Tragoediae diffinitio
Aegidius Maserius

Présentation du paratexte

Plan de ce paratexte présenté dans les quelques lignes qui précèdent ce qui est présenté comme un titre (Tragoediae diffinitio en milieu de page), juste après le chœur des Bons Enfants : sur la tragédie, sa nature, ses différences avec la comédie, ses auteurs.

Manière également annoncée : par opposition à ce qui a précédé (diffuse), ici c’est sous forme résumée (compendiose) que les questions seront traitées.

1) Section de l’épître dédicatoire consacrée à la définition de la tragédie, opérée par une remarque très générale, puis par le recours à l’étymologie, puis par série de differentiae avec la comédie et en lien avec le drame satyrique, par des remarques sur son style et sa composition (début, fin, chœurs)

2) deuxième partie de la lettre (Superest secunda pars eorum enarratiua qui in tragoediis scribendis clariores fuere) consacrée aux auteurs s’étant illustrés dans le genre tragique, en Grèce et à Rome

3) enfin troisième et dernière partie (His praelibatis restat ut de nostro Seneca dicamus quae alium a Seneca Stoico cuius meminimus aperte demonstrabunt) sur Sénèque, pour démontrer que le Tragique et le Philosophe sont deux personnes distinctes.

Parties descriptives et argumentatives s’appuyant sur de nombreux auteurs antiques (Horace, Térence, Vitruve, Virgile) et, à la marge, sur un auteur moderne (Riccardini).

Bibliographie :
  • Heinrich Keil, Grammatici latini. Volume 1, Flavii Sosipatri Charisii Artis grammaticae libri V. Diomedis Artis grammaticae libri III. Ex Charisii Arte grammatica excerpta, publisher, date
  • Raphael Dammer, Diomedes grammaticus, publisher, date
  • Publius Vergilius Maro, Comment. Maurus Honoratus Servius, Christophorus Landinus et Ælius Donatus, pubPlace, publisher, date
  • F. La Brasca, Cristoforo Landino et la culture florentine de la Renaissance, pubPlace, publisher, date
  • Roberto Cardini, La critica del Landino, pubPlace, publisher, date
  • Paré-Rey, Pascale, "Les éditions des tragédies de Sénèque conservées à la Bibliothèque nationale de France (XVe-XIXe s.)", in L’Antiquité à la BnF, 17/01/2018, https://antiquitebnf.hypotheses.org/1643
  • Paré-Rey, Pascale, Histoire culturelle des éditions latines des tragédies de Sénèque, 1478-1878, Paris, Classiques Garnier, « Histoire culturelle » 20, 2023
Traduction : Pascale PARE-REY

Quid tragoedia sit, quantumque a comoedia differat et si auctores locupletissimi abunde explicuerunt, non incongruum tamen duximus, si quod pluribus libris diffuse tractetur, nunc comprendiose perstringamus ; quod idcirco facimus ne tui adulescentes, moderator optime, quibus usque commodare uolui carminis nouitate territi ab huius Senecae consuetudine abducantur, fructuque qui ex eius frequentia comparari potest priuentur, ut tamen ex his unus non habear qui in suis precandis oppidoquam ingrati alienarum rerum sunt uindicatores, quae sequitur sub collectaneum forma me subiungere non infitior.

Ce qu’est la tragédie, combien elle diffère de la comédie, si des auteurs très abondants l’ont abondamment déployée, nous n’avons cependant pas considéré comme incongru, même si cela a été traité de manière diffuse dans de nombreux livres, de l’aborder maintenant de manière abrégée ; et c’est pourquoi nous faisons en sorte que tes jeunes gens, toi qui excelles à les modérer, auxquels j’ai sans cesse voulu rendre service, ne soient pas, effrayés par la nouveauté de cette poésie, détournés de l’habituation à ce Sénèque, et ne soient pas privés du fruit qui peut être récolté de cette fréquentation, de sorte cependant que je ne sois pas considéré comme une exception parmi ceux qui s'approprient de façon vraiment ingrate le bien d'autrui ; en ce qui concerne ce qui suit, je ne nie pas que je me soumets à la forme de la compilation 1.

Tragoediae diffinitio

Définition de la tragédie2

Tragoedia est heroicae fortunae in aduersitatibus comprehensio3 ; ἀπὸ τοῦ τράγου tragoediam enim, cantantibus hircum pro praemio donari solitum horatianus ille uersus indicat Carmine qui tragico uilem certauit ob hircum 4 , aliis a faece quam dicunt τριγα, aliis a uino quod est τριξ deducentibus.

La tragédie est le fait de saisir en un tout le sort des héros dans l’adversité; que la tragédie tire son nom « de tragos » (bouc), qu’on avait l’habitude d’offrir en récompense aux chanteurs un bouc, ce vers horatien l’indique : « Celui qui concourut en poésie tragique pour un vulgaire bouc », alors que d’autres la font venir de la lie qu’ils disent « trux », d’autres du vin, qui se dit aussi « trux ».5

Non desunt qui pellem hirci musti6 plenam solemne esse praemium cantoribus assignant, quod Christophorus Landinus super illud Virgilii quod est in secundo Georgicorum annotauit :

Il ne manque pas de gens pour attribuer le fait que la peau du bouc pleine de moût était une récompense pour les chanteurs, ce que Christoforo Landino7 a commenté sur ce vers de Virgile qui se trouve dans les Géorgiques II :

Non aliam ob causam Baccho caper omnibus aris. Ceditur et ueteres ineunt proscenia ludi : Praemiaque ingentes pagos et compita circum Thesidae posuere atque inter pocula laeti Mollibus in pratis unctos saliere per utres1 8

« Ce n'est point pour une autre faute qu'on immole un bouc à Bacchus, sur tous ses autels, que des jeux antiques envahissent la scène, que les Théséides proposèrent des prix aux talents, en allant de bourg en bourg et de carrefour en carrefour, et qu'on les vit tout joyeux, entre deux rasades, sauter dans les molles prairies par-dessus des outres huilées »

His uersibus tragoedias in deorum honorem primitus actas elicere possumus et (ut canit Horatius), cum personae deessent, homines faece oblitos duce Thespi introduci solitos cum ait :

Nous pouvons tirer de ces vers que les tragédies ont été à l’origine jouées en l’honneur des dieux et (comme le chante Horace) que, alors que les masques faisaient défaut, on prit l’habitude d’introduire des hommes enduits de lie, sous la conduite de Thespis, quand le poète dit :

Ignotum tragice genus inuenisse Camenae Dicitur et plaustris uexisse poemata Thespis Quae canerent agerentque percuncti faecibus ora. 9

« On dit que Thespis a inventé le genre de la Camène tragique qui était encore inconnu et a promené sur ses chariots des poèmes que chantaient et jouaient des acteurs au visage barbouillé de lie »

Comoedia uero est priuatae humilisque personae secluso uitae periculo comprehensio10, cuius deductio (quia satis ex Terentii lectione sedulisque eiusdem interpretibus perspecta est) de ea ut rei nostrae necessario sese offeret

La comédie, elle, est le fait de saisir en un tout une personne privée et humble, toute mise en danger de sa vie mise à part , dont (puisqu’elle a été suffisamment examinée à partir de la lecture de Térence et par ses habiles commentateurs) la progression à son sujet s’offrira d’elle-même nécessairement comme à notre affaire.11

Aliqua dicturi ad tragoediam transimus, cuius grauitati dramata satirica fuere aliquando permixta, obseruata saepius tragica maiestate, unde Horatius in Arte :

Dans l’intention d’en dire quelque chose, nous passons à la tragédie, à la gravité de laquelle les drames satyriques ont parfois été mélangés, leur majesté tragique ayant été assez souvent observée, d’où Horace dans son Art :

Mox etiam agrestes satyros nudauit, et asper Incolumi grauitate iocum tentauit, eo quod Illecebris erat et grata nouitate morandus Spectator etc 12

« [Celui qui, pour un vil bouc, disputa le prix du poème tragique] montra ensuite les Satyres dans leur rustique nudité, et fit l'essai, sans nuire à la gravité de la tragédie, d'un jeu plus rude : il fallait, par le charme d'une agréable nouveauté, retenir le spectateur […] »

Satyrica tamen uocauerimus non minus lasciuientia quam grauiter reprehendentia quae duo antiquis fabulis fuerunt inserta.

Nous appellerions cependant « satyriques » des éléments non tant lascifs que lourdement critiques qui ont tous deux été insérés dans les pièces antiques.

Hoc manifeste probat Deiphili petulantia qui ludis Apollinaribus cum inter agendum in eum incidisset uersum cuius haec erat sententia (Miseria uestra Magnus est) intolerabilem Pompei Magni satyrice reprehendit potentiam nec minus libere de eodem loquens sic insurrexit : Virtutem istam ueniet tempus cum grauiter gemas.13

L’effronterie de Diphile montre cela, lui qui dans les jeux Apollinaires, comme il était tombé au milieu de la représentation sur le vers qui comprenait cette sentence (« Il est Grand par votre misère »), a critiqué la puissance insupportable de Pompée le Grand de manière satirique et, parlant tout aussi librement à propos du même, s’est insurgé de la sorte : « Viendra un temps où tu te repentiras lourdement de ta bravoure ».

Verum quem grauia iuuabunt nulla leuitate permixta, rarenter satyrica annectet ; est siquidem teste Horatio : Effutire leues indigna Tragoedia uersus 14 .

Mais celui que séduiront les vers graves où ne se mêle aucune légèreté, insèrera rarement des passages satiriques. Car, aux dires du moins d'Horace, « la tragédie <est> indigne de se répandre en vers badins »

Cum igitur tragoediae stilus sublimis sit adeo ut audacissime Horatius dicat Omne genus scripti grauitate tragoedia uincit 15

Vu donc que le style de la tragédie est à ce point sublime qu’Horace dit « La tragédie vainc tout genre d’écrit par sa gravité ».

