe royale ».
In quibus annotandis operam exiguam sumpsi, non exiguo futuram commodo iis, qui cum diligentia et attentione liberali in ueterum scriptis uersari solent.
Et si j’ai assumé un peu de travail dans l’annotation de ces derniers, ce n’est pas en peu de temps que je le consacrerai à l’avenir aux vers qui se trouvent d’habitude dans les écrits des Anciens, sans économiser ni mon soin ni mon attention.
DE IAMBICO.
À propos du vers iambique
I. Iambicum dimetrum catalectum, prima sede constat e spondeo aut anapaesto : duabus reliquis, iambo, cum superflua syllaba.
I. Le dimètre iambique catalectique, en première position, se compose d’un spondée ou d’un anapeste : pour les deux pieds restants, d’un iambe, avec une syllabe supplémentaire.
E tali iambico integer chorus est, in Medea, ante actum quintum.3
Dans Médée, le chœur avant le cinquième acte est intégralement composé d’un vers iambique de ce genre.
Talis uersus in Œdipo,
4
Il y a un vers de ce genre dans
Œdipe :
Ibidem impurus est ille, mutato altero
iambo in spondeum :
6
Au même endroit, celui-là est
irrégulier, le second iambe étant changé en spondée :
II. Iambicum dimetrum acatalectum habet sedibus paribus iambum, imparibus spondeum aut dactylum aut anapaestum ; hoc accinitur iambico trimetro, in Medea7 ; interiicitur eidem in Agamemnone8.
II. Le dimètre iambique acatelectique possède un iambe aux pieds pairs, et dans les impairs un spondée, un dactyle ou un anapeste ; il est associé dans le chant au trimètre iambique dans Médée ; il est intercalé avec le même vers dans Agamemnon.
Miscetur trochaicis et dactylicis unus,
in eadem tragoedia :
9
Un dimètre iambique isolé est mélangé
à des vers trochaïques et dactyliques dans cette même tragédie :
Impurus est ille in Œdipo :
11
Celui-ci est irrégulier dans
Œdipe :
Huic uicissim accinitur superius
catalectum ibidem :
13
En revanche un dimètre catalectique
est en outre associé dans le chant à celui-ci, au même endroit14 :
III. Iambicum dimetrum hypercatalectum
fit, cum ad superius adiungitur pes trisyllabus in fine, nempe baccheus ; e quo
genere non constant chori integri, sed aliis alibi, rarissime tamen, interponitur,
ut in Œdipo :
16
III. Il y a un dimètre iambique
hypercatalectique quand au précédent un pied trisyllabique est ajouté à la fin,
c’est un bacchée17 ; or des chœurs en entier ne sont pas
composés à partir de ce type de vers, mais très rarement, cependant, il se mêle aux
autres types de vers ici et là, comme dans Œdipe :
Habet sede quarta etiam anapaestum, ut
in Agamemnone :
19
Ce dimètre comporte même un anapeste
au quatrième pied, comme dans Agamemnon :
Ibidem :
20
Au même endroit :
Vt autem apud tragicos iambico dimetro
pes trisyllabus additur, ita apud comicos iambico senario ; cuius e Varrone meminerunt, Charisius, Diomedes,
Ruffinus22 ; singuli adducunt hunc uersum
Terentii ex Hecyra
:
23
De même que par ailleurs chez les
tragiques un pied trisyllabique est ajouté à un dimètre iambique, de même chez les
comiques il est ajouté à un sénaire iambique ; ce dont se souviennent, à partir de
Varron, Charisius, Diomède et Ruffin ; ils citent chacun ce vers de
l’Hécyre de Térence :
IV. Iambicum trimetrum brachycatalectum scazon , seu claudum, nescio an ulli alii, excepto Seneca, apud Latinos sit usitatum.
IV. Je ne sais si chez quelque autre poète, excepté Sénèque, le trimètre iambique brachycatalectique24 scazon, c’est-à-dire « boiteux25 », est utilisé chez Latins.26
Habet sede prima iambum aut anapaestum,
secunda iambum, tertia spondeum, penultima iambum, ultima spondeum, et semel tantum
anapaestum :
27
28
29
Il comporte au premier pied un iambe
ou un anapeste, au deuxième un iambe, au troisième un spondée, au quatrième un
iambe, au cinquième un spondée et une fois seulement un anapeste :
Hoc genus scazontis in duabus tantum tragoediis legitur ; nam alia exempla ego ignoro.
On lit ce type de scazon dans deux tragédies seulement ; en effet je n’en connais pas d’autres exemples.
Interdum in eodem non fit collisio, ut :
30
Parfois dans ce même type de vers il
n’y a pas de synizèse31
, comme dans :
Interdum nulla elisio, ut :
33
Parfois il n’y a aucune élision :
Sed hoc uidetur fieri ualde illepide.
Mais cela semble être fait tout à fait sans grâce.
Est et alterum scazon huic dissimile, in
quo contra legem communem loco penultimo trochaeus ponitur :
35
36
37
Et il y a un autre type de scazon
différent de ce dernier dans lequel, contrairement à la règle ordinaire, un trochée
est placé au quatrième pied / à l’avant-dernier pied :
Haec autem rectius inter composita metrorum genera referuntur.
Or on inclut bien ces vers parmi les types de mètres bien composés.
V. Iambicum trimetrum catalectum integrum, satis ab Avantio explicatum uidemus, quod tamen e puris iambis non constat, sed pedum aequalium quasi temperamento conficitur.
V. Nous voyons que le trimètre iambique catalectique régulier est assez développé par Avantius : cependant il ne se compose pas d’iambes purs mais est constitué d’une sorte de combinaison proportionnée de pieds égaux.
Tradit ex antiquis grammaticis Victorinus, improbari uersum e iambis omnem compositum ; nam ut sit amplior et par tragicae dignitati, interponi frequenter, locis uidelicet imparibus, pedum dactylorum numeros, et moras spondeorum : quam sententiam approbat Terentianus.38
Victorinus, chez les anciens grammairiens, rapporte qu’on désapprouve tout vers entièrement composé d’iambes ; que, en effet, pour qu’il soit plus majestueux et conforme à la dignité tragique, y sont intercalés, évidemment aux pieds impairs, des rythmes de pieds dactyliques et des mesures de spondées ; et Térentianus approuve cette opinion .
Quos autem trimetros Graeci, eos Cicero et Quintilianus uocant senarios, et eorundem imitatione Flauius Caper et Aruntius Celsius, Terentii interpretes.39
Par ailleurs, ceux que les Grecs nomment trimètres, Cicéron et Quintilien les nomment sénaires, ainsi que Flavius Caper et Aruntius Celsius, commentateurs de Térentianus, par imitation de ces derniers .
Causam nominis utriusque scite Terentianus reddit, suae uir artis doctissimus :
40
Et Térentianus, parfaitement savant en
son art, rend compte finement de l’origine des deux appellations :
Annotarem et illa ubi collisiones aut elisiones non fierent, uel hiantibus litteris, uel sequente aspiratione ; sed cum id in difficilioribus dicere iam coeperim, et in reliquis generibus sim repetiturus, studiosi id per se obseruabunt quod a praeceptionibus communibus dissidet, et libertatem illam uetustiorum refert.
J’aurais pu noter encore ces cas où il n’y a pas de synérèses ou d’élisions, soit parce qu’on a des lettres faisant hiatus, soit à la suite d’une aspiration ; mais comme j’ai déjà commencé à le dire dans des termes assez compliqués, et comme j’ai l’intention d’y revenir dans les genres de vers restants, les chercheurs observeront par eux-mêmes ce qui s’éloigne des préceptes communs et ce qui rétablit cette liberté de préceptes plus anciens.
VI. Iambicum trimetrum catalectum
scazon, constat e solitis trimetri pedibus, iambo, spondeo, anapaesto : sed in fine
loco iambi spondeum celebrat, quem tamen antecedit anapaestus aut iambus ; cuius
generis duo tantum uersus sunt in Agamemnone :
41
42
Le trimètre iambique catalectique
scazon se compose des pieds habituels du trimètre, l’iambe, le spondée et l’anapeste
; mais il met à la fin, au lieu d’un iambe, un spondée, précédé toutefois d’un
anapeste ou d’un iambe ; et il y a seulement43 deux vers de ce genre dans Agamemnon :
DE TROCHAICO.
A propos du vers trochaïque
I. Trochaicum dimetrum catalectum e
trochaeo, item spondeo uel dactylo uel anapaesto, demum trochaeo et syllaba
superflua componitur ; quo utitur in Œdipo :
46
I. Le dimètre trochaïque catalectique
est composé d’un trochée, de même d’un spondée, d’un dactyle ou d’un anapeste, à la
fin d’un trochée et d’une syllabe supplémentaire ; et il l’utilise dans
Œdipe :
Item :
47
De même :
Chorus enim ille integer est ex hoc genere, quod et aliis choris immiscetur, aut ad eorum extremum adhibetur.