Et alio in loco Paulum seuereae Musa tragoediaeabsit theatris 16 ;

Et ailleurs : « Que la Muse de la sévère tragédie s’éloigne un peu des théâtres » ;

Strabo quoque in primo altiloquentiam uocitet quae alta seuera grauiaque erunt heroicam deflentia calamitatem tragice ; quae uero humilia uirginum raptus et amores ludentia comice explicentur.17

Que Strabon également, dans son premier livre, nomme grandiloquence les éléments qui seront altiers, sévères et graves, déplorant le malheur héroïque de façon tragique ; mais les éléments humbles, représentant les enlèvements et les amours des jeunes filles, seront développés de façon comique.

Nam ut non inconcinne tradit Horatius : Versibus exponi tragicis res comica non uult Indignatur item priuatis et prope socco Dignis carminibus narrari cena Thyestae Singula quaeque suum teneant sortita decentem. 18

Car comme le livre Horace non sans élégance : « Un sujet comique répugne à être traité en vers de tragédie, comme il serait choquant de raconter le festin de Thyeste dans des vers faits pour un simple particulier, chaussé du brodequin. Que chaque sujet garde donc le ton qui naturellement lui convient ».

Vnde fieri solet ut comoedia cuius tristi principio finis succedit laetus humiles personas ; tragoedia cuius principio exitus lacrimosior est graues recipiat, haec humilibus sententiis gaudeat ; illa uehementissimis constet affectibus cui illud Quintilianum decimo accedit sua cuique proposita lex suus cuique decor ; nec comoedia in cothurnos assurgit nec tragoedia socco ingreditur, habet tamen omnis eloquentia aliquid commune, id imitemur quod commune est 19 .

D’où il arrive souvent que la comédie, dont la fin heureuse succède à un début triste, admet des personnages humbles ; que la tragédie, dont l’issue est plus larmoyante que le début, admet des personnages graves, que celle-ci se satisfasse de pensées humbles, que celle-là comprenne des émotions très violentes, à laquelle au dixième livre intervient ce propos de Quintilien « à chaque genre d'éloquence sa loi, à chacun sa convenance ; ni la comédie ne se dresse sur des cothurnes ni la comédie n’avance sur le socque ; chaque expression a cependant quelque chose du commun ; imitons ce qui est commun ».

In tragoedia tamen aliquando fit ut res humiliter exponatur praesertim in choro ubi lasciuiendi materia conceditur ; quin etiam in comoedia habetur nonnumquam uerborum sententiarumque sublimitas unde illud Horatii :

Dans la tragédie cependant il arrive que quelque chose soit exprimé en style bas surtout dans le chœur, où on laisse matière à la légèreté ; et bien plus encore dans la comédie, on atteint parfois le sublime des mots et des pensées, d’où ce passage d’Horace :

Interdum tarmen et uocem comoedia tollit Iratusque Chremes tumido delitigat ore Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri. 20

« Parfois cependant la comédie élève la voix. Chrémès, dans sa colère, enfle le ton pour gourmander son fils. Et souvent un personnage tragique exprime sa douleur en un langage prosaïque »

Huius tragoediae (ne quod eius est praetermittamus) ita ambitiose uel qui primi erant stilum amplexi sunt ut, si Minerua (qua inuita nihi tentandum) aliquantulum cooperaretur, tragicum genus tractarent (ut de Augusto Caesare Tranquillus litteris mandauit21) aut de se scribendum quantumuis temerarie iuberent quod de Archelao scriptum passim uidemus.

De la tragédie (pour ne pas omettre ce qui lui revient) ou bien ceux qui étaient les premiers en ont embrassé si amplement le style que, si Minerve (contre laquelle il ne faut rien tenter si elle s’y oppose) coopérait un tant soit peu, ils pratiqueraient souvent le genre tragique (comme Suétone l’a rappelé dans ses écrits à propos d’Auguste), ou ils ordonneraient qu’il faut écrire sur soi, même à la légère, ce que nous avons vu partout écrit à propos d’Archélaos.

Qui autem erat tragoediam acturus scaenam cothurno indutus ingrediebatur ; erat indumentum utrique pedi aptum ; soccus uero rusticorum erat calceamentum humile quidem comoedo congruum.

Or celui qui s’apprêtait à jouer une tragédie, s’avançait sur scène affublé du cothurne ; c’était un équipement adapté à chaque pied ; quant au socque, c’était une chaussure humble, des gens rustiques, convenant assurément à l’acteur comique.

Hinc pro comoedia sumptum, ut cothurnus pro tragoedia. Vnde Horatius utrumque distinguens ait : Hunc socci sumpsere pedem grandesque cothurni Alternis aptum sermonibus et populares Vincentem strepitus et natum rebus agendis. 22

De là fut-il choisi pour la comédie, comme le cothurne pour la tragédie. D’où Horace, en distinguant l’un et l’autre, dit : « Le socque et le haut cothurne adoptèrent ce pied, bien approprié au dialogue, dominant les bruits de la foule et né pour l'action. »

Quoniam cothurnatos diximus tragoedos scaenam ingredi, non ab re fiet si pauca de ea dicemus.

Puisque nous avons dit que les acteurs tragiques entrent en scène chaussés de cothurnes, ce ne serait pas hors de propos si nous disions quelques mots à son sujet.

Quae erat umbraculum a rusticis arboribus prius contextum ubi recitari solebant carmina ; eratque uel uersatilis quae subito machinis conuersa aliam picturae faciem ostentabat, uel ductilis quae tabulatis contractis hac atque illac picturae speciem nudabat interiorem, quam rursus actores trifariam diuisere ;

La scène était un lieu ombragé formé par des arbres de la campagne où on avait coutume de réciter des poèmes ; et il y avait soit une scène mobile qui, tournée d’un coup par des machines, montrait un décor peint différent, soit une scène convertible qui, une fois les tableaux repliés, dévoilait çà et là la vue d’un décor intérieur, que les acteurs divisèrent à nouveau en trois parties ;

aut enim tragoediae agebantur tunc, omnia iuxta regiam magnificentiam parabantur signa fastigiaque regalia et columnae deauratae coloribusue pretiosis depictae ;

Car ou c’était des tragédies qui étaient alors jouées, ils préparaient tout conformément à la magnificence royale : statues et toits de palais, colonnes dorées ou peintes en des coloris précieux ;

aut comoediae et tunc scaena plebeios receptura erat pro priuatorum aedificiorum specie formata ;

ou c’était des comédies et alors la scène, destinée à recevoir des gens du peuple, était arrangée pour offrir la vue de bâtiments privés ;

aut agebantur satyrae conualles, monticulos, arbores et antra exposcentes.

ou c’était des satyres23 qui étaient jouées, nécessitant des vallées, des monticules, des arbres et des grottes.

Ibi pegmata, peripesmata24, aulaeaque cernebantur ; pantomimi, praecones, tibicines, cornicines, cytharoedi, choraules, symphonia tragoedi et comoedi.

Là on voyait des estrades, des tentures et des rideaux ; des pantomimes, des hérauts, des joueurs de tibia, de cornu, de cithares, d’aulos, jouant en accord avec le tragédien et le comédien.

Vbi uel res agebatur, circa quod ea utebatur actor diligentia ut quae nimiae essent in comoedia lasciuiae a populi conspectu auerteret quaeque nimiae essent in tragoedia immanitatis ; ne a populo spectaretur amouendum curaret iuxta illud Horatii :

Quand l’action était bel et bien jouée, autour de quoi l’acteur faisait preuve d’une telle implication qu’il détournait de la vue du public ce qui était trop osé dans la comédie et tout ce qui était trop monstrueux dans la tragédie ; pour que ce ne soit pas vu par le public, il faisait en sorte de le supprimer conformément à ce passage d’Horace :

Ne pueros coram populo Medeam trucidet aut humana palam coquat exta nefarius Atreus, aut in auem Procne uertatur, Cadmus in anguem. 25

« Que Médée n’égorge pas ses enfants devant le public, que l’abominable Atrée ne fasse pas cuire devant tous des chairs humaines, qu’on ne voie point Procné se changeant en oiseau ou Cadmus en serpent ».26

Ad hoc notandum est secundum Horatii praeceptum quartam personam uel non recipiendam uel si recipiatur sermonibus rariuscule interponendum27 ; frequentius duae admittuntur ; ubi uero tertia adiungitur plerumque; fit ut aliorum dicta ex insidiis non respondens suscipiat, uel si opus est occulte respondeat.

À ce propos, il faut noter, selon le précepte d'Horace, qu'il ne faut pas recourir à un quatrième acteur, ou s’il est requis, qu'il faut le faire intervenir très rarement dans les dialogues ; on prend plus fréquemment deux acteurs ; quand cependant un troisième est ajouté, la plupart du temps il arrive qu'il saisisse les paroles des autres en traître sans répondre, ou, s'il est besoin, qu'il réponde en aparté.

Praeterea quae in scaenis agebantur tragoediae, ut Horatius prosequitur, non pauciores nec plures quam quinque actus continebant28, modo eas dicere perfectas uelimus ; tertiam namque imperfectam nostri Senecae tragoediam edax tempus29 rerum maiorum negligentia non sine posterorum damno exedit;

En outre, pour les tragédies qui étaient jouées sur scène – comme Horace l'expose – qui ne comprenaient pas moins ni pas plus de cinq actes, nous voudrions dire qu'elles sont parfaites ; et de fait la troisième de notre Sénèque, imparfaite30, « le temps vorace », par la négligence des choses plus importantes, non sans dommage pour la postérité, l'a rongée.

Cui (ut dignosci facile potest), quartus actus nullo introducto choro finem imponit; qui tragoediae maxime necessarius solet bonis prosperitatem precari, sceleratorum uitia grauiter insectari, iratos temperare et uirtutis amore non peccantes laudibus efferre, ab omnibusque uirtutibus commendare, qui comoediae et tragoediae prius communis, nunc soli tragoediae competit.

Car là (comme on peut facilement le discerner), c'est le quatrième acte qui marque la fin, sans qu'aucun chœur ne soit introduit ; alors que ce dernier, nécessaire à la tragédie, a l'habitude de souhaiter le bonheur pour les honnêtes gens, de châtier lourdement les vices des criminels, de modérer les enragés, et, ceux qui ne pèchent par amour de la vertu, de les porter aux nues et de les recommander d'après toutes les vertus, lui qui était commun à la tragédie et à la comédie auparavant, mais appartient maintenant à la seule tragédie.

Haec sunt quae tumultuaria conscripsimus oratione quae eo suscipias animo quo tuae dignitati paruitas exhibet.

Voilà les choses que nous avons écrites à la hâte dans ce discours pour que tu les reçoives avec un esprit par lequel ton humilité le dispute à ta dignité.

Superest secunda pars eorum enarratiua qui in tragoediis scribendis clariores fuere.

Reste la seconde partie qui expose en détail les auteurs qui se sont particulièrement illustrés dans l'écriture des tragédies .

Sub agresti hominum ingenio, naturali bonitate cicurato sapientiumque concursu amollito, Thespis genere Atheniensis (si Port. credatur31) tragoedias primus scripsit, quae res etsi plerisque cordi fuisse perhibentur eo tamen Solon Salaminius adduci non potuit ut delectaretur ; quin teste Diogene Laertio eas falsiloquentiam inclamans Thespin docere prohibuit.32

Au temps du talent brut des hommes, apprivoisé par la bonté naturelle et adouci par le concours des sages, Thespis, un athénien (si l’on en croit Portius), fut le premier à écrire des tragédies, que, même si la plupart rapportent qu’elles lui tinrent à cœur, Solon de Salamine ne put cependant être amené à les apprécier ; bien plus, au témoignage de Diogène Laërce, critiquant leur caractère mensonger, il interdit à Thespis de les produire.

Post cuius decessum, longo tamen temporum interuentu, Aeschylus scriptor clarissimus eo tempore floruit quo cum Persis apud Marathonem Milciadis auspicio digladiatum est;

Et à son décès, après cependant un long intervalle de temps, l’écrivain Eschyle connut son apogée, très célèbre en ce temps où l’on combattit contre les Perses à Marathon sous les auspices de Miltiade33 ;

Qui teste Quintiliano primus tragoedias in lucem protulit grauis quidem sublimis grandiloquus saepe usque ad uitium, sed rudis in plerisque et incompositus 34 .

Et Eschyle, au témoignage de Quintilien, a le premier porté à la lumière des tragédies, grave bien sûr, sublime, et éloquent souvent jusqu’à l’excès, mais brut en général et désordonné.

Post haec Sophocles et Euripides, dictatore Torquato qui filium securi percussum interemit, Athenis in tragico sermone plurimum celebrati sunt.

Après cela Sophocle et Euripide, sous la dictature de Manlius Torquatus35 qui tua son fils après l’avoir frappé d’une hache, furent abondamment célébrés à Athènes dans le genre tragique.

Prior natu Sophocles unde Sophocleum uocat Virgilius cothurnum36, minor Euripides qui ex septuaginta quinque tragoediis elegantissime compositis quinque solum uictorias37 teste Aulo Gellio rettulit, aliis nonaginta duas tragoedias quindecimque uictorias recitantibus ;

Sophocle est l’aîné, d’où Virgile appelle le cothurne « sophocléen » ; Euripide le cadet, qui après avoir composé très élégamment soixante-quinze tragédies, remporta seulement, au témoignage d’Aulu-Gelle, cinq victoires seulement, alors que d’autres citent souvent quatre-vingt-douze tragédies et quinze victoires38 ;

uter uero alteri praestaret iniudicatum Quintilianus relinquens, ait illud quidem nemo non fateatur necesse est iis qui se ad agendum comparent utiliorem longe Euripidem fore etc. 39

mais Quintilien ne tranchant pas le débat de savoir lequel des deux l’emportait sur l’autre, dit cela : « assurément il est nécessaire que tout le monde avoue à ceux qui se préparent à jouer qu’Euripide sera de loin plus utile » etc.

Eodem tempore, ut Diogenes Laertius testatur, Socrates ille quem Apollinis oraculo sapientissimum homines receperunt, in eo genere uersatus est40, quod prius a Solone, hominum testimonio sapiente, improbatum diximus quam, ut uult Aristophanes, tragoedias eloquentiae et sapientiae plenissimas composuit de quo illud est: Sapientiae Euripides agens tragoedias Plenissimas hic est celebresque multum. 41

Dans le même temps, comme Diogène Laërce en témoigne, le grand Socrate que, selon l’oracle d’Apollon les hommes ont admis comme le plus sage, s’est versé dans ce genre littéraire, que Solon, sage au témoignage des hommes, avait (nous l’avons dit) condamné, à une époque antérieure à celle où Socrate, comme l’affirme Aristophane, a composé des tragédies pleines d’éloquence et de sagesse, d’où ce passage est tiré : « Voici Euripide jouant des tragédies abondamment remplies de sagesse et très célèbres »

Quin etiam ipsum Mnesilochus (ut idem refert Diogenes Laertius) Euripidem in poemate conficiendo plurimum iuuisse sic adseuerat : Euripidis recens Phryges est fabula Sarmenta cui supponit et Socrates prudens42

Bien plus, Mnésiloque (comme le même Diogène Laërce le rapporte) avait ainsi affirmé qu’il avait beaucoup aidé Euripide dans l'écriture de ses poèmes : : « La nouvelle pièce d’Euripide, c’est les Phrygiens, sous laquelle même le prudent Socrate place des sarments »

Centum deinde et LX annis fere euolutis, surrexit Q. Ennius, quem Quintilianus in decimo perinde ac sacros uetustate lucos adorandum praedicat, in quibus non tantam grandia et antiqua robora habent speciem quantam religionem.43

Ensuite, cent-cinquante années environ s’étant écoulées, apparut Quintus Ennius, que Quintilien dans son dixième livre proclame qu’il faut révérer comme les bois sacrés par leur ancienneté, dans lesquels les grands et vieux chênes ne se distinguent pas tant par la grandeur de leur allure que par leur sainteté.

Huic Pacuuius insignis tragicus successisse dicitur, sententiis profecto maxime excitatiuis44 refertus, unde eius carmina in Caesaris funere Antonius recitari uoluit, quae in Brutum et Cassium ceterosque conspiratores populum commouerent ; huic (ut Aulus Gellius narrat) iam senio paene confecto Accius tunc inuenis obnixe petenti suam Atrea45 ostendit.46

On dit que Pacuvius, tragique remarquable, rempli de sentences vraiment suggestives, a succédé à celui-ci, d’où Antoine voulut que lors des funérailles de César l’on déclamât ses poèmes, pour soulever le peuple contre Brutus, Cassius et les autres conspirateurs ; c’est à lui que (comme Aulu-Gelle le raconte), alors qu’il avait déjà presque atteint l’âge sénile, Accius alors dans sa jeunesse dévoila, alors qu’il le réclamait avec insistance, son Atrée.

Quae cum durior uisa esset Pacuuio, nihil aliud respondisse fertur quam id sibi perplacere fore existimans ut cum annis mitesceret.

Cette pièce, comme elle avait paru assez rude à Pacuvius, on rapporte qu’il répondit seulement que ça lui plaisait, supposant que la douceur viendrait avec les années.

Ambo sane ut uult Quintilianus sententiarum grauitate, uerborumque pondere et personarum auctoritate clarissimi ; ceterum nitor et summa in excolendis operibus manus magis uideri potest temporibus quam ipsis defuisse ; uirium tamen (ut quidem prosequitur) plus Accio tribuitur, Pacuuium uideri doctiorem qui esse docti affectant uolunt. 47

Ces deux auteurs, vraiment, comme le soutient Quintilien, sont les plus célèbres par la gravité de leurs pensées, le poids de leurs mots, la dignité de leurs personnages ; du reste l’élégance et la dernière main apportée à la finition de leurs œuvres peuvent sembler avoir davantage manqué à leur époque qu’à eux-mêmes ; cependant (c’est bien ainsi qu’il poursuit), on accorde plus de forces à Accius, mais ceux qui affectent l’érudition veulent que Pacuvius semble plus érudit.

Ante eos non incelebres fuere multi ut Phrynichus Mellanthae filius quem Athenienses mille drachmis multauerunt quod Milesiorum excidium tragoedia complexus esset48 ; Theodoctes qui tragoediam quae Mausolus inscribitur eleganti stilo composuit ; Eupolis quem Laertius in Protagora citat49.

Avant eux, il y eut beaucoup d’auteurs qui n’étaient pas obscurs, comme Phrynichos, fils de Mellanthas, que les Athéniens condamnèrent à payer mille drachmes au prétexte qu’il avait exposé dans sa tragédie la chute des Milésiens ; Théodocte, qui composa une tragédie d’un style élégant intitulée Mausole50 ; Eupolis, que Diogène Laërce cite dans son Protagoras.

Item alii qui secuti sunt ut M. Attilius scriptor quidem durissimus ideoque ferreus a Licinio dictus51, C. Seuerus, Maecenas et complures alii quorum carmina eo facilius praetermitto quod Quintilianus in rebus uirorum doctorum pensiculandis adamussim iudicium faciens eorum non meminit, inter insignes Varium nominat, cuius Thyestem Graecorum cuilibet compari posse asserit, Ouidium maxime in Medeam idem celebrat ; Pomponium Secundum inter ceteros sui temporis facile principem censet, qui senum iudicio parum tragicus eruditione ac nitore praestantissimus est habitus.52

Également d’autres ont suivi, comme M. Attilius, écrivain certes très dur et pour cela dit « de fer » par Licinius ; C. Sévérus, Mécène et bien d’autres dont j’omets les poèmes d’autant plus facilement que Quintilien, en portant son jugement dans son examen régulier des productions des savants, ne les rappelle pas, mais nomme Varius parmi les auteurs remarquables, dont il affirme que le Thyeste peut être comparé à n’importe lequel des Grecs, célèbre aussi au plus haut point Ovide pour sa Médée. Il juge que Pomponius Secundus est facilement le premier entre tous de son époque, lui qui au dire des vieillards est peu tragique, mais est considéré comme le plus éminent par son raffinement et sa splendeur.