Ce chœur est en effet tout entier dans ce type de vers, qui est inclus dans d’autres chœurs, ou placé à la fin de ceux-ci.
Vnus uersus hypercatalectus est in eodem
choro,
49
50
Il y a un seul vers hypercatalectique
dans ce même chœur :
II. Trochaicum dimetrum hypercatalectum
constat e trochaeo, item spondeo, iterum trochaeo, demum trochaeo uel spondeo, et
syllaba abundante, ut :
51
II. Le dimètre trochaïque
hypercatalectique se compose d’un trochée, de même d’un spondée, à nouveau d’un
trochée, à la fin d’un trochée ou d’un spondée, et d’une syllabe supplémentaire,
comme :
Item :
52
De même :
III. Trochaicum trimetrum
brachycatalectum habet loco primo et tertio trochaeum uel spondeum uel dactylum :
secundo, quarto, et quinto trochaeum, ut :
54
55
56
III. Le trimètre trochaïque
brachycatalectique a aux première et troisième positions un trochée, un spondée ou
un dactyle ; aux deuxième, quatrième et cinquième positions un trochée, comme :
Impurus est ille, qui loco secundo
spondeum habet :
58
59
60
61
Ce vers est impur, qui a un spondée en
deuxième position :
Impurus itidem ille, in quo sede secunda
pro trochaeo ponitur anapaestus, ut Agamemnone :
62
De la même manière, ce vers est impur,
dans lequel un anapeste est placé en deuxième position à la place d’un trochée,
comme dans Agamemnon :
IV. Trochaicum trimetrum hypercatalectum
habet trochaeos admixtis, ut solet, dactylis et spondeis, quod in Agamemnone locis solum modo duobus legimus :
63
64
IV. Le trimètre trochaïque
hypercatalectique a des trochées mêlés, en général, à des dactyles et des spondées,
ce que nous lisons dans Agamemnon à deux reprises seulement :
V. Trochaicum tetrametrum catalectum trochaeum recipit locis omnibus, exceptis quarto et sexto, in quibus quasi tibicen fulcitur, spondeus, firmamenti grauitatisque causa.
V. Le tétramètre trochaïque catalectique admet le trochée à tous les endroits, sauf aux quatrième et sixième, dans lesquels le joueur de tibia est pour ainsi dire soutenu, où c’est un spondée, pour apporter une base solide et de la gravité.
Integre purum carmen hoc ponere tragici non solent, nam quod aliis poetis decoro est, in his uitiosum putatur65, Victorino et Attilio testantibus.
Les tragiques ne mettent pas ce vers entièrement pur en général, car ce qui est un ornement chez d’autres poètes est considéré comme un défaut chez eux, au témoignage de Victorinus et d’Attilius .
In prima sede, praeter trochaeum, quem semper ut legitimum intelligo, collocantur dactylus, tribrachys ; in secunda, spondeus, dactylus, anapaestus ; in tertia, tribrachys ; in quarta, unicus spondeus ; in quinta, dactylus et tribrachys ; in sexta, rursus spondeus, et semel dactylus, semel tribrachys, apud hunc uidelicet auctorem ; in septima necessario trochaeus : syllaba abundans (ut in omnis carminis fine) est indifferens.
En première position, outre le trochée, que je considère toujours comme légitime, on place un dactyle, un tribraque ; à la deuxième, un spondée, un dactyle, un anapeste ; à la troisième, un tribraque ; à la quatrième un spondée uniquement ; à la cinquième un dactyle et un tribraque ; à la sixième, à nouveau un spondée et tantôt un dactyle, tantôt un tribraque, naturellement chez cet auteur ; à la septième, un trochée nécessairement : la syllabe supplémentaire est indifférente (comme dans toute fin de vers).
Has pedum diuersitates, obseruare licet in tragoediis duabus, extra chorum, nempe in scenarum exordiis, ut Hippolyto et Medea ; semel tantum in scenae medio, ut in Œdipo.
On peut observer ces variations dans deux tragédies, en dehors du chœur, évidemment dans les sorties de scène, comme dans Hippolyte et Médée ; une fois seulement au milieu d’une scène, comme dans Œdipe.