His praelibatis53 restat ut de nostro Seneca dicamus quae alium a Seneca Stoico cuius meminimus aperte demonstrabunt.

Après ces mises en bouche, il reste à dire de notre Sénèque des arguments qui démontreront ouvertement qu’il n'est pas le Sénèque que la mémoire donne comme le philosophe stoïcien 54.

Solent fallaciosis plerumque captionibus hominum ingenia irretiri, quod eo perniciosius est (ut uult Quintilianus) quo uitiis dulcioribus est secundius.55

On a en général l’habitude par des tromperies captieuses d’envelopper les talents des hommes, ce qui est d’autant plus pernicieux (comme le soutient Quintilien) qu’il est heureux par ses agréables défauts.

Hinc enim fit ut mens nimium credula facile (ut aiunt) in sirenum scopulos naufragium factura saepius incurrat ; unde solis datur sapientioribus emergendi facultas, quod de Senecis non absurde poterimus dicere ad quos tamquam ad unum dulcia uirorum nec incelebrium dicta, nisi cauerimus, blande impellunt.

Par conséquent, il arrive en effet qu’un esprit trop crédule (comme on dit) coure facilement vers les rochers des sirènes, courant au naufrage ; d’où le fait qu’on attribue seulement aux gens assez sages la faculté de refaire surface ; c’est ce que nous pourrons dire sans absurdité à propos des Sénèque, eux vers lesquels, comme s’il n’y en avait qu’un seul, nous sommes agréablement poussés par les douces paroles – si nous n’y avons pas pris garde – des gens, et non des moindres célébrités.56

Inter hos Petrarcam scriptorem alias diligentissimum audio, et pariter Pe. Sipontinum aliosque non parui nominis auctores, Lucium Annaeum Senecum [sic] eumdem stoicum philosophum et tragicum dicere, qui uenarum solutione sub Nerone decessit illudque se ipsos iugulantes.

Parmi ceux-ci, je sais que l’écrivain Pétrarque très scrupuleux par ailleurs, également P. de Siponte57 et d’autres auteurs de grande renommée, disent que Lucius Annaeus Sénèque, le philosophe stoïcien et le tragique qui mourut sous Néron en se tranchant les veines sont une même personne et qu’ils se sont eux-mêmes mis à mort.

Quintiliani auctoritate comprobare nituntur, qui in decimo de Seneca ita loquitur : tractauit omnem fere studiorum materiam nam et poemata et epistolae et dialogi efferuntur ; et in philosophia parumque diligens 58 ;

Ils s’efforcent de le prouver sur l’autorité de Quintilien, qui dans son livre X, s’exprime ainsi : « Il a traité presque chaque sujet d’étude59 ; de lui, nous avons en effet des poèmes, des lettres, des dialogues ; et en philosophie, il manqua quelque peu de précision » ;

ad quod illud etiam referunt quod est in octauo : facit quasdem sententias sola geminatio qualis est Senecae in eo scripto quod Nero ad senatum misit occisa matre cum se periclitatum uideri uellet “saluum me esse adhuc nec credo nec gaudeo” 60  ;

à quoi ils rapportent aussi ce qui se trouve dans le livre VIII : « Quelquefois le trait consiste à doubler un mot, comme dans cet écrit de Sénèque que Néron envoya au sénat après le meurtre de sa mère, comme il voulait sembler avoir été en danger : “que je sois sauf, ni je ne le crois ni ne m’en réjouis encore” ;

nec sibi obstare pertinaciter contendunt quod in octauo (cui maxime Crinitus innititur) idem dixit « Nam memini inter Pomponium et Senecam etiam praefationibus esse tractatum an “gradus eliminat” in tragoedia dici oportuisset 61 .

et ils ne prétendent pas s’opposer obstinément à ce que le même dit dans son livre VIII (sur lequel Crinito s’est le plus appuyé)62 : « et je me rappelle que Pomponius et Sénèque discutaient dans des préfaces s’il avait été opportun de dire “gradus eliminat” (“il met les pieds dehors”), dans une tragédie ».

Si enim Quintiliani (ut aiunt) auctoritas eo trahatur ut Seneca et poeta et philosophus fuerit, nonne ut Pomponius uel stoicus, tragoediam scribere potuit cum omnem fere studiorum materiam tractauerit, his inanibus argutiis aut quod uerius dixero futilibus coniecturis qui rem subtilius et enucleatius perscrutati sunt (si uirorum doctorum iudicio est fides adhibenda) apertissimum errorem demonstrant.

Si en effet l’autorité de Quintilien (comme on dit) s’étend au point que Sénèque fût à la fois poète et philosophe, « est-ce qu’il n’a pas pu, comme Pomponius, stoïcien assurément, écrire une tragédie, dans la mesure où il a traité presque chaque sujet d’étude ? », par ces arguties vaines ou ce que j’aurai plus justement dit par ces conjectures futiles, ceux qui ont fouillé la question assez subtilement et nettement (puisque l’on doit accorder confiance au jugement des savants), montrent une erreur très claire.

Inprimis Iohannes Baptista Pius duos Senecas Romae floruisse annotationum septuagesimo capitulo asserit, cum inquit : alter sententiosus ille, quem traditione pollere Boetius autumat, periit exsectis iussu Neronis uenis. “Orchestram quatit alter Euripidis 63 ut Sidonius ait ; hic alter Seneca, qui tragoediam curat, continenti lectione excutitur.

En premier lieu, Giovan Battista Pio a affirmé au soixante-dixième chapitre de ses Annotations que « deux Sénèque ont fleuri à Rome », quand il dit : « le deuxième, le sentencieux, que Boèce affirme avoir beaucoup de pouvoir dans la tradition, a péri après s’être tranché les veines, sur ordre de Néron. “Il ébranle l’orchestre d’Euripide”, comme dit Sidoine ; cet autre Sénèque, qui se préoccupe de tragédie, est épluché par une lecture continue. »64.

Item M. Antonius Sabellicus in secunda rhapsodia duos fuisse Senecas confirmat, cum unum pisonania coniuratione deprehensum uenis sectis interiisse recitat, alterumque cuius exstant tragoediae eleganti stilo contextae ; nomina qui Martialis carmine celebrantur quod subiungere ideo placuit ut philosophiam stoico et tragoediam poetae tragico Petrarca relinquat :

De même, Marcus Antonius Sabellicus65 affirme dans sa seconde rhapsodie qu’il y eut deux Sénèque, quand il proclame que l’un, découvert dans la conjuration de Pison, mourut en se tranchant les veines, l’autre dont restent des tragédies écrites dans un style élégant ; noms qui qui sont célébrés dans un poème de Martial, parce qu’il lui plut de les unir pour cette raison que Pétrarque laisse la philosophie au stoïcien et la tragédie au poète tragique :

Verona docti syllabas amat vatis, Marone felix Mantua est, Censetur Aponi Livio suo tellus Stellaque nec Flacco minus, Apollodoro plaudit imbrifer Nilus, Nasone Paeligni sonant, Duosque Senecas unicumque Lucanum Facunda loquitur Corduba, Gaudent iocosae Canio suo Gades, Emerita Deciano meo: Te, Liciniane, gloriabitur nostra Nec me tacebit Bilbilis. 66

« Vérone aime les vers de son savant poète et Virgile fait le bonheur de Mantoue ; la terre où jaillit la source Aponus doit sa renommée à son Tite-Live, et à Stella, aussi bien qu’à Flaccus ; le Nil aux inondations féconde admire son Apollodore ; le pays des Péligniens retentit du nom d’Ovide ; l’éloquente Cordoue proclame la gloire des deux Sénèque et de Lucain, le poète savant sans rival ; la folâtre Gadès fait ses délices de son Canius, Emerita de mon ami Decianus. Quant à toi, Licinianus, tu seras l’orgueil de notre Bilbilis, et elle ne m’oubliera pas non plus. »67

Duos igitur Senecas fuisse cunctis uel mediocriter eruditis persuasum esse debet, horum prior stoicus teste Lactantio de Diuinis Institutionibus primo, capitulo quinto68, fuit uitiorum insectator ex Romanis acerrimus qui saepe summum deum merita laude prosecutus est poematis epistolis orationibus dialogis et compluribus in philosophia scriptis, inter uiros apprime eruditos commendatus qui ex Corduba Hispaniae Baeticae ciuitate poetarum oratorumque partu fulgentissima ortus, puer Roma delatus est, qui probo teste sub Claudio innocentissimus adulteriorum Iuliae Germanici filiae tamquam conscius in Corsicam insulam relegatus dicitur, quod a secundo Seneca introductus in Octauia sic loquens innuere uidetur:

Donc, qu’il y ait eu deux Sénèque, cela doit être décidé par l’ensemble, du moins la majorité, des érudits ; parmi eux, le premier est le stoïcien, au témoignage de Lactance, au livre I des Institutions Divines, chapitre 5 : « il fut le plus virulent pourfendeur des vices chez les Romains, lui qui a souvent honoré le dieu suprême par une louange justifiée dans ses poèmes, ses lettres, ses discours, ses dialogues et de nombreux écrits philosophiques, recommandé entre les érudits avant tout,lui qui, après une naissance à Cordoue, ville de poètes et d’orateurs très brillante en Hispanie Bétique, fut envoyé dans son enfance à Rome, et qui, sous Claude, alors qu’il était complètement innocent, a été envoyé par un honnête témoin, dit-on, en relégation en Corse, en tant que complice des adultères de Julie, fille de Germanicus ; ce que, mis en scène dans son Octavie par le second Sénèque, il semble indiquer en parlant ainsi :

Quid me potens Fortuna, fallaci mihi blandita vultu, sorte contentum mea alte extulisti, gravius ut ruerem edita receptus arce totque prospicerem metus? Melius latebam procul ab invidiae malis remotus inter Corsici rupes maris, ubi liber animus et sui iuris mihi semper vacabat studia recolenti mea” » 69