Nos simplicioris uersus exemplum
subiiciemus :
66
67
Quant à nous, nous soumettons un
exemple d’un vers assez simple :
Trochaicorum restant alia quaedam genera, quibus semel aut iterum uti, poeta satis habuit, quae ex impuris et imperfectis composita et quasi conglutinata sunt.
Restent quelques autres types de vers trochaïques, que le poète se contente d’employer une ou deux fois, qui sont composés et comme agglomérés à partir d’éléments impurs et imparfaits.
Primum, pedum quatuor, ut in Agamemnone :
68
Un premier, de quatre pieds, comme
dans Agamemnon :
Alterum, pedum totidem, et semipedis,
cuius exempla leguntur duo in eadem tragoedia :
69
70
Un deuxième, d’autant de pieds, et
d’un demi-pied, dont on lit deux exemples dans la même tragédie :
Tertium, pedum quinque, ut :
71
Un troisième, de cinq pieds, comme :
Quartum, pedum totidem cum semipede, in
Œdipo :
72
Un quatrième, d’autant de pieds avec
un demi-pied, dans Œdipe :
DE ANAPAESTICO.
À propos du vers anapestique
Anapaesticum complectitur sedes quatuor
; recipit in singulis anapaestum ; in prima pariter dactylum et spondeum ; in
secunda solum anapaestum aut spondeum ; in tertia spondeum, dactylum, tribrachym ;
in ultima anapaestum, spondeum, tribrachym, et dactylum, sed hunc bis tantum
obseruare potui, ut :
73
74
Le vers anapestique comprend quatre
pieds ; il admet l’anapeste dans chacun ; au premier, également le dactyle et le
spondée ; au second, seulement l’anapeste et le spondée ; au troisième le spondée,
le dactyle, le tribraque ; au dernier l’anapeste, le spondée, le tribraque et le
dactyle, mais je n’ai pu observer ce dernier que deux fois, comme :
E solis anapaestis unus legitur in
Hercule Furente :
75
On en lit un seul composé uniquement
d’anapestes, dans Hercule Furieux :
Itaque similem uersum reprehenderunt
familiares Ouidii, in ipsius tragoedia Medea, qui a Seneca in
Controuersiis annotatur :
77
C’est pourquoi les familiers d’Ovide
ont blâmé ce vers, dans la tragédie Médée du même, qui est noté par
Sénèque dans les Controverses :
Anapaestici qui constant e solis
spondeis nimium inertes sunt, ideoque a Ruffino uocantur immanifesti , quia in iis uix numerus et uersus
intellegi potest, ut Cicero ait : imo plane non
intelligitur, si aliis, non sui generis, sunt immixti ; talis est in Œdipo :
78
Les vers anapestiques qui se composent
seulement de spondées sont assez mous, et c’est pour cela que Ruffin les dit «
inapparents », parce qu’on peut difficilement y discerner le rythme et le vers,
comme Cicéron le dit : bien mieux, on ne comprend pas du tout, si ces vers sont
mélangés à d’autres qui sont d’un autre type ; tel celui-ci dans
Œdipe :
Tales spondaici, quamuis aliis itidem generis carminibus inseruntur, tamen in eorum habentur numero, cum quibus coniuncti sunt, etiamsi pedem nullum legitimum habeant ; quod et ueteres grammatici annotarunt, ut diximus, libro de re poetica septimo.
De tels vers spondaïques, quoiqu’ils soient mêlés à d’autres vers du même genre, sont cependant compris au nombre de ceux avec lesquels ils sont liés81, même s’ils n’ont aucun pied légitime ; ce que les anciens grammairiens ont noté, comme nous l’avons dit au livre VII du De re poetica.
Iambum pedem hoc carmen non admittit,
nam in illo uersu :
82
83
Ce vers n’admet pas l’iambe, car dans
le vers suivant :
Habet hoc carmen post duos pedes
incisum, in quo syllaba breuis produci potest, ut :
86
87
Ce vers a une coupe après deux pieds,
vers dans lequel une syllabe brève peut être allongée, comme :
Interdum non fit elisio, ut in Octauia :
88
89
90
91
92
Parfois il n’y a pas d’élision, comme
dans Octavie :
Est huius carminis bonitas et elegantia praecipua, si pedibus singulis, singulae partes orationis finiantur ; altera, si dimensiones ipsae parte orationis terminentur.
Ce vers a une qualité et une élégance supérieures, si chaque partie du discours se termine par des pieds particuliers ; secondairement, si les mesures ont les mêmes clausules que la partie du discours lui-même.
Talis est autem solita eius constitutio
:
D’ailleurs une telle composition de ce
vers est usuelle :
Admittit aliquando pedes alienos, seu
(ut Seruius) ignobiles
94
Il admet parfois des pieds qui lui sont étrangers, soit (selon Servius) « manquant de noblesse », « plats » (selon Cicéron, De oratore) ; nous, nous les avons appelés jusque-là « impurs », parce qu’ils déforment et le rythme et le vers.
In prima sede paeonem tertium, ut in
Œdipo :
96
À la première position, il admet un
péon troisième, comme dans Œdipe :
In secunda sede baccheum, ut in Octauia :
97
À la deuxième position, un bacchée,
comme dans Octavie :
Obseruatione dignum est quod Cicero anapaestum pedem, pro ipso carmine anapaestico
ponit, ut de Finibus : Graeci qui hoc anapaesto citantur
98
Mérite l’attention le fait que Cicéron mette « anapeste » à la place du vers anapestique lui-même, comme dans le De finibus : « les Grecs invoqués dans ces anapestes », c'est-à-dire dans ce vers anapestique.
DE SAPPHICO.
À propos du vers sapphique
I. Sapphicum brachycatalectum, quod
constat molosso, anapaesto, baccheo, id inseritur choro cuidam in Agamemnone :
99
I. Le vers sapphique
brachycatalectique, qui se compose d’un molosse, d’un anapeste, d’un bacchée, est
inséré dans quelque chœur, dans Agamemnon :
II. Sapphicum integrum pedibus constat certis : trochaeo, molosso, anapaesto, et amphibrachy uel baccheo, propter syllabam uultimam communem.
II. Le vers sapphique acatalectique se compose de pieds fixes : trochée, molosse, anapeste, et amphibraque ou bacchée, à cause de la dernière syllabe, indifférente.
Habet usitate caesuram post alterum
pedem, quam tragicus semper obseruat, Catullus non
admodum accurate, Horatius accuratius, praeterquam
in locis paucis, et in initio Carminum, libro primo :
100
101
Il a, selon l’usage, une césure après
le deuxième pied, que notre tragique observe toujours, Catulle pas tout à fait
scrupuleusement, Horace plus scrupuleusement, excepté en quelques endroits, et au
début des Odes, au livre I :
In oda de Pindaro utitur undecies ; in Carmine Saeculari uno minus uigesies ; alias non nimium.
Dans une ode de Pindare il est utilisé onze fois ; dans le Carmen Saeculare dix-neuf fois ; ailleurs pas tellement.
In hoc genere grauiter cadunt uersus,
qui desinunt in dictionem quadrisyllabam, ut :
103
Dans ce cas, les vers qui terminent sur l’expression d’un quadrisyllabe finissent lourdement, comme : Iām sĭ / lēt mūrmūr / grăuĕ clās / sĭcōrŭm
Nonnunquam propter caesuram syllaba
correpta extenditur, idque semel tantum apud Horatium, sed saepius apud hunc tragicum, ut :
104
105
Parfois, à cause de la césure, une
syllabe brève est allongée, et ce une fois seulement chez Horace, mais plus souvent
chez notre tragique, comme :
Est autem ueri et integri sapphici
constitutio eiusmodi :
108
Par ailleurs, une composition de la
sorte est celle d’un sapphique véritable et entier :
Obseruauimus in saphico pedes
illegitimos plures, quam in aliis, eosque in sedibus omnibus, ultima tantummodo
excepta ; ut in prima sede, spondeus pro trochaeo, quod quia semel factum, legem non
facit :
109
Nous avons observé dans le sapphique
un plus grand nombre de pieds incorrects que dans d’autres, et cela à toutes les
positions, sauf à la dernière ; ainsi à la première, un spondée au lieu d’un
trochée, unique occurrence qui ne fait pas loi :
In altera sede pro molosso, interdum creticus collocatur, interdum choriambus ; de cretico constat ; de choriambo, nos exempla afferemus, quia inusitatum est, et ab alio, quod equidem sciam, factum nemine.