“Pourquoi, puissante Fortune, dont l’aspect Trompeur m’a flatté, alors que j’étais satisfait de mon sort, M’as-tu porté au faîte, pour que du haut de la citadelle où je séjournais, Je chute plus lourdement et j’aperçoive tant de frayeurs ? Je me trouvais mieux, loin des maux que donne une position enviable, Dans ma retraite lointaine de Corse, au milieu des falaises en surplomb sur la mer, Où, l’esprit libre et indépendant, Je me consacrais à mes études.” »

Hic deinde ab exilio reuocatus Neronis teste Suetonio factus est praeceptor70, quem Pisonianae coniurationis participem uenis solutis integerrimum paedagogum sanctissimumque coinquinatissimae uitae discipulus, satis omnibus notae crudelitatis homo, ad mortem immaniter compulit, cuius hoc fuit epitaphium :

Ensuite, Sénèque, rappelé d’exil, devint au témoignage de Suétone le précepteur de Néron ; et lui, en tant que complice dans la conjuration de Pison, après s’être coupé les veines, lui, pédagogue le plus intègre et le plus vénérable, son élève à la vie des plus impures, et homme à la cruauté bien connue de tous, le poussa de façon horrible à la mort ; et voici son épitaphe71 :

Cura labor meritus sumpti pro munere honores Ite alias posthac sollicitate animas Me procul a uobis deux euocat ; ilicet actis Rebus terrenis, hospita terra, uale ; Corpus, auara, tamen solemnibus accipe saxis : Namque animam caelo reddimus, ossa tibi. 72

« Souci, peine, profit, honneurs récompensant l’accomplissement du devoir, allez-vous en, tourmentez dorénavant d’autres âmes. Un dieu m’appelle auprès de lui, loin de vous. C’en est donc fini des choses terrestres, adieu, terre d’accueil ! Reçois cependant, terre avide, mon corps dans un rocher consacré, car nous restituons au ciel notre âme et à toi nos os. »

Hunc Quintilianus magis sugillare uidetur quam commendare.

Quintilien semble plus se moquer de lui que le recommander.

Aulus Gellius praetera in suis Noctibus Atticis omni die profecto fulgidioribus scriptorem censet inutilem, cuius libros attingere nullum pretium operae sit, quod oratio eius uideatur uulgaris et protrita. Res autem et sententiae ut inani ineptoque impetu leui et dicaci argutia cuius oratio sit uernacula et plebeia, nihilque ex ueterum scriptis nec gratiae nec dignitatis habens. 73

Aulu-Gelle, en outre, dans ses Nuits Attiques, considère que c’est un écrivain inutile par ses fulgurances vraiment quotidiennes, lui dont il ne vaudrait absolument pas la peine de toucher les livres parce que son expression lui semble vulgaire et banale. Or sa pensée et ses tournures sont d’un élan vain et inadapté, d’une subtilité légère et railleuse, dont l’expression serait commune et plébéienne, et n’ayant rien de la grâce ni de la dignité des écrivains d’antan.

Aliis fenestram maledicendi inde puto apertam qui inter quadriuiales grammaticos uix enumerandi maiorum latratus effingere conantur.

Je pense que la porte de la médisance est ouverte, chez d’autres qui, en très grand nombre parmi ces grammairiens du quadrivium, entreprennent de reproduire les aboiements des Anciens ».

Nec tamen stoicum defendere contenderim, quem Quintilianus non commendauerit, in quem Aulu Gellius audacissime insurrexerit, cuius stilum et incultum et inelegantem Crinitus libro primo De Disciplina Honesta confirmauerit, quem Caius princeps arenam sine calce notauerit74, sed quem a fide nostra alieni damnauerint (Crinitum secludo cuius pedaria sententia est), Beatus Hieronymus inter Christianissimos recepit75, Boetius sententiosum dixit76, Lactantius sedulissimus superstitionum propugnator saepius ut a fide nostra non abhorrentem collaudauit.77

Et cependant je n’essaierais pas de défendre le stoïcien, que Quintilien n’a pas recommandé, contre lequel Aulu-Gelle s’est dressé avec la plus vive audace, dont Crinito a confirmé au livre I du De Disciplina Honesta « le style manquant de poli et d’élégance »78, que Caligula a qualifié de « sable sans chaux », mais que des gens étrangers à notre foi79 ont condamné (je mets de côté Crinito, dont le jugement n’est pas le plus autorisé) <mais que> Saint-Jérôme place parmi les très Chrétiens, que Boèce dit sentencieux, que Lactance, ce combattant des plus zélés des superstitions a assez souvent loué, comme n’étant pas incompatible avec notre foi.

Hanc tamen classicis relinquentes digladiationem, quae Crinitus de utroque Seneca sensit in medium afferre haud indecorum duximus.

Même si nous nous en tenons aux auteurs antiques dans ce débat, nous n'avons pas cru bon d'écarter, au milieu de cet écrit, ce que Crinito a pensé des deux Sénèque 80


1. De fait, les citations explicites et implicites seront très nombreuses dans ce paratexte
2. Section de l’épître dédicatoire consacrée à la définition de la tragédie, opérée par une remarque très générale, puis par le recours à l’étymologie, puis par série de differentiae avec la comédie et en lien avec le drame satyrique, par des remarques sur son style et sa composition (début, fin, chœurs)
3. Diom., Ars 487.11, De Maizières se réfère-t-il directement à l’auteur ancien, ou est-ce par le filtre des traités humanistes (comme celui de Riccardini, très proche, comme les Praenotamenta de Bade, parus en 1502, dont le chapitre 4 contient également la pensée Tragedia ut refert Diomedes est heroicae fortunae in aduersis comprehensio) qu’il reprend cette définition ? Elle trouve peut-être en tout cas un écho dans la préface de la Silvanire de Mairet, qui cite la formule (Est aduersae fortunae in aduersis comprehensio) et non celle de Diomède : le paratexte de De Maizières est sans doute la source ignorée de sa préface
4. Hor., P. 220.
5.

On rencontre la même référence dans Giunta, où l’on note la source savante, la traduction et le commentaire, redevables à Evanthius, de Fabula, 2 : Namque incensis iam altaribus et admoto hirco id genus carminis, quod sacer chorus reddebat Libero patri, tragoedia dicebatur : uel ἀπὸ τοῦ τράγου καὶ τῆς ᾠδῆς, hoc est ab hirco hoste uinearum et a cantilena — cuius ipsius rei etiam apud Vergilium plena fit mentio —, uel quod hirco donabatur eius carminis poeta, uel quod uter eius musti plenus sollemne praemium cantatoribus fuerat, uel quod ora sua faecibus perlinebant scaenici ante usum personarum ab Aeschylo repertum ; faeces enim Graece dicuntur τρύγες. et his quidem causis tragoediae nomen inuentum est.

De fait, quand on avait mis le feu sur les autels et fait venir un bouc, le type d'incantations que faisait le chœur sacré en l'honneur du dieu Liber était nommé tragoedia : l'étymologie en est soit τράγος et ᾠδή, c'est-à-dire le nom du bouc, ennemi des vignes, et le nom du chant (ce dont Virgile fait précisément une mention complète) ; soit c'est parce que le créateur de ce poème recevait un bouc en cadeau ; soit parce qu'une outre pleine de moût de vin était donnée en récompense solennelle aux chanteurs ou que les acteurs enduisaient leur visage de lie de vin, avant l'invention des masques par Eschyle : de fait la lie en grec se dit τρύγες. Voilà pourquoi la tragédie s'appelle ainsi (traduction Hyperdonat ; voir le commentaire à cette étymologie à deux volets en note).

6. Mustum, i, n : moût, vin doux, non fermenté
7. Il s’agit de Cristoforo Landino (1424-1492), humaniste néoplatonicien, poète et érudit, qui a traduit Pline l'Ancien, édité Horace, commenté Virgile (les Bucoliques et les Géorgiques), Dante. Il a passé une grande partie de sa carrière au Studio de Florence, où il a d’abord été lecteur de grammaire, puis assistant du Pogge, et enfin professeur de rhétorique et de poésie.
8. Virg., G. 2.380-384. Citation, à quelques variantes près : Non aliam ob culpam Baccho caper omnibus aris. Caeditur et ueteres ineunt proscenia ludi : praemiaque ingeniis pagos et compita circum Thesidae posuere atque inter pocula laeti mollibus in pratis unctos saluere per utres.
9. Hor., P. 275-277.
10. Diom., Ars 488, Passage inspiré de Diomède, déjà chez Bade : voir les Descriptiones et differentiae tragoedia et comoediae. Capitulum IV) et la note 2.
11. Ce qui veut dire que l’on connaît si bien la comédie que son déroulement apparaîtra clairement à notre compréhension. Mais une autre interprétation de ce passage est possible, si l’on comprend deductio non comme « déroulement, progression » (de l’intrigue comique) mais comme « action de retrancher » avec le complément de ea qui renverrait à la tragédie. Le commentateur parlerait de la composition de son introduction, qui ôterait une section consacrée à la comédie pour se concentrer sur la tragédie, bien moins connue. On pourrait alors traduire : « le fait de retirer <la comédie> de <la tragédie> s'offrira de soi-même nécessairement comme à notre affaire [scil. à notre commentaire] ».
12. Hor., P. 221-224a. Citation exacte, quoique tronquée.
13. Val. Max., Dictorum factorumque memorabilium libri 6.2.9. Diphilus tragoedus, cum Apollinaribus ludis inter actum ad eum uersum uenisset, in quo haec sententia continetur, 'miseria nostra magnus est', directis in Pompeium Magnum manibus pronuntiauit, reuocatusque aliquotiens a populo sine ulla cunctatione nimiae illum et intolerabilis potentiae reum gestu perseueranter egit. eadem petulantia usus est in ea quoque parte, 'uirtutem istam ueniet tempus cum grauiter gemes'. « L'auteur tragique Diphile, jouant aux jeux Apollinaires, en vint, au cours de l'action, au vers qui contenait la pensée suivante : “Ce sont nos malheurs qui l'ont fait grand.” Il prononça ce vers les mains étendues vers le grand Pompée. Le peuple le lui redemanda plusieurs fois. Diphile le répéta sans hésiter, sans se lasser, poursuivant de son geste ce grand homme coupable de détenir un pouvoir excessif et intolérable. Il rendit avec la même audace cet autre endroit : “Un temps viendra où ces exploits fameux vous causeront des regrets.” »
14. Hor., P. 231. Voir pour la traduction et le commentaire de ce passage R. Glinatsis, De l'Art poétique à l'Épître aux Pisons d'Horace : Pour une redéfinition du statut de l’œuvre, Presses universitaires du Septentrion, 2018, p. 166-170.
15. Ov., Tr. 2.1.381.
16. Hor., O. 2.1.9-10a. Les vers de cette ode dédiée à Asinius Pollion peuvent s’entendre de deux manières, la tragédie pouvant renvoyer au genre en général (« Qu’un moment la Muse de la sévère tragédie fasse défaut au théâtre ») c’est-à-dire que s’il cesse quelque temps d’écrire des tragédies, la muse Melpomène s’éloignera du théâtre ; ou bien, dans un éloge plus discret, la tragédie peut ne renvoyer qu’aux productions d’Asinius Pollion et il faut alors comprendre que seule « la muse de ta grave tragédie » s’éloignera du théâtre.
17. Str., Géographie 1.2.6..

Strabon distingue prose et poésie, deux espèces de langage, pour mieux nuancer l’opposition traditionnelle entre elles et affirmer que le troisième terme, la prose ornée, n’est qu’une imitation du langage poétique. Il s’appuie, pour montrer que la forme poétique fut première et n’a subi qu’une série de privations qui l’ont amenée à la prose, sur une image faisant intervenir tragédie et comédie : καθάπερ ἄν τις καὶ τὴν κωμῳδίαν φαίη λαβεῖν τὴν σύστασιν ἀπὸ τῆς τραγῳδίας, καὶ τοῦ κατ' αὐτὴν ὕψους καταβιβασθεῖσαν εἰς τὸ λογοειδὲς νυνὶ καλούμενον, « C'est comme si l'on disait que la comédie, née du sein même de la tragédie, a quitté les hautes régions que celle-ci habite pour se ravaler jusqu'au ton de ce que nous nommons actuellement le langage prosaïque ou discours familier. » La grandiloquence attachée à la tragédie dont parle de Maizières est peut-être la « hauteur » d’où est descendue la prose, qui reparaît dans l’image finale du paragraphe : Καὶ αὐτὸ δὲ τὸ πεζὸν λεχθῆναι τὸν ἄνευ τοῦ μέτρου λόγον ἐμφαίνει τὸν ἀπὸ ὕψους τινὸς καταβάντα καὶ ὀχήματος εἰς τοὔδαφος, « Enfin le nom seul de discours pédestre, employé pour désigner la prose ou le langage affranchi de tout mètre, suffirait à nous la montrer descendue en quelque sorte d'un lieu élevé, et de son char, si l'on peut dire, ayant mis pied à terre. »

Voir, pour cette métaphore de la prose « piétonne » parce que descendue de son char, et plus largement pour la suite de ce paratexte sur le langage prosaïque, J.-P. Guez « L’inspiration, le char et l’envol : imaginaire de la prose à l’époque impériale » dans J.-P. Guez et Dimitri Kasprzyk (éd.), Penser la prose dans le monde gréco-romain, Presses Universitaires de Rennes, « La Licorne » 119, 2016, p. 29-56.

18. Hor., P. 89-92.
19. Quint., I.O. 10.2.20. Citation quasi littérale : Sua cuique proposito lex, suus decor est : nec comoedia in coturnos adsurgit, nec contra tragoedia socco ingreditur. Habet tamen omnis eloquentia aliquid commune: id imitemur quod commune est.
20. Hor., P. 93-95.
21. La référence demeure introuvable.Est-ce une allusion au fameux vers du Thyeste d’Accius oderint, dum metuant cité par Caligula, précédé de cette indication sur l’origine générique de la citation (tragicum illud subinde iactabat) chez Suétone, mais dans la vie de Caligula et non dans celle d’Auguste (Cal. 30.1 ?) Ou la parenthèse est-elle mal placée et fait-elle référence à une mention de Minerve dans les Vies ? Aucune occurrence ne nous a cependant parue pertinente par rapport à ce passage.
22. Hor., P. 80-82. Citation littérale au verbe près : Hunc socci cepere pedem grandesque cothurni, Alternis aptum sermonibus, et populares Vincentem strepitus, et natum rebus agendis. Vers également cités dans Pla1512_Roce_p2.
23. L’orthographe montre ici la confusion entre satires (saturae) et drames satyriques.
24. Il s’agit sans doute d’une forme erronée pour peripetasma, « tapis, tenture » (qu’on trouve chez Cicéron, Verr. 4.27).
25. Hor., P. 185-187.
26. Traduction Glinatsis, 2009
27. Hor., P. 192. nec quarta loqui persona laboret.
28. Hor., P. 189-190. Neve minor neu sit quinto productior actu fabula, quae posci vult et spectanda reposci..
29. Sen., Epigr. 232.

Épigrammes de l'Anthologie latine attribués à Sénèque, voir S. Mercier 2006 : Omnia tempus edax depascitur, omnia carpit, omnia sede mouet, nil sinit esse diu. « Le temps glouton dévore tout, il déchire tout, il déplace toutes choses et ne permet à rien de subsister longtemps. »

Le thème du temps vorace est topique : Sim. ὃ τοι χρόνος ὀξὺς ὀδόντας / καὶ πάντα ψήχει, καὶ τὰ βιαιότατα « Le temps aux dents pointues détruit tout, même les choses les plus solides »

Ov. M. 15.234-36 Tempus edax rerum, tuque, inuidiosa uetustas omnia destruitis uitiataque dentibus aeui paulatim lenta consumitis omnia morte

Ov. P. 4.10.7 Tempus edax igitur praeter nos omnia perdit ?

Il est également chanté par le chœur des Troyennes chez Sénèque : Troad. 400 Tempus nos auidum deuorat et chaos.