À la deuxième position, à la place du molosse, est placé parfois un crétique, parfois un choriambe ; pour le crétique, c’est clair ; pour le choriambe, nous apporterons des exemples, parce que ce n’est pas usuel, ni, que je sache du moins, pratiqué par personne d’autre.
Creticus inuenitur sine omni controuersia, et ueteres sapphicos tales fuisse, Iulius Scaliger sentit.
On trouve des crétiques sans discussion aucune, et Jules Scaliger pense que les anciens sapphiques étaient ainsi.
Catullus :
110
Catulle111 :
Sappho
certe, quae huius carminis inuentrix est, in quadam oda, continenter eo pede utitur
:
112
Sappho bien sûr, qui a inventé ce
vers, utilise dans une ode ce pied dans plusieurs vers successifs :
Choriambus in eadem sede, uni tragico
nostro est usitatus : extant plura exempla, ne quis possit dubitare ; qualia sunt :
113
114
À la même position, le choriambe est
employé par notre tragique seul : il en reste d’assez nombreux exemples, pour qu’on
ne puisse pas en douter ; tels que ceux-ci :
Similiter in Thyeste :
118
119
120
121
De façon semblable dans
Thyeste :
Exempla nondum in libris corrupta tot enumero, ne temere affirmare uidear rem nouam.
Je ne vais pas encore énumérer tant exemples corrompus dans les textes, pour ne pas sembler soutenir une nouveauté aveuglément.
Ille autem uersus in Hercule Œteo :
124
125
Par ailleurs ce vers dans
Hercule sur l’Œta :
Satis de prima et altera sede huius carminis.
En voilà assez à propos des première et deuxième position de vers.126
In tertia sede spondeus contra artem et
usum collocatur, ut :
127
À la troisième position, on place un
spondée contre l’art et l’usage, comme :
Spondeus iste interdum resoluitur, ut :
129
130
131
132
Ce spondée peut parfois se résoudre,
comme :
Eadem resolutione Caecilius in Plocio,
apud Terentii interpretem :
137
Par la même résolution, Cécilius dans
le Plocium, selon le commentateur de Térence138 :
Sumptum hoc de Graecis ; Homerus :
139
140
C’est emprunté aux Grecs ; Homère :
Aliter in carmine sapphico distinguunt pedes Bassus, Diomedes, Attilius, Terentianus, Seruius, et alii, nam inter composita id numerant ; sed qui simplicem rationem sequuntur, quam nos sequimur, ad tragici huius compositionem spectant, quae sine dubio e Graecorum fluxit institutionibus.
Dans le vers sapphique, Bassus, Diomède, Attilius, Térentianus, Servius et d’autres, adoptent diverses distributions des pieds, car ils le mettent au nombre de compositions poétiques ; mais ceux qui suivent un raisonnement isolé, que nous suivons personnellement, l’envisagent pour la composition de ce tragique précisément, qui découle sans nul doute des fondements grecs.142
Horatius
in hoc genere semel atque iterum utitur dissectione, ut
143
144
Horace pratique la coupe de mots
deux fois en tout et pour tout dans ce genre145,
comme :
DE CHORIAMBICO.
À propos du vers choriambique
I. Choriambicum dimetrum constat
choriambo et baccheo.
146
147
I. le dimètre choriambique se compose
d’un choriambe et d’un bacchée :
II. Choriambicum trimetrum, e spondeo,
choriambo, et pyrrhichio, ut :
148
II. Le trimètre choriambique d’un
spondée, d’un choriambe et d’un pyrrhique, comme :
Ex hoc facti sunt chori integri in Thyeste et Hercule Œteo ; finis cuiusdam chori in Hercule furente ; medium in Medea.
Des chœurs entiers de Thyeste et de l’Hercule sur l’Œta sont faits de ce vers ; la fin d’un chœur de l’Hercule Furieux ; le milieu, dans Médée.
Habet primo loco interdum trochaeum, ut
apud Seuerum Septimum :
149
Il a en en premier lieu parfois un
trochée, comme chez Septime Sévère :
Interdum creticum, ut in Hercule Œteo :
150
Parfois un crétique, comme dans
Hercule sur l’Œta :
Prima enim in nomine quatuor apud bonos poetas semper producta legitur : quater, semper correpta.
La première syllabe en effet dans le mot quatuor est toujours lue longue chez les bons poètes ; quater toujours brève.