30. Il s'agit, dans cette édition comme dans celles qui lui sont proches dans le temps, de la Thébaïde. Ce ne sera qu’en 1576 avec Delrio que l'ordre des tragédies sera différent dans les éditions du corpus sénéquien et seulement en 1661 avec Gronov et son appui sur l'Etruscus que la tragédie prendra pour titre les Phoenissae.
31. La référence demeure introuvable.Un rhéteur antique comme Marcus Porcius Cato, ou Porcius Latro ? un Moderne ? Un certain Pontius / Poncius (surnommé Magister ou Prouincialis) avait publié des Rhetorica Poncii. Copia latinitatis, Epistole Bruti et Cratis. De arte notariatus en 1486.
32. DL., Vie des philosophes illustres, Vie de Solon 59. Καὶ Θέσπιν ἐκώλυσε τραγῳδίας διδάσκειν, ὡς ἀνωφελῆ τὴν ψευδολογίαν, « Il fit interdire les tragédies que représentait Thespis et ses leçons de théâtre, comme n'étant que de vains mensonges »
33. 540 – 489, stratège athénien, tyran de Chersonèse.
34. Quint., I.O. 10.1.66. Citation presque littérale (à de menus détails près : place de quelques mots, nom d’Eschyle non répété dans le paratexte) de Quintilien : Tragoedias primus in lucem Aeschylus protulit, sublimis et grauis et grandilocus saepe usque ad uitium, sed rudis in plerisque et incompositus.
35. Consul en 347, 344 et 340, dictateur en 353 et 349, il n’hésita pas à faire exécuter son fils qui avait désobéi aux règles militaires qu’il avait remises en vigueur (ne pas attaquer un ennemi hors des rangs), fournissant un très célèbre exemplum d’affrontement entre père et fils et de punition pour indiscipline.
36. Virg., Buc. 8.8-9. en erit ut liceat totum mihi ferre per orbem sola Sophocleo tua carmina digna coturno ?
37. Gell., Noct. 17.4.2. Aulu-Gelle cite lui-même Varron pour ces chiffres : Euripidem quoque M. Varro ait, cum quinque et septuaginta tragoedias scripserit, in quinque solis vicisse, cum eum saepe vincerent aliquot poetae ignavissimi.
38. Voir les deux traditions biographiques pour évaluer le nombre de drames dans Euripide (trad. F. Jouan et H. Van Looy), Fragments. De Aigeus à Autolykos, t. VIII, 1re partie, Les Belles Lettres, « Collection des Universités de France », 1998, p. xii. Selon la Souda, il écrivit 75 ou 92 drames, répartis en 22 tétralogies, 77 sont conservés. Selon Thomas Magister Euripide composa 92 drames dont 8 satyres Fragments C.U.F, p. XIII. Les données globales concordent, certaines divergent car ils excluent les satyres, les pièces jouées hors d'Athènes (Archélaos et Andromaque) et les apocryphes, soit 92 drames dont 78 conservés, dont 3 apocryphes. On croit donc que 14 drames ont disparu avant la création de la bibliothèque d'Alexandrie (Fragments C.U.F, p. XVI.) Sans doute de Maizières n’a-t-il pas eu accès aux traditions savantes ou bien antérieures à lui (Souda, Thomas Magister), mais s’est plutôt inspiré de Vies circulant en son temps.. Sans doute de Maizières n’a-t-il pas eu accès aux traditions savantes ou bien antérieures à lui (Souda, Thomas Magister), mais s’est plutôt inspiré de Vies circulant en son temps : lesquelles.
39. Quint., I.O. 10.1.67. Citation exacte : illud quidem nemo non fateatur necesse est, his, qui se ad agendum comparant, utiliorem longe fore Euripidem.
40. DL., Vies des philosophes illustres 2.18. Au tout début de la vie de Socrate, il est question de cette collaboration entre le sage et Euripide  : ἐδόκει δὲ συμποιεῖν Εὐριπίδῃ· ὅθεν Μνησίλοχος οὕτω φησί· Φρύγες ἐστὶ καινὸν δρᾶμα τοῦτ´ Εὐριπίδου, ... ᾧ καὶ Σωκράτης τὰ φρύγαν´ ὑποτίθησι. καὶ πάλιν, "Εὐριπίδας σωκρατογόμφους." καὶ Καλλίας Πεδήταις· {Α} Τί δὴ σὺ σεμνὴ καὶ φρονεῖς οὕτω μέγα; {Β} Ἔξεστι γάρ μοι· Σωκράτης γὰρ αἴτιος. Ἀριστοφάνης Νεφέλαις· Εὐριπίδῃ δ´ ὁ τὰς τραγῳδίας ποιῶν τὰς περιλαλούσας οὗτός ἐστι, τὰς σοφάς. ἐδόκει δὲ συμποιεῖν Εὐριπίδῃ· ὅθεν Μνησίλοχος οὕτω φησί· Φρύγες ἐστὶ καινὸν δρᾶμα τοῦτ´ Εὐριπίδου, ... ᾧ καὶ Σωκράτης τὰ φρύγαν´ ὑποτίθησι. καὶ πάλιν, "Εὐριπίδας σωκρατογόμφους." καὶ Καλλίας Πεδήταις· {Α} Τί δὴ σὺ σεμνὴ καὶ φρονεῖς οὕτω μέγα; {Β} Ἔξεστι γάρ μοι· Σωκράτης γὰρ αἴτιος. Ἀριστοφάνης Νεφέλαις· Εὐριπίδῃ δ´ ὁ τὰς τραγῳδίας ποιῶν τὰς περιλαλούσας οὗτός ἐστι, τὰς σοφάς., « Platon, dans son Théaetète, dit que Socrate naquit d'un tailleur de pierre nommé Sophronisque, et de Phanarète, qui faisait le métier de sage-femme. Athènes fut sa patrie et le village d'Alopèce son lieu natal. Il y en a qui croient qu'il aida Euripide à composer ses pièces; du moins Mnésiloque dit-il là-dessus : “Les Phrygiens font une nouvelle pièce d'Euripide, sous laquelle Socrate a mis les sarments.” Ailleurs il dit aussi que Socrate mettait les clous aux pièces d'Euripide. Pareillement Callias, auteur d'une pièce intitulée les Captifs, y parle ainsi : “Te voilà grave, et tu fais paraître de grands sentiments. - Je le puis, Socrate en est l'auteur” Aristophane, dans ses Nuées, accuse aussi Euripide d'être aidé dans ses tragédies par celui qui proférait à tout propos des discours de sagesse. »
41. Ar., Frag. 376. Εὐριπίδῃ δ’ ὁ τὰς τραγῳδίας ποιῶν τὰς περιλαλούσας οὗτός ἐστι τὰς σοφάς.
42. DL., Vies des philosophes illustres 2.18.
43. Quint., I.O. 10.1.88. Ennium, sicut sacros uetustate lucos, adoremus, in quibus grandia et antiqua robora iam non tantam habent speciem quantam religionem, « Révérons Ennius, comme les bois à l’ancienneté sacrée, dans lesquels les immenses vieux chênes ne valent plus tant par leur allure que par le respect religieux qu’ils inspirent » (traduction B. Goldlust et P. Paré-Rey dans « Le rôle de la lecture des auteurs dans l’apprentissage de l’elocutio par le futur orateur : Quintilien, Institution Oratoire, 10, 1, 46-131 », BAGB 2, 2017, p. 115-160.
44. En latin classique, seuls les adjectifs excitatus et excitatorius se rencontrent.
45. En latin Atreus, i, m / Atreus, a, um ; on trouve un accusatif Ἄτρέα chez Sophocle, qui semble être ici qualifié par le possessif féminin suam, avec lequel il faudrait sous-entendre tragoediam.
46. Gell., Noct. 13.2.1.
47. Quint., I.O. 10.1.97.. Citation presque littérale : Tragoediae scriptores ueterum Accius atque Pacuuius clarissimi grauitate sententiarum, uerborum pondere, auctoritate personarum. Ceterum nitor et summa in excolendis operibus manus magis uideri potest temporibus quam ipsis defuisse: uirium tamen Accio plus tribuitur, Pacuuium uideri doctiorem qui esse docti adfectant uolunt.
48. Erasme, Adagia 1126, : « Aristophanes in Vespis:  Πτήσσει Φρύνιχος ὥσπερ ἀλέκτωρ,  id est  Galli in morem Phrynichus horret. Fuit hic Phrynichus Melanthae filius, Atheniensis tragoediarum scriptor, quem Athenienses mille drachmis mulctarunt, quod Milesiorum excidium tragoedia complexus esset », source possible de De Maizières (le recueil en est paru en 1500), à moins qu’ils n’aient comme source commune une scholie au v. 1490 des Guêpes – comédie elle-même citée dans l’Adage 1126 – où Phrynikos est également dit « fils de Mellanthas » : ’Αθηναῖοι δακρύσαντες ἐξέβαλον δεδοικότα καὶ ὑποπτήσσοντα. RVlt  
Ald ὃν ’Αθηναῖοι (3) ... (3) τραγῳδήσαντα. ὁ δὲ Φρύνιχος οὗτος 
’Αθηναῖος ἦν, υἱὸς Μελανθᾶ. ἔστι ( 1) ... ( 2) αὐτοῦ τάδε ... ( 2) Πυρρίχας. 
(mut. ex Su. s.v. Φρύνιχος (quart.), IV 767, 1_4) 
Ald πτήσσειν δὲ κυρίως τὸ (8) ... (8) ϕοβεῖσθαι. λέγεται δ' ἐπὶ (10) (ed. Koster, W.J.W). Quant à la condamnation dont il est question, Hérodote l’explique en 6.21 : « Les Athéniens […] furent excessivement affligés de la prise de Milet, et ils manifestèrent leur douleur de mille manières. Le théâtre fondit en larmes à la représentation de la tragédie de Phrynichus, dont le sujet était la prise de cette ville ; et même ils condamnèrent ce poète à une amende de mille drachmes, parce qu'il leur avait rappelé la mémoire de leurs malheurs domestiques : de plus, ils défendirent à qui que ce fût de jouer désormais cette pièce. »
49. DL., Vies des Philosophes illustres 9.8.50. Πρωταγόρας Ἀρτέμωνος ἤ, ὡς Ἀπολλόδωρος καὶ Δίνων ἐν Περσικῶν εʹ, Μαιανδρίου, Ἀβδηρίτης, καθά φησιν Ἡρακλείδης ὁ Ποντικὸς ἐν τοῖς Περὶ νόμων, ὃς καὶ Θουρίοις νόμους γράψαι φησὶν αὐτόν· ὡς δ' Εὔπολις ἐν Κόλαξιν, Τήιος· « Protagoras était fils d'Artémon, ou de Méandre, suivant Apollodore et Dinon dans les Persiques. Héraclide de Pont dit, dans le traité des Lois, qu'il était d'Abdère et avait donné des lois aux habitants de Thurium ; mais Eupolis dans les Flatteurs, lui donne Téos pour patrie ; car il dit : “Ici dedans est Protagoras de Téos.” »
50. Ce poète est appelé Theodectes et non Theodoctes par les Anciens. Il est mentionné plusieurs fois chez Quintilien, dont Quint., I.O. 11.2.51 pour son œuvre : quin semel auditos quamlibet multos versus protenus dicitur reddidisse Theodectes ; chez Gell. Noct. 10.18.7 : Exstat nunc quoque Theodecti tragoedia, quae inscribitur Mausolus; in qua eum magis quam in prosa placuisse Hyginus in exemplis refert.
51. Cic., Fin. 1.5.
52. Quint., I.O. 10.1.98. . Sur la deuxième partie assez proche du texte de Quintilien > Eorum quos uiderim longe princeps Pomponius Secundus, quem senes quidem parum tragicum putabant, eruditione ac nitore praestare confitebantur, « De tous ceux que j’ai pu voir, Pomponius Secundus est de loin le premier, lui que les vieillards jugeaient certes trop peu tragique, alors qu’ils avouaient qu’il l’emportait en culture et en élégance ».
53. Le terme se trouve au singulier dans les « Considérations apéritives, ou préface, de Simon Charpentier, parisien, aux vingt comédies de Plaute préface, de Simon Charpentier, parisien, aux vingt comédies de Plaute » (Symonis Charpentarii Parrhisii in plautinas viginti Comoedias praelibatio seu praefatio).
54. Troisième et dernière partie du traité sur Sénèque, qui entend démontrer que le Tragique et le Philosophe sont deux personnes distinctes.
55. Quint., I.O. 10.1.129. multae in eo clarae que sententiae, multa etiam morum gratia legenda, sed in eloquendo corrupta pleraque atque eo perniciosissima, quod abundant dulcibus uitiis.