III. Choriambicum tetrametrum fit e
spondeo, duobus choriambis et pyrrhichio ; quo genere frequentissime utitur, hoc
suaue est si incisum habeat post pedem alterum :
152
III. Le tétramètre choriambique est
fait d’un spondée, de deux choriambes et d’un pyrrhique, type de vers dont il se
sert très fréquemment ; il est doux s’il a une césure après le deuxième pied :
Ex hoc passim integri chori compositi.
Il y a des chœurs entiers composés de ce type de vers.
Idem inter duos trimetros et totidem tetrametros in Œdipo interposuit.
Il a inséré ce type de vers entre deux trimètres et autant de tétramètres dans Œdipe.
Sunt praeterea genera choriambicorum minus nota.
Il y a d’autres types de vers choriambiques moins connus.
1. Primum, quod e choriambico dimetro
constat, et duobus pedibus iambi, cum syllaba superflua :
153
1. Le premier, qui se compose d’un
dimètre choriambique, et d’iambes dans deux pieds, avec une syllabe supplémentaire :
2. Alterum, quod e choriambo,
anapaesto, et iterum choriambo.
154
2. Le deuxième, qui se compose d’un
choriambe, d’un anapeste et à nouveau d’un choriambe :
3. Tertium, quod prioribus est magis
uulgatum, e spondeo, choriambo, anapaesto, tribrachyo.
157
3. Le troisième, qui est plus répandu
que les précédents, se compose d’un spondée, d’un choriambe, d’un anapeste et d’un
tribraque :
Reperiuntur plura in Agamemnone huius generis.
On en trouve d’assez nombreux de ce type dans Agamemnon.
4. Quartum, quod e choriambis in sede
prima et ultima, in secunda iambo, in tertia spondeo constat ; cuius unicum extat
exemplum in Œdipo :
158
4. Le quatrième, qui se compose de
choriambes en première et dernière positions, d’un iambe à la deuxième et d’un
spondée à la troisième ; mais nous il n’en reste qu’un seul exemple, dans
Œdipe :
5. Quintum, quod est priore breuius
syllaba, et loco choriambi finitur dactylo, ut in Agamemnone :
159
5. Le cinquième, qui est plus court
que le précédent d’une syllabe, et se termine par un dactyle au lieu d’un choriambe,
comme dans Agamemnon :
DE DACTYLICO.
À propos du vers dactylique
Dactylicum dimetrum catalectum,
conficitur e duobus dactylis, ut :
160
161
I. Le dimètre dactylique catalectique
est constitué de deux dactyles, comme :
II. Dactylicum trimetrum, e dactylo,
spondeo et dactylo, ut :
162
II. le trimètre dactylique, d’un
dactyle, d’un spondée et d’un dactyle, comme :
III. Dactylicum tetrametrum
acatalectum, fit e solis dactylis, socio pede adiuncto spondeo, qui admittitur
sedibus omnibus, excepta postrema ; quod carminis genus appellatur nomine bucolicon,
et idem interponitur modo sapphicis et choriambicis, quales sunt tres in Hippolyto ; modo heroicis, quales multi in Œdipo, ante actum tertium :
164
165
III. Le tétramètre dactylique
acatalectique est fait seulement de dactyles, auxquels on ajoute le spondée, un pied
qui leur est associé, qui est admis à toutes les places sauf à la dernière ; ce
genre de vers est appelé du nom de « bucolique » et est inséré de même parfois dans
des vers sapphiques et des choriambiques, tels trois dans Hippolyte,
parfois dans des vers héroïques, tels beaucoup dans Œdipe, avant le
troisième acte :
De hoc uersu ita scribit Terentianus, diligens grammaticus :
166
167
Terentianus, grammairien attentif, a
écrit à propos de ce vers :
Hi uersus si e solis componuntur
spondeis, minus sunt sonori, minus accommodati, ut in Œdipo :
169
Ces vers, s’ils sont composés
seulement de spondées, sont moins sonores, moins adaptés, comme dans
Œdipe :
Nam dici dactylicus potest, auctore Attilio, qui pedes omnes spondeos habet170 ; dici iambicus, qui spondeis maxima e parte abundat, quod in Plautinis Camerarius annotauit171 ; dici anapaesticus, eadem de causa, de quo dictum paulo ante est.
De fait, on peut qualifier de vers dactylique, selon Attilius , celui qui a des spondées à tous les pieds ; qualifier de iambique celui qui a une très grande majorité de spondées, ce que Camerarius a noté pour les vers plautiniens ; qualifier d’anapestique, pour la même raison, celui dont il a été question un peu plus haut.
Ratio est (ut idem Attilius) quia pes spondeus metra omnia ordinat atque disponit.
La raison en est (selon le même Attilius) que c’est le spondée qui ordonne et dispose tous les mètres.
IV. Dactylicum pentametrum superiori simile est, quod uno pede excedit, id olim uocatum Aeolicum, eoque librum integrum scripsit Sappho.
IV. Le pentamètre dactylique est semblable au précédent, qu’il excède d’un seul pied, appelé autrefois « éolien » et Sappho en a écrit un livre entier.
In his tragoediis unus tantum inuenitur
in Agamemnone :
172
Dans ces tragédies, on en trouve un
seul dans Agamemnon :
Sunt huius generis multa composita.
Il y a beaucoup de compositions de ce type de vers.
1. ut incipiens a caesura trochaica ;
in Agamemnone :
174
175
I. comme celui commençant par
une césure trochaïque176 dans Agamemnon :
II. a caesura sapphica ; in Agamemnone :
178
II. par une césure sapphique ; dans
Agamemnon :
III. item a caesura iambica, uel e
solis iambis facta, ut
179
180
181
III. et encore par une césure
iambique, ou produite à partir de pieds iambiques uniquement, comme :
DE HEXAMETRO.
A propos de l’hexamètre
Hexametrum (quod a materia heroicum, ab orationis genere epicum) componitur e dactylis et spondeis, ita tamen ut sedem quintam dactylus, sextam et ultimam spondeus possideat.
L’hexamètre (dit « héroïque » à partir de son contenu, « épique » à partir du genre d’expression) est constitué de dactyles et de spondées, de sorte cependant que le dactyle occupe la cinquième position, et le spondée la sixième et dernière.
In prioribus enim ambo pedes sine ullo discrimine ponuntur.
Dans les précédentes en effet, on place ces deux pieds parfaitement indifféremment.
Huius exemplum est optimus ille poetae
optimi uersus :
183
Cet excellent vers, d’un excellent
poète, en est un exemple :
Hoc carminis genere celebrantur res gestae Bacchi in Œdipo et Medea ; item oraculum, quod Œdipo datum est.
C’est dans ce type de vers qu’est célébrée la geste de Bacchus dans Œdipe et Médée ; de même l’oracle qui est rendu dans Œdipe.
Oraculum refertur in scenae medio, Bacchi facinora inseruntur choris.
L’oracle est rapporté au milieu d’une scène, les actes de Bacchus dans les chœurs.
In antiquissimis tragoediis frequentem fuisse huius uersus usum, intelligitur e libro de re poetica, qui inter Aristotelicos legitur.184
On comprend d’après le livre La Poétique, qu’on lit parmi ceux d’Aristote, qu’on faisait un usage fréquent de ce vers dans les plus anciennes tragédies.
DE MONOMETRO.
A propos du monomètre
Monometrum est, quod e duobus fit
pedibus, estque aut acatalectum, quod integrum est, ut ex anapaestico, ut :
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186
187
188
Le monomètre est celui qui se
compose de deux pieds, et il est ou bien acatalecte, parce qu’il est entier, formé
d’un pied anapestique, comme :
Catalectum, cui syllaba aliqua deest.
Ou catalectique, auquel il manque une syllabe.
Hypercatalectum, in quo abundat
syllaba, ut in trochaico :
190
191
192
Ou hypercatalectique, dans lequel une
syllabe est en plus, comme dans ce vers trochaïque :
Quia autem tales finiunt plerunque sententiam, aut etiam carminis genus, ideo antiqui monometra, clausulas appellarunt, ut Varro tradidit.194
Par ailleurs, c’est parce que de tels vers déterminent généralement la phrase, ou même le genre de vers, que les anciens ont appelé les monomètres des clausules, comme Varron l’a rapporté .
« Aucune terreur, aucun orage soulevé par l'aveugle Fortune, aucun éclat de la foudre injuste de Jupiter ne troublent cet asile » Le chant est polymétrique et se prête à des interprétations variées de la colométrie.[Nullus hunc terror nec impotentis] procella fortunae mouet [aut iniqui flamma Tonantis.]
Sēcū / ră tŏrō / māxĭmă / Jūnō, dēsĕrĭt / āltām / Jūppĭtĕr / āulām.