56. De Maizières peut se rappeler Gell., Noct. 16.8.16-17 : et sequitur quaedam discendi voluptas insatiabilis, cui sane nisi modum feceris, periculum non mediocre erit, ne, ut plerique alii, tu quoque in illis dialecticae gyris atque maeandris tamquam apud Sirenios scopulos consenescas , « on trouve un plaisir singulier à la [scil. la dialectique] cultiver de plus en plus au point même que, si l'on ne met un frein à l'ardeur que l'on ressent pour ce genre d'étude, on court grand risque de s'engager, comme bien d'autres, à un tel point, dans les subtilités de la dialectique, assez semblables aux demeures des Sirènes, que l'on finit par y passer insensiblement sa vie entière. » où l’on voit que la comparaison avec les rochers des Sirènes était proverbiale ; ou bien d’un de ses quasi-contemporains, Giovanni Gioviano Pontano, De hortis Hesperidum siue de cultu citriorum libri duo, II, 567 : Non tamen Hesperidum que hortos, berenicia rura, Iccirco aut libycos tu dedignabere saltus, Quos olim excisor que hydrae domitor que leonis Alcides adiit, quibus et splendescere iussit Phormiadum que et agros et litora iuncta Vesevo, Quos et Sirenes scopulos, quae saxa frequentant,
57. Il s’agit sans doute de Niccolo Perotti, qui signe Sipontinus : archevêque, gouverneur du patrimoine de Saint-Pierre, puis gouverneur de Spolète. Voir Jean-Louis Charlet, « Un humaniste trop peu connu, Niccolò Perotti : Prolégomènes à une nouvelle édition du Cornu copiae », Revue des études latines, 65 (1987), p. 210-227 et, du même, La correspondance philologique de Niccolo Perotti, 2018, p. 233 sur l’emploi de ce surnom de Sipontinus (et sa graphie), en lien avec la ville dont il est archevêque.
58. Quint., I.O. 10.1.129. Citation presque littérale de Quintilien : Tractauit etiam omnem fere studiorum materiam ; nam et orationes eius et poemata et epistulae et dialogi feruntur. In philosophia parum diligens.
59. En effet, Sénèque s’est illustré dans les genres littéraires les plus divers, mais a délaissé l’histoire, au profit de la philosophie et de la physique, qui permettent d’aborder le passé, le présent et le futur, mais avec d’autres méthodes et avec une autre fin que celles des historiens, fortement critiquées : M. Armisen-Marchetti, « Pourquoi Sénèque n’a-t-il pas écrit l’histoire ? », REL, 73, 1995, p. 151-167.
60. Quint., I.O. 8.5.18. Citation littérale : Facit quasdam sententias sola geminatio, qualis est Senecae in eo scripto quod Nero ad senatum misit occisa matre, cum se periclitatum uideri uellet: « saluum me esse adhuc nec credo nec gaudeo ».
61. Quint., I.O. 8.3.31.. Citation quasi littérale : Nam memini iuuenis admodum inter Pomponium ac Senecam etiam praefationibus esse tractatum an “gradus eliminat” in tragoedia dici oportuisset.
62. Pietro Riccio Crinito, 1465-1505, auteur de Vies des Viri Docti, cité plus loin dans le paratexte pour celle de Sénèque.
63. Sid., Carm. 9. Citation littérale de Sidoine Apollinaire Carm. 9 ad Magnum Felicem, dans lequel figurent plusieurs vers sur Sénèque, déjà cités dans la Vie de Sénèque des Vies des Poètes de Crinito (Livre III). On retrouvera la citation dans l’adresse aux lecteurs de l’édition de Farnaby, Paris, 1631.
64. Citation littérale de Jean Baptiste Pio, humaniste de Bologne, auteur d’éditions et de commentaires nombreux aux poètes latins. C’est en effet le début du chapitre 70 de ses Annotamenta Ioannis Baptiste Pii Bononiensis, Impressum Bononiae : excussum typis aereis apud Ioannem Antonium Platonicum de Benedictis ciuem Bononiensem, 1505. Il n’a en revanche jamais travaillé sur Sénèque, et ne commentera Lucain que plus tard : M. Annei Lucani Cordubensis Pharsalia diligentissime per G. Versellanum recognita. Cum commentariis. Ioannis Sulpitii Verulani eruditionis bonae plenis. Philippi Beroaldi Bononien. nuper repertis. Iodoci Badii Ascensii perquam familiaribus. Cumque ad castigationem adnotatis ab Anto. Sabellico. Iacobo Bononien. Philippo Beroaldo. Baptista Pio. Et quibusdam aliis, Venundantur ab ipso Ascensio & Ioanne Paruo: in aedibus Ascensianis, 1514.
65. Marcus Antonius Coccius Sabellicus fut membre de l’Academia Romana de Giulio Pomponio Leto. Il enseigna l'éloquence et la rhétorique à Udine, Venise et Vérone. La citation est sans doute tirées des Enneades sive Rhapsodia historiarum (1498-1504), histoire universelle en 92 livres, parue en 1513 à Paris, chez Bade. à vérifier Tlse 1 Arsenal 866.
66. Mart., Ep. 1.61.
67. Traduction H. J. Izaac, Paris, Belles Lettres, 1961 (19301).
68. Le chapitre se termine ainsi : Annaeus quoque Seneca, qui ex Romanis uel acerrimus Stoicus fuit, quam saepe summum Deum merita laude prosequitur! Nam cum de immatura morte dissereret: «Non intelligis, inquit, auctoritatem ac maiestatem iudicis tui, rectorem orbis terrarum, caelique et deorum omnium Deum, a quo ista numina, quae singula adoramus, et colimus, suspensa sunt.» Item in Exhortationibus: «Hic, cum prima fundamenta molis pulcherrimae iaceret, et hoc ordiretur, quo neque maius quidquam nouit natura, nec melius; ut omnia sub ducibus suis irent, quamuis ipse per totum se corpus intenderat, tamen ministros regni sui deos genuit.» Et quam multa alia de Deo nostris similia locutus est: quae nunc differo, quod aliis locis opportuniora sunt. Nunc satis est demonstrare, summo ingenio uiros attigisse ueritatem, ac pene tenuisse; nisi eos retrorsum infatuata prauis opinionibus consuetudo rapuisset, qua et deos alios esse opinabantur, et ea, quae in usum hominis Deus fecit, tamquam sensu praedita essent, pro diis habenda, et colenda credebant. « Enfin Sénèque, stoïcien déterminé s'il en fût jamais, et dévoué entièrement aux opinions du Portique, ne rend-il pas à Dieu en mille rencontres la gloire qui lui est due. Venant à parler de la mort qui arrive dans un âge peu avancé: «Vous ignorez, dit-il à un de ses amis, quelle est la grandeur et la majesté de votre juge; sachez qu'il a un pouvoir absolu sur les hommes, et qu'il est le maître des dieux.» Et ailleurs: «Lorsque Dieu voulut jeter les premiers fondements de cet édifice merveilleux, qui surprend encore tous les jours nos yeux et nos esprits, il créa des dieux, qu'il fit ses ministres dans la conduite de ce vaste empire ; et quoiqu'il fût présent partout, il trouva bon de faire divers départements, et d'assigner à chacun une portion de l'univers, qu'il confia à son administration et à ses soins.» Ce philosophe parle le même langage que nous en plusieurs endroits de ses ouvrages. Mais nous l'écouterons encore autre part; qu'il suffise maintenant d'avoir montré que les plus grands hommes, et les génies les plus sublimes de la savante Grèce et de la sage Italie ont approché de la vérité; et ils l'eussent sans doute vue dans toute son évidence, si le malheur de leur naissance ne les eût engagés dans des opinions fausses, quoique établies par la coutume, par une longue suite d'années, et par le consentement des peuples. C'est sur la foi de ces opinions trompeuses qu'ils ont cru qu'il y avait d'autres dieux que celui qu'ils reconnaissaient pour le premier et le plus ancien de tous; et qu'attribuant des qualités divines à diverses choses qui servent à l'entretien de la vie des hommes, ils en ont fait des divinités, et leur ont offert avec de l'encens leurs vœux et leurs hommages ».
69. Sen., Oct. 377-384. Il s'agit d'une réplique de Sénèque, avec un vers 377 légèrement différent dans l’édition de référence actuelle (Quid ? Impotens Fortuna, fallaci mihi). Traduction de G. Liberman (Belles Lettres, Classiques en Poche, 2002) remaniée.
70. Suet., Nero 7.2-3.
71. Le codex Valentianus 373 et quelques autres manuscrits ont conservé sous le titre Epitaphium Senecae pensée qui paraphrase toutes ces inscriptions funéraires ; voir article en italien sur la transmission de ce texte:G. Flammini, "L'Epitaphium Senecae (667 R.) nella tradizione del genere epigrammatico", GIF 52, 2000, p.101-112. Sur la citation de l’épitaphe, parmi d’autres épigrammes. Sur épitaphes funéraires
72. Anth. Lat. 667 (19062) Riese.
73. Gell., Noct. 12.2.1. Citation presque littérale : De Annaeo Seneca partim existimant ut de scriptore minime utili, cuius libros adtingere nullum pretium operae sit quod oratio eius uulgaria uideatur et protrita, res atque sententiae aut inepto inanique impetu sint aut leui et causidicali argutia, eruditio autem uernacula et plebeia nihilque ex ueterum scriptis habens neque gratiae neque dignitatis. « Certains jugent Sénèque comme un écrivain sans utilité dont il ne vaut pas la peine d’ouvrir les livres : sa langue serait commune et banale ; le fond et les traits auraient ou une fougue déplacée et vaine ou une subtilité inconsistante et avocassière, quant à sa science elle serait servile et plébéienne sans rien de l’agrément et de la noblesse qu’on tire des écrits des anciens. » (trad. R. Marache pour la CUF).
74. Suet., Cal. 53.2.
75. Hier., Vir. ill.. Jérôme a inclus le philosophe dans son catalogue des écrivains chrétiens, De uiris illustribus, en grande partie sur la base de la croyance en la correspondance (en réalité apocryphe) entre Saint-Paul et Sénèque, et a souligné l’affinité entre les doctrines stoïcienne et chrétienne (nostro dogmati in plerisque concordant (Comm.in Esaiam 4.11. ; PL 24:147).
76. La référence demeure introuvable.
77. Lact., Inst. 1.5.26 ; 2.2.14 ; etc..
78. Petrus Crinitus / Pietro Riccio (1465 – 1505), De Honesta Disciplina (1504), 1.16, De doctrina Annaei Senecae philosophi, et eius sententiae, quae sint ab omnibus ediscendae et observandae : In Seneca Annaeo complura passim comperies, quae animi magnitudinem et gravitatem maximam indicent. Nam de hominum elocutione et stilo orationis nihil mihi dicendum existimo hoc loco, cum nostri quidem critici ut incultum atque inelegantem merito notaverint.
79. C'est-à-dire à la foi catholique.
80. De Maizières introduit la « Vie de Sénèque » de Crinito qui suit